L'autonomie des établissements scolaires suppose un "Etat stratège" (Journée E&D)
Paru dans Scolaire le samedi 23 janvier 2010.
L'autonomisation des établissements scolaires et la décentralisation supposent "la bonne volonté des personnes" et un "Etat stratège", ce sont deux des réflexions qui ont marqué la journée organisée par "Education & Devenir" ce samedi 23 janvier. En voici des échos. Pour Bernard Toulemonde, ancien recteur, ancien directeur au ministère et conseiller du pr. de la Région Haute-Normandie, nous sommes devant une alternative. La décentralisation peut se poursuivre, "en donnant par appartements aux collectivités la maison Education nationale". Ou bien on arrive à une véritable régionalisation, ce qui suppose que "l'Etat stratège" se recentre sur "sa fonction politique" de définition des objectifs, et se décharge de la gestion du système, que les établissements aient "de réelles marges de manoeuvre" à utiliser "en fonction des besoins repérés des élèves", et que les collectivités soient associées, éventuellement comme membres du conseil d'administration d'établissements publics régionaux d'éducation qui remplaceraient les rectorats.
Pour Jean-Charles Ringard, directeur de l'Education des Pays-de-la-Loire, les collectivités "se sont emparées de l'éducation", puisque équiper un lycée de tableaux blancs interactifs, ou prévoir des salles de 25 et 12 élèves, ou organiser au mois de juin des séjours d'immersion dans un pays étranger, a forcément des conséquences pédagogiques. Il ajoute que nous sommes dans un "système de compétences partagées" qui oblige l'Etat et les collectivités à une "co-production de service public", ce qui suppose que les personnes soient de "bonne volonté". Pour éviter que la gouvernance repose uniquement sur cette bonne volonté, il propose la conclusion de conventions d'objectifs entre la collectivité et le rectorat, par exemple pour gérer les conséquences de la carte scolaire en implantant des options prestigieuses ou des BTS dans des établissements qui ne soient pas de centre-ville, et des contrats entre la collectivité et les établissements, par exemple sur l'équipement informatique en fonction des projets pédagogiques.
Voici d'autres échos de cette journée. Pour Jean-Paul Bachy, président de Champagne-Ardennes, l'orientation doit être "plurielle" et la Région peut contracter avec le rectorat et les partenaires sociaux pour "faire travailler ensemble les CIO, les Missions locales, les MIGEN". Elle peut aussi travailler à la création de filières d'apprentissage dans le service public. Yves Fournel, adjoint au maire de Lyon et président du réseau des villes éducatrices, demande "une orientation nationale pour les PEL [projets éducatifs locaux]", voire la création d'établissements publics locaux de coopération éducative. Alain Blanchard, vice-président de l'Oise, estime que "collectivités et partis politiques" ont trop tardé à trouver des formes de coopération qui permettent de suivre le parcours de l'élève. "Nous allons doter tous les collegiens d'ordinateurs portables, mais quand ils me demandent ce qui se passera quand ils passeront au lycée, je suis obligé de répondre 'allez voir la Région'."
Yves Dutercq (Université de Nantes) est très sceptique. Il estime que la décentralisation, du moins son acte II en 2004 "a accouché d'une souris" (un jugement que les autres intervenants ne partagent pas), et s'interroge sur les conditions d'une réelle autonomie des établissements scolaires. S'ils sont invités à s'ouvrir sur l'extérieur, il faudrait "que la réciproque soit vraie" et que le monde extérieur reconnaisse la culture de l'Education nationale.