La Lettre de ToutEduc n° 17
Paru dans La lettre le mercredi 30 septembre 2009.
Un pas en avant, un pas en arrière, sur fond de grippe
JEUNESSE. Il est trop tôt pour commenter les choix annoncés hier par le président Sarkozy en matière de Jeunesse. Ces annonces jettent-elles les bases d'une politique en faveur de jeunes adultes déscolarisés? Ou ne sont-elles, comme certains le disent déjà, que des concessions faites à l'air du temps et à Martin Hirsch? A moins qu'elles ne soient une machine de guerre contre les régions... (pour l'article de ToutEduc, cliquez ici).
PRIVE. Nous serons d'autant plus prudents que nous nous sommes précipités sur la querelle du financement de l'école privée et que, avouons-le, nous sommes tombés dans le panneau (Financement du privé: une proposition de loi qui étend la concurrence public-privé). L'affaire, complexe, mérite d'être rappelée. Une mouche l'ayant sans doute piqué, en 2004 le sénateur Michel Charasse, laïc parmi les laïcs, fait voter un article de loi très favorable à l'enseignement catholique. Les communes dont les enfants sont scolarisés dans des écoles privées d'autres communes doivent participer au financement de ces écoles. Ce serait, si le texte était aussi simple qu'écrit ci-dessus, une véritable révolution, mais sa rédaction comporte des ambiguïtés. D'arguties juridiques en procès, il donne lieu à des interprétations contradictoires, et le sénateur Jean-Claude Carle (UMP) fait voter un texte de loi qui tranche: "La contribution de la commune de résidence (...) constitue une dépense obligatoire..."
Grand émoi dans le camp laïc, qui ne voit pas le second alinéa, "... lorsque la commune de résidence ne dispose pas des capacités d'accueil nécessaires à la scolarisation de l'élève concerné dans son école publique". Autrement dit, la dépense est obligatoire dans un cas qui ne se produit jamais, puisque le maire, s'il ne veut pas payer, pourra toujours arguer qu'il aurait pu ajouter une 26ème chaise dans la classe de CP. Aucun texte en effet ne limite le nombre d'élèves par classe. Et c'est ainsi que la dépense obligatoire sur le papier est en réalité facultative. C'est du moins la lecture que fait Bernard Toulemonde de cette péripétie parlementaire. Pour ceux qui ne le connaissent pas, cet ancien recteur, ancien directeur d'administration centrale, excellent juriste, est notre meilleur connaisseur du droit de l'enseignement privé.
Nous voilà au royaume du faire-semblant. On tape du poing sur la table, mais on s'assure que la table est solide, et qu'il ne se passera rien.
GRIPPE. Même chose pour la grippe A. Tous ceux de nos lecteurs qui aiment la prose administrative sont invités à lire la circulaire sur les mesures à prendre dans les établissements scolaires. C'est une merveille du genre. Les enfants doivent se laver "fréquemment" les mains. Dans combien d'écoles dispose-t-on d'assez de lavabos pour que toute une classe y passe sans que cela prenne plus de 10 minutes, et donc sans supprimer les récréations (ou une demi-heure d'enseignement)? Les enfants qui présentent des symptômes grippaux seront "isolés". Certes, mais dans quelle pièce? Avec quel personnel pour les surveiller? Ce n'est pas dit, et les ministres signataires n'annoncent pas un budget pour recruter des personnels supplémentaires. Précisons que l'hygiène n'a jamais été une préoccupation de l'Education nationale. L'immense majorité des établissements refuse qu'on mette du "PQ" dans les toilettes, au prétexte que ça fait des méga-serpentins. Peu importe, le texte a été publié, et le lavage des mains est une priorité! Tout va bien...
Un point pourtant mérite d'être relevé: ce sont les préfets qui décident de la fermeture des classes et des écoles. A notre connaissance, c'est la première fois que les recteurs acceptent que s'exerce dans leur domaine l'autorité d'un autre représentant de l'Etat. Un coin est enfoncé dans les fortifications de la citadelle "Education nationale".
DEFENSEURE. Troisième exemple de ces jeux d'ombre: On supprime la Défenseure des enfants. Dominique Versini était plus connue pour ses engagements politiques et sociaux (elle a été Secrétaire d'Etat de Jean-Pierre Raffarin) que pour ses combats en faveur de la Convention internationale des droits de l'enfants, et sa nomination n'avait soulevé aucun enthousiasme chez les militants de la cause enfantine. Sa destitution (Les enfants seront-ils encore défendus?) provoque une levée de boucliers. Les pétitionnaires n'avaient rien compris, explique Martin Hirsch: un adjoint "enfants" au "Défenseur des droits" ([#909]) sera créé et il aura plus de pouvoirs pour encore mieux défendre les enfants (ici). On ne demande qu'à le croire.
SANCTUAIRES. Dernier recul en date: la fouille des cartables. On se souvient qu'après qu'un élève eut, l'année dernière, "poignardé" une enseignante, Xavier Darcos avait annoncé la "sanctuarisation des établissements scolaires", avec portiques de sécurité et fouille des cartables. L'annonce a produit des effets, médiatiques, mais juridiquement, cette fouille était impossible, sauf à faire des proviseurs des OPJ (officiers de police judiciaire). Luc Chatel enterre le projet, et cite les portiques pour mémoire, mais promis-juré, les établissements seront "sanctuarisés", sans que rien n'ait changé (Les cartables ne seront pas fouillés). Au passage, les départements et les régions sont invités à payer.
OPPOSITIONS. Le Sénat arrivera-t-il à abaisser à 15 ans l'âge de l'entrée en apprentissage, on ne le sait pas encore (Le Sénat abaisse à 15 ans l'âge d'entrée en apprentissage) et le projet suscite peu de protestations, mais dans d'autres domaines, les oppositions se structurent. Les personnels de la petite enfance et les enseignants de maternelle se retrouvent sur les mêmes revendications, alors qu'ils ne se rencontraient jamais auparavant (Pas de bébés à la consigne: 16 223 signataires à ce jour). Ils se sentent tous visés par la petite phrase de Xavier Darcos, "inutile d'avoir bac+5 pour changer des couches", alors qu'elle ne visait que les enseignants de maternelle. Mais c'est toute une conception de l'éducation qui est ainsi débattue (Petite enfance: "non au conditionnement et au dressage" (collectif "Pas de bébés à la consigne"). Les universitaires, qui laissaient dédaigneusement aux IUFM le soin de la formation professionnelle des enseignants, ne s'occupant que de leur formation académique, aux maths ou à la philo, et qui se désintéressaient du premier degré, font cause commune, au moins en apparence, avec les personnels des IUFM pour poser les bases d'une réforme qui lie étroitement formation académique et formation professionnelle (Formation des enseignants: un consensus qui fait problème).
COMMUNAUTARISME. Autre conséquence involontaire de choix politiques, la loi de 2004 sur le foulard islamique, destinée à lutter contre le communautarisme musulman, a provoqué la naissance de collèges et de lycées musulmans, qui pourront bientôt contracter avec l'Etat, et seront donc financés par la puissance publique (Deux nouveaux collèges musulmans). A chacun de juger.
Par ailleurs, nous vous signalons quelques articles qui nous paraissent importants
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