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La lettre de ToutEduc n° 22

Paru dans La lettre le mercredi 09 décembre 2009.

LYCEE: LA GUERRE ETERNELLE

La « réforme Chatel » du lycée paraissait relativement bien partie. Elle faisait des heureux, comme les informaticiens, qui voyaient les sciences numériques enfin reconnues (cliquez Enseignement de l'informatique, une vraie rupture (EPI)), et les proviseurs qui voyaient l’autonomie de leurs établissements réaffirmée puisque le "Conseil pédagogique" disposerait de réels pouvoirs pour répartir les moyens (certains diront pour "gérer la pénurie"). Le ministre avait su trouver, parmi les syndicats, des soutiens, et les autres, tout en protestant, se faisaient fort de "digérer" les aspects les plus douloureux de la réforme : les deux heures d’accompagnement individualisés seraient réparties au prorata des heures perdues ailleurs, et tout le monde s’y retrouverait, sauf l’esprit de la réforme.

C’était oublier l’Histoire, aux deux sens du mot, la discipline et celle des réformes avortées. Le lycée d’autrefois avait généré sa hiérarchie des filières : dans les années 60, la section A’ permettait à l’élite de préparer Polytechnique dès la classe de seconde: les maths et la physique pour assurer l’essentiel, le latin et le grec pour faire la différence. Les M (pour "modernes") accueillaient les enfants du peuple qui ne faisaient pas de latin. Les noms ont changé, le principe est resté. Lorsqu’elle défendait l’option grec dans les sections scientifiques, Jacqueline de Romilly, bien que très âgée et à demi aveugle, pesait à elle seule plus que 100 000 lycéens dans les rues, et que tous les syndicats enseignants réunis.

A tort ou à raison, il n’appartient pas à ToutEduc de trancher, tous les ministres ont voulu "rééquilibrer" les filières, et faire de la section S une section scientifique plutôt que sélective, obligeant les élèves à faire de vrais choix, sans lesquels tous les beaux discours sur l’orientation sont vains. Luc Chatel a donc repris le chemin emprunté par ses prédécesseurs, de gauche ou de droite. Il a attaqué la filière d’excellence non par la voie du grec, mais par celle de l’Histoire. La réaction de l’APHG (l’association des professeurs d’histoire-géographie) a été relayée par une pétition d’intellectuels, signée ou soutenue par Alain Finkielkraut, Philippe Meirieu et Antoine Prost, pour prendre quelques figures symboliques.

Toute réforme qui n’augmente pas le nombre des heures de cours faisant des mécontents, Luc Chatel aurait-il pu choisir d’autres mécontents ? L'insulte faite à l'Histoire est-elle plus grave que celle faite à d'autres disciplines? Peut-il à présent briser ce front hétéroclite et donner des gages aux défenseurs de l’Histoire contre ceux qui sont attachés à la conservation d’une série d’élite ? Car parmi les signataires, beaucoup sont par ailleurs d’ardents défenseurs d'un lycée qui reconnaîtrait la diversité des intelligences et d’autres formes, plus collaboratives, du travail scolaire. Ils avaient le sentiment que la réforme Chatel, sans aller jusqu'au bout de cette logique, allait "dans le bon sens".

La vraie question est, comme toujours, ailleurs. Pour s’imposer, une réforme doit avoir une forte légitimité. Celle qui a été concoctée dans le secret d’un cabinet ministériel ne l’aura jamais, quand bien même elle serait la plus pertinente du monde (ce qui reste à démontrer dans le cas présent)! L’enseignement optionnel de l’Histoire en Terminale S pose, par le gros bout de la lorgnette, un problème autrement sérieux: notre modèle politique est-il encore en mesure de conférer une légitimité démocratique aux choix de société, qui affectent l’image que nous avons de nous-mêmes? Une pièce à verser au débat sur l’identité nationale!

Sur la réforme du lycée, lire aussi "Réforme des lycées: les conditions de la réussite pour E&D", " Vive l'expérimentation en mathématiques (Inspection générale)", Le Figaro imagine le lycée de l'avenir, entre fantasmes et cauchemars.

Plus discrètement, d'autres secteurs de l'éducation font également l'actualité.

JEUNESSE. Les collectivités territoriales ne s'inquiètent pas seulement du devenir de la taxe professionnelle, elles se demandent qui aura la compétence jeunesse (cliquez Jeunes et déjà politiques. Qui aura la compétence "jeunesse"?). L'ANACEJ, l'association qui réunit les conseils de jeunes constate que tout le monde intervient, communes, agglomérations, départements, régions, et qu'il arrive qu'au final, personne n'intervienne.

PETITE ENFANCE. Les professionnels de la petite enfance s'interrogent eux aussi: à force d'être sommés de "prendre de la distance", ils se demandent s'ils ont encore le droit d'avoir des émotions, d'être des personnes à part entière (cliquez Les professionnels de la petite enfance chez l'enfant-roi privé de royaume) . Ils s'interrogent aussi sur les "Etats généraux de l'enfance" dont le président de la République a annoncé la tenue (cliquez Les assistants sociaux (ANAS) dénoncent l'orientation des futurs Etats généraux de l'enfance). Autres sujets d'inquiétude qui ont émergé ces 15 derniers jours: l'L’infanticide en questions (Enfance & psy) dont une revue examine les causes plus scientifiquement que le téléfilm consacré à "l'affaire Courjault", la La dyslexie existe-t-elle avant la lecture?, qui pourrait être diagnostiquée bien avant l'entrée à la "grande école", et la place de l'enfant lorsque les L’enfant, le grand laissé pour compte des violences conjugales. imposent l'intervention de la justice, une question qui se pose aussi L’école anglaise impliquée dans la prévention des violences conjugales.. A noter encore la vitalité de certaines "Petite enfance: les "maisons vertes" continuent", fonctionnant selon les principes posés par Françoise Dolto, et celle de la La lecture partagée reste une des activités préférées des 3-6 ans, portée par la demande des enfants, pour qui la lecture partagée reste un "must".

EUROPE. La chypriote [#1150] a été nommée commissaire "Education, Culture, Multilinguisme et Jeunesse". Elle perd la compétence "Formation" mais gagne "la Jeunesse", qui n'était pas mentionnée jusqu'à présent. Qu'en fera-t-elle? Son cahier des charges comporte la promotion de l'Europe: promouvoir la diversité culturelle dans l'éducation, voulue par le Conseil des ministres "Education" bien qu'elle soit mal vue en France. Elle devra aussi relancer la dynamique de Les objectifs de Lisbonne ne seront pas atteints, qui voulait casser les logiques de l'échec scolaire, et dont nous savons déjà que les objectifs fixés pour 2010 ne seront pas atteints.

JOURNALISME. LePortables de Lurçat: la contre-enquête de l'Etudiant nous donne une leçon de journalisme. La presse unanime s'était scandalisée de voir des gamins revendiquer le droit d'utiliser leur téléphone portable en classe. Mais comme d'habitude, personne n'y était allé voir. Les lycéens se plaignaient en fait de ne rien apprendre en anglais. Reste une vraie question: si l'éducation est un service rendu aux familles et aux élèves, il est logique que ceux-ci contestent la qualité du service (voir à ce sujet les hésitations de la droite et de la gauche sur la définition de l'Education dans la lettre n° 21). C'est bien plus sérieux qu'une affaire de portable.

FORMATION DES ENSEIGNANTS. Lionel Jospin avait créé les IUFM. La Droite, revenue aux affaires en 1993, avait renoncé à les supprimer comme elle s'y était pourtant engagée. La loi "Fillon" de 2005 et la "masterisation" lancée par Valérie Pécresse et Xavier Darcos lui permettront-elles d'avoir enfin leur peau? Le CRAP-Cahiers pédagogiques dénonce "l'Formation des enseignants: Le CRAP-Cahiers pédagogiques dénonce "l'irresponsabilité" du ministère" du ministère, mais là encore, la vraie question est ailleurs: comment former des professionnels de l'enseignement? L'AN@E plaide pour Formation des enseignants: un plaidoyer pour l'analyse des pratiques (AN@E), mais les [#1186] ne manquent pas. Il est étonnant de voir sur ce dossier à quel point les considérations techniques et les passions se mêlent.

A LIRE ENCORE…

La loi "relative à l'orientation et à la formation professionnelle" a été publiée au JO, elle avait fait couler beaucoup d'encre. Cliquez La loi "relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie" au JO.

Le Conseil d'Etat est formel: un enseignant ne peut toucher "la prime de suivi et d'orientation" des élèves s'il n'a pas participé à leur suivi ni à leur orientation. Cela n'allait pas sans dire, apparemment (cliquez Conseil d'Etat: la prime d). Il ne peut pas non plus demander à être payé pour du temps de travail non effectué (cliquez [#1190]).

Les enfants préfèrent manger en famille plutôt qu'à la cantine, même si dans l'ensemble ils ne se plaignent pas de la qualité des repas servis (Cliquez Manger en famille plutôt qu'à la cantine).

Les élèves ne demandent pas tant la justice que le respect (Cliquez Le respect contribue plus au sentiment de justice des élèves que l'égalité de traitement).

 

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