La Lettre de ToutEduc n° 135, du 10 octobre 2012
Paru dans La lettre le mercredi 10 octobre 2012.
A LA UNE. Si la concertation et le discours de François Hollande sur la refondation ont marqué la semaine, n'oublions pas que le monde entier s'interroge sur la possibilité de recruter suffisamment d'enseignants formés dans les années à venir...
Rappel : la mise en perspective des informations marquantes de la semaine est reportée après la liste des titres.
LA REFONDATION . LE SYSTEME EDUCATIF
F. Hollande a prononcé un discours volontariste et fixé le calendrier de la refondation de l'Ecole (Refondation de l'Ecole : L'Ecole ne sera plus une variable d'ajustement budgétaire (Fr. Hollande)) après que lui a été remis le rapport de la concertation (Le rapport de la concertation préalable à une refondation de l'école a été remis ce 5 septembre à Vincent Peillon, et présenté dans l'après-midi à la presse. Il sera présenté à l'ensemble des participants mardi 9, en présence du président de la République).
Selon ce rapport, la formation continue devrait être obligatoire pour tous les enseignants (Refondation de l'Ecole : la formation des enseignants). Les directeurs des IUFM estiment d'ailleurs que l'on est parvenu sur ce sujet à un certain consensus, au grand dam d'autres universitaires (Exclusif. Formation des enseignants : vers un consensus que soutient la CDIUFM). Deux chercheurs publient d'ailleurs un plaidoyer pour une formation "simultanée" des futurs enseignants, à la fois disciplinaire et professionnalisante, dès la licence (Peut-on encore former des enseignants ? (V. Troger et P Guibert)).
La refondation de l'école implique aussi de réformer les rythmes scolaires et la pédagogie (Refondation de l'Ecole: rythmes et pédagogie au service de l'élève), tout en restant dans la logique du socle (Refondation de l'Ecole : Rester dans la logique du socle).
La concertation a débouché sur d'autres préconisations, dont la nécessité d'assurer une formation et un statut aux auxiliaires de Vie Scolaire (Refondation de l'Ecole : les constats et les préconisations de la concertation).
La concertation propose de refonder l'éducation prioritaire en évitant toute "labellisation" pour en limiter les effets pervers (Refondation de l'école : les parents, l'orientation et l'éducation prioritaire). L'OZP craint que la "refondation de l'éducation prioritaire" débouche sur la liquidation des avancées réalisées jusqu'à aujourd'hui (Refondation de l'Ecole : l'OZP refuse "la liquidation de l'éducation prioritaire").
Les membres du comité de pilotage ont commenté leur rapport avant l'intervention du président de la République (Refondation de l'Ecole : "Que l'Education nationale mette l'enfant au coeur de ses préoccupations (M-F Colombani)).
Le SNES et le SNEP dénoncent les préconisations de la concertation relatives au socle commun et à l'orientation (Refondation de l'école : le SNES et le SNEP inquiets après la publication du rapport de la concertation).
Valérie Fourneyron a rappelé que son ministère entendait participer à la refondation de l'Ecole (Valérie Fourneyron entend participer à la refondation de l'Ecole).
Par ailleurs, E&D présentera au cabinet de V. Peillon ses propositions sur la réforme du collège (Exclusif . Réforme du collège : E&D présentera au cabinet de V. Peillon ses propositions).
V. Peillon confirme la politique de contractualisation avec les académies et les établissements (V. Peillon confirme la politique de contractualisation avec les académies et les établissements).
ENFANCE- CULTURE
Une journaliste de BFM TV interpelle les lecteurs de ToutEduc: peut-on imaginer un JT pour les enfants? (Peut-on imaginer un JT pour les enfants ? (Valérie Béranger)).
L'association "Enfance et partage" recrute des bénévoles pour ses actions de lutte contre la maltraitance, principalement dans le Nord et dans le Jura (Enfance et partage recrute des bénévoles pour ses actions de lutte contre la maltraitance).
VIE SCOLAIRE, PEDAGOGIE
Le ministère voudrait tripler le nombre d'élèves titulaires d'un CAP qui passent un bac pro, a-t-il dit au syndicat FO de l'enseignement professionnel (Les élèves de CAP devraient pouvoir continuer en bac pro (SNETAA-FO)). Plusieurs syndicats remettent aussi en cause le CCF (contrôle en cours de formation) dans l'enseignement professionnel (Enseignement professionnel : plusieurs syndicats remettent en cause le CCF (contrôle en cours de formation)).
Le SNIES-UNSA milite pour un Master de spécialisation de l'infirmier scolaire (Le SNIES-UNSA milite pour un Master de spécialisation de l'infirmier scolaire).
Rythmes scolaires : les résultats de l'enquête à Issy les Moulineaux(Rythmes scolaires : les résultats de l'enquête à Issy les Moulineaux).
Bic lance une solution numérique avec tablette pour les enseignants du primaire (Bic lance une solution numérique avec tablette pour les enseignants du primaire).
La CASDEN veut contribuer à l'amélioration de l'image des enseignants (La CASDEN veut contribuer à l'amélioration de l'image des enseignants).
TERRITOIRES- INTERNATIONAL
La ville de Nanterre renforce son action pour la réussite scolaire et développe des dispositifs périscolaires (La ville de Nanterre renforce son action pour la réussite scolaire, sans oublier les loisirs et le jeu).
La Fondation pour l'Enfance lance un Appel à projets pour parrainer des enfants en difficulté (Appel à projets pour parrainer des enfants en difficulté (fondation pour l'Enfance)).
Haïti : une marche nationale pour la Journée des enseignants (Haïti : une marche nationale pour la Journée des enseignants)
Enseignement primaire : il faudra embaucher 6,8 millions d'enseignants dans le monde (UNESCO)(Enseignement primaire : il faudra embaucher 6,8 millions d'enseignants dans le monde (UNESCO)).
AGENDA
Le 12 octobre, L'association Lire et faire lire organise son 3e colloque sur le thème "Lire avec les tout-petits" (lire l'article).
Les 18 et 19 octobre, Le 8e congrès des Régions de France s'intéressera au processus de décentralisation (lire l'article).
Les mêmes jours, le syndicat FSU de l'enseignement professionnel s'interrogera sur les répercussions de l'évaluation par compétences sur l'évolution de l'Ecole (lire l'article).
Le 22 octobre, l'observatoire des TICE organise une journée d'étude consacrée aux compétences numériques des 16-24 ans (lire l'article).
Du 24 au 27 octobre, le métier d'enseignant fera l'objet d'un débat à Lyon (lire l'article).
Le SNUIPP (syndicat des enseignants du premier degré) organise son université d'automne à Port Leucate, du 26 au 28 octobre (lire l'article) et le 14 novembre, une journée de réflexion sur le "Plus de maîtres que de classes" (lire l'article).
Le salon du livre et de la presse jeunesse se tiendra à Montreuil du 28 novembre au 3 décembre ([#6241]).
Les 27 et 28 novembre, la CNAPE (protection de l'enfance) présente des expériences menées par des équipes de prévention spécialisée pour lutter contre le décrochage scolaire (lire l'article).
AU JO
JO et Conseil des ministres: l'ACSE, la PJJ, les élèves français à l'étranger, les affaires sociales(JO et Conseil des ministres: l'ACSE, la PJJ, les élèves français à l'étranger, les affaires sociales).
Au JO du 6 au 10 oct. : les médecins scolaires, la PJJ, les IA-IPR, les RH pour la Jeunesse... (Au JO du 6 au 10 oct. : les médecins scolaires, la PJJ, les IA-IPR, les RH pour la Jeunesse...)
ANALYSE. "Que l'Education nationale mette l'enfant au coeur de ses préoccupations!" Quand on se souvient des polémiques suscitées par la petite phrase de la "loi Jospin" de 1989, qui voulait mettre "l'élève au centre", on mesure le chemin parcouru : Marie-Françoise Colombani (du comité de pilotage) a pu exprimer comme une évidence ce souhait à l'issue de la concertation pour la refondation, hier 9 octobre. Quels que soient les reproches que peuvent adresser telle organisation ou telle personnalité à la gestion des débats et à la synthèse qui en a été faite, elle légitime la démarche du politique. Le chef de l'Etat est venu présenter en Sorbonne une perspective pour l'Ecole qui n'est plus celle d'un candidat, ni d'un pouvoir démocratiquement élu par une partie du peuple français, mais celle de la Nation.
On peut en effet débattre de la pertinence de certaines annonces, ou, avec l'UMP, n'y voir que des "banalités"; on peut discuter à l'infini de la représentativité des quelque 800 participants à la concertation, et se demander si d'autres configurations n'auraient pas été possibles et plus démocratiques. De fait, cette représentativité n'est sérieusement contestée par personne, et dans un délai très court, sans bousculer les institutions, une instance a pu délibérer, établir des constats et faire des propositions qui, pour beaucoup font, peu ou prou, consensus, même si leur mise en oeuvre sera débattue. Certaines pourtant sont problématiques, et peuvent diviser la société française comme les professionnels.
Le "collège unique", lors de sa création en 1975, n'a pas tranché entre deux modèles, le "petit lycée", préparant à la poursuite d'études longues, et le CEG, qui était un avatar du "primaire supérieur". Dix ans plus tard, René Monory penche pour le premier et décide que seuls des enseignants certifiés (ou agrégés) ont vocation à y enseigner. La logique du "socle commun", au contraire, s'inscrit plutôt dans un prolongement du premier degré. Le rapport de la concertation, tout en ménageant les susceptibilités, va dans ce sens. Les syndicats sont prêts à en débattre, mais le point d'équilibre sera difficile à trouver. François Hollande a d'ailleurs remis à une date ultérieure "la construction d'un parcours éducatif qui articule mieux (...) la liaison entre l'école et le collège".
En 1981, Alain Savary crée les "zones d'éducation prioritaires". Il s'agit bien de venir en aide à des territoires. Les vicissitudes furent, depuis, nombreuses. Mais peut-on pour autant passer à une autre logique, d'aide aux établissements, en considérant que tous, même les plus prestigieux, ont des élèves en difficulté ? Peut-on passer par profits et pertes les acquis, sur le terrain, d'enseignants et de personnels de direction souvent admirables, la coopération entre premier et second degrés, les partenariats avec les associations et les collectivités ? La dégradation de certains "quartiers" est telle qu'on peut douter que les écoles et les collèges qui s'y trouvent pourront rentrer dans le droit commun, même si ce droit commun évolue... Là encore, le politique se donne cinq ans pour un tel "changement de paradigme", délicat si l'on veut sauvegarder ce que les RAR (et les ECLAIR) ont réussi.
Après 2005, les IUFM sont devenus des composantes parmi d'autres d'universités qui les ont "digérés", selon le mot d'un bon connaisseur du dossier. Si certaines ont maintenu, voire développé, une solide formation professionnelle, d'autres ont laissé aux UFR disciplinaires (unités de formation et de recherche) ce soin, pour le plus grand profit de la formation académique, et aux dépens de la formation pédagogique. Les ESPE (écoles supérieures du professorat et de l'éducation) qui devront prendre le relais des IUFM, auront-elles une vraie personnalité ou seront-elles au service des UFR ? La ministre de l'enseignement supérieur va-t-elle tordre le bras à tous ceux qui redoutent la montée en puissance de ces écoles ? Et comment ces ESPE "inventeront-elles" une professionnalité enseignante qui reste à définir ? Sur ce sujet, il y a urgence. Elles ouvrent leurs portes dans moins d'un an.
Autre sujet délicat, les rythmes scolaires. La perspective d'un raccourcissement des vacances d'été semble s'éloigner, mais la semaine et la journée de classe seront réorganisées, et la question du financement reste entière. François Bonneau, l'un des rapporteurs et président de la Région Centre, semblait dire qu'elle n'était pas si lourde. Les enseignants "doivent" deux heures, qui seraient libérées par la fin de "l'aide personnalisée" et qui serviraient à encadrer les devoirs. Les communes n'auraient plus à financer les "centres aérés" du mercredi matin. Il faudra déployer des trésors d'imagination pour les convaincre que ceci compenserait plus ou moins cela...
Mais l'essentiel n'est peut-être pas là. Le plus gros problème que pose ce rapport est son caractère "scolaro-centré". Valérie Fourneyron l'a souligné dans sa contribution à la concertation, il est dommage de ne pas prendre davantage en compte les autres administrations de l'Etat ou des collectivités qui ont développé de réelles compétences en matière de "décrochage" et de "réussite éducative". On peut aller plus loin et penser qu'auraient eu leur place dans les conclusions de cette concertation la Ville, mais aussi la Police, qui mène des actions de prévention de la délinquance, la Justice et la PJJ (protection judiciaire de la Jeunesse), ou la Famille, pour l'accueil de la petite enfance... Les ministres qui assistaient à la remise du rapport au président de la République faisaient-ils de la figuration, ou auront-ils leur mot à dire dans les étapes ultérieures du processus qui a été lancé ? On aura besoin de tous ces acteurs pour la refondation du projet de la Nation pour sa jeunesse, au-delà de l'Ecole.