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La Lettre de ToutEduc n° 26

Paru dans La lettre le mercredi 03 février 2010.

MALAISE AU LYCEE, SUITE…

La manifestation du samedi 30 janvier n'a pas fait le plein. La division syndicale est profonde, au point que la FSU n'a pas joint sa voix à celle de l'UNSA pour protester contre le financement de l'enseignement privé (cliquez Laïcité: un appel pour l'Ecole publique et un débat sur "un projet de société"), un sujet presque aussi consensuel que "les moyens"… Mais Luc Chatel peut-il se réjouir de cette décomposition de son opposition?

Il a des motifs de satisfaction. Jusqu'à présent, l'Elysée et Bercy ont imposé des coupes claires dans les effectifs enseignants, que son administration a "digérées" en bricolant, en taillant dans quelques actions non prioritaires, dans les moyens de remplacement, dans l'aide aux élèves en difficulté... A en croire les accusations syndicales, la réforme des IUFM permettrait à la rentrée prochaine de faire face avec des stagiaires au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, tout comme celle des lycées en 2011, avec un "tronc commun" en première. Si tous les élèves ont les mêmes programmes et horaires en français ou en histoire-géographie, on peut les mettre dans les mêmes classes, et en rationaliser la gestion. Pour une fois que la réflexion sur les structures précède la nécessité, l'observateur devrait applaudir…

Et pourtant, cette réforme génère sur le terrain une angoisse sourde, diffuse, mais palpable. Est-ce le prix à payer pour quelque chose qui va "dans le bon sens"? L'orientation se faisait autrefois au sortir de l'école primaire, puis en fin de 5ème, puis en fin de 3ème, et elle avait été repoussée, très partiellement et avec des biais, après la seconde, elle le serait donc après la 1ère, pour une partie des élèves… Et cela oblige à chaque fois les enseignants à repenser leurs pratiques, puisque l'hétérogénéité des classes est accrue, et leur identité, puisqu'ils perdent un facteur distinctif (Voie technologique: grande inquiétude au SNES). Sur le long terme, les questions d'identité se gèrent, à condition d'en être pleinement conscient, et d'avoir le temps et les moyens d'accompagner semblable mutation. Luc Chatel n'a ni l'un ni l'autre, et il peut difficilement rassurer ses personnels par la cohérence de son projet. Comme nous l'avons déjà souligné (lettre 25), la réforme des IUFM met l'accent sur les savoirs académiques, et prépare plutôt au cours magistral, tandis que celle du lycée mise l'une individualisation des parcours, ce qui suppose de la pédagogie, ainsi d'ailleurs que des moyens spécifiques, sujet sur lequel l'administration comme les syndicats sont étrangement discrets. De plus, l'objectif des 50% au niveau bac+2 semble avoir remplacé les 80% au niveau bac, ce qui en laisserait 30% sur le carreau... Faute de s'expliquer sur le sujet, le ministre laisse se développer cette crainte.

Enfin, comme l'a bien montré l'association Education & Devenir, plutôt favorable à la réforme, l'accompagnement individualisé des élèves est une question très délicate (Accompagnement: une actualité et un Cahier d'E&D), qui suppose qu'en soit résolue une autre, que l'ensemble des acteurs se garde bien de poser: à quoi sert l'Ecole? Quelles sont les finalités du système? Que signifie "réussite scolaire"? ( ici)

IDEOLOGIES, SUITE…

L'action de Xavier Darcos avait permis de décrypter ce qu'est un projet de droite pour l'Ecole (lettre 13*). Les textes préparatoires à la réunion organisée par Vincent Peillon à Dijon ouvraient quelques pistes sur ce que pourrait être un projet de gauche (lettre 21). Philippe Meirieu, passé à la politique puisqu'il est tête de liste d'Europe Ecologie en Rhône-Alpes, transpose en convictions son travail d'universitaire (cliquez Quels principes pour l'éducation, selon Europe Ecologie?). Pour lui, la formation initiale et la formation continue doivent être pensées comme un tout et comme un service public pour accompagner les mutations d'une économie sommée de respecter l'environnement et de sauver la planète. Les formateurs doivent donner la parole aux individus, aux élèves notamment, considérés comme des sujets, et accepter la singularité des parcours, en reconnaissant par exemple que les "acquis de l'expérience" valent bien ceux de la scolarité formelle. Les lycées, autonomes, doivent s'ouvrir aux associations et aux adultes.

Quant à Luc Chatel, il "s'est lâché" au cours d'une émission de France-Inter consacrée aux "désobéisseurs" (cliquez Les "désobéisseurs": "la chienlit" pour Luc Chatel (France Inter)), alors qu'il ne s'était pas exprimé sur le sujet jusqu'à présent. Il a retrouvé les accents de De Gaulle dénonçant "la chienlit" en 1968. Pour lui, fondamentalement, une classe est un lieu où ceux qui ne savent pas apprennent de celui qui sait, et à qui ils doivent respect et obéissance. L'attitude d'enseignants pour qui cette évidence n'en est pas une, lui est, viscéralement, incompréhensible. Rappelons que cette définition de la classe était celle de Jean-Pierre Chevènement "sifflant la fin de la récréation" quand il a succédé à Alain Savary en 1984. De même, la mise en concurrence des établissements est, pour lui, le moyen d'améliorer leur qualité. Mais, indépendamment de la pertinence ou de la non-pertinence du dogme libéral (Collèges et lycées destabilisés, et n'accueillant plus qu'une seule catégorie sociale? (SNPDEN)), Education & Devenir pose la question: les établissements ne peuvent être autonome que s'ils s'appuient sur un Etat stratège… (L'autonomie des établissements scolaires suppose un "Etat stratège" (Journée E&D))

ET SI LA CRISE ETAIT MONDIALE?

Dany Cohn-Bendit, lors de la conférence d'Europe-Ecologie, a évoqué un "effondrement de tous les systèmes scolaires", quels que soient les modèles, "élitiste" en Allemagne, "républicain" en France, "libéral" en Grande-Bretagne, etc., sans faire d'hypothèses sur les causes, mais en proposant qu'on aille chercher des remèdes dans les marges, là où l'on expérimente.

Et si, dans le monde entier, le regard sur l'Ecole avait changé? Jusqu'à présent, partout, elle portait l'espérance d'une réduction des inégalités, ou du moins d'un progrès pour tous, au minimum d'une chance offerte à chacun. La Revue internationale d'éducation de Sèvres se demande si c'est encore le cas, si elle n'est pas perçue dorénavant comme l'instrument de la permanence des inégalités, et si, progressivement, ne s'impose pas le cauchemar d'écoles communautaires, voire sectaires, qui favoriseraient "l'entre soi". ("Un seul monde, une seule école?" (Revue du CIEP))

Autre question qu'aucun pays n'a résolue, sauf peut-être la Suisse dans trois cantons, la formation des enseignants. Comment donner à quelqu'un qui devra faire face à sa première classe, des outils conceptuels qui lui permettront de s'interroger tout au long de sa carrière, sur sa pratique, et de la remettre en cause? (Le métier d'enseignant peut-il s'apprendre? (un dossier de l'INRP))

Troisième question: comment reconnaître les enseignements informels, les acquis de l'expérience? Tout le monde sait que l'on acquiert bien des compétences hors des structures formelles, mais personne ne sait vraiment comment les identifier et les valider, alors que l'économie en a de plus en plus besoin. (Validation des acquis: comment font les autres? (OCDE))

Dernière question: A quoi sert de réussir à l'Ecole? Et la notion de réussite a-t-elle le même sens dans tous les pays du monde? C'est ce que se demande Education & Devenir (Rémunération des enseignants anglais: Des bonus pour les meilleurs?).

A LIRE AUSSI

Il faut d'abord saluer l'effort de communication de la Protection judiciaire de la Jeunesse, dont l'image a été sérieusement écornée par plusieurs polémiques, sur l'incarcération des mineurs et sur la gestion des personnels, et qui ouvre un site avec des reportages crédibles sur son action avec des jeunes sous main de justice. (Alternatives à l'incarcération des mineurs, deux reportages)

Le rapport de l'Académie de médecine, condamnant la semaine de 4 jours, a fait beaucoup de bruit, on a peu signalé qu'il faisait grand cas du travail des associations péri-scolaires (L'académie de médecine plaide pour le péri-scolaire). Voir aussi à ce sujet la circulaire interministérielle pour la reconnaissance par l'Etat des associations. (Associations: une circulaire du Premier ministre)

En matière d'orientation, c'est à qui fournira le plus d'informations, au risque de s'y perdre… Et si l'Internet était une fausse facilité, voire un piège? C'est, en poussant à l'extrême, ce que laisse entendre un excellent connaisseur du dossier (Orientation: le poids des réseaux et l'usage d'internet (Bruno Devauchelle)). (Voir aussi l'analyse du "rapport Service public de l'orientation: un bouleversement" sur les bouleversement à venir du secteur de l'orientation")

Enfin, pour le plaisir de combattre les idées reçues, vous pourrez vous demander si "l'écriture texto" ne contribuerait pas à améliorer l'orthographe… (Orthographe: les textos l'amélioreraient-ils?) et si les Roms, qui incarnent pour bien des "gadjé" l'insécurité, ne fuient pas l'insécurité que représente pour eux l'école des sédentaires! (Connaître les tziganes pour ne plus en avoir peur, et les reconcilier avec l'Ecole (VEI))

* Pour les lettres précédemment parues, aller sur le site, puis sur l'onglet "La Lettre" et, à l'aide des flèches en bas de page, feuilleter l'ensemble...

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