La Lettre de ToutEduc n°192
Paru dans La lettre le mercredi 11 décembre 2013.
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La Lettre de ToutEduc n°192, du 11 décembre 2013
A LA UNE. Les conflits en cours dans l'éducation, rythmes scolaires et classes préparatoires, mêlent comme toujours des considérations pratiques, quelle organisation dans les écoles? quelle compensation pour une surcharge de travail? et des considérations idéologiques, quels rapports l'Ecole doit-elle entretenir avec "les territoires"? notre système élitiste répond-il aux besoins de la société? C'est dans ce contexte que deux rapports, très différents, des inspections générales, sur le décrochage et sur la maîtrise de la langue, mettent clairement en cause la capacité de l'Ecole à résoudre seule ses difficultés. Une étude québécoise montre l'importance des pratiques culturelles à l'égard de la petite enfance dans la réussite future en mathématiques comme dans les autres disciplines.
Des informations à retrouver ci-dessous, si vous ne les avez pas reçues en temps réel.
RYTHMES SCOLAIRES
"Avec cette réforme, l'école et les territoires se parlent" , estime J-P Delahaye, le directeur de l'enseignement scolaire entendu par les sénateurs (lire l'article), Pour Guillaume Gaubert, directeur des affaires financières, le ministère n'avait pas à prendre en compte la réalité des coûts pour les communes (lire l'article)
Grève du 5 décembre : 11 % de grévistes à Nantes, Poitiers et Rouen, 30 % en Corse (lire l'article). Des taux de participation en baisse selon le ministère (lire l'article)
"La balle est dans le camp du ministre", estime Sébastien Sihr (lire l'article)
CLASSES PREPARATOIRES
Grève dans les classes préparatoires : des taux "historiques" (SNALC et SNES) et des propos de V. Peillon hostiles aux grandes écoles (lire l'article). Le ministère compte 3 782 grévistes (lire l'article).
La manifestation à Paris (lire l'article)
LE SYSTEME SCOLAIRE, LA PEDAGOGIE
Programmes : le SNUIPP relaie les critiques des enseignants sur les programmes de 2008 (lire l'article)
Vincent Peillon lance la réforme du collège (lire l'article)
La "maîtrise de la langue" ne passe pas uniquement par des exercices scolaires, estime l'inspection générale (lire l'article)
Les tablettes faciliteraient l'appréhension des grands nombres et des échelles selon une étude américaine (lire l'article). Le CG de l'Oise a prévu d'en distribuer à tous les élèves de 6ème (lire l'article)
PISA : les réactions des syndicats enseignants, des fédérations de parents et de l'UE (lire l'article)
Aimer lire dès la petite enfance aide à réussir en ... mathématiques (lire l'article)
ORIENTATION - INSERTION - DECROCHAGE
Decrochage : les inspections générales demandent "des changements pédagogiques de fond" (lire l'article). L'INSEE donne une nouvelle définition et décrit le devenir des élèves sans diplôme (lire l'article).
Les députés préconisent de mieux adapter l’offre de formation aux besoins pour favoriser la mobilité sociale des jeunes (lire l'article)
La liaison lycée-université est marquée par la défiance, alors que la porosité est de plus en plus forte, selon un rapport des deux inspections IGEN –IGAENR (lire l'article)
ELEVES
La PJJ est partie prenante du programme de réussite scolaire de Guadeloupe (lire l'article)
Le harcèlement mis en scène pour sensibiliser les lycéens (lire l'article)
La moitié des lycéens estime qu'il est facile de se procurer du cannabis (lire l'article)
JEUNESSE
Colonies de vacances : l'UNAT cherche "des solutions rationnelles pour réduire le coût des séjours" (lire l'article)
ENSEIGNANTS - PERSONNELS
Commissions paritaires : le Conseil d'Etat précise les règles (lire l'article)
Formation continue des enseignants avec des vidéos, une idée qui progresse en Europe (lire l'article)
Conseil d'Etat : un contrôle désormais complet des sanctions infligées à un agent public par le juge administratif (lire l'article)
Les éducateurs refusent que leur reconnaissance à "bac+3" soit reportée "aux calendes grecques" (lire l'article)
INTERNATIONAL
Les TIC pour résoudre les problèmes de l'éducation en Afrique (un forum à Tunis) (lire l'article)
Canada : les indiens s'organisent pour refuser la loi sur l'éducation, vecteur d'assimilation (lire l'article)
IDEOLOGIE
Les enseignants "bleu Marine" invitent "Brighelli, Finkielkraut, Michéa" à devenir "membres d'honneur" (lire l'article)
AU JO
Au JO du 4 au 11 déc.: Le cabinet de G. Pau-Langevin, des IGAENR et DASEN, des transferts de crédits (lire l'article)
ANALYSE. Les "décrocheurs" sont-ils des OPMI, des "objets politiques mal identifiés" ? Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Si l'on en croit l'INSEE, du moins dans sa publication "France Portrait social", est un "décrocheur" tout jeune qui n'a pas obtenu le diplôme prévu au terme du cycle d'enseignement dans lequel il s'était engagé. Et l'INSEE parle de 200 000 chaque année, soit un quart des jeunes, ce qui supposerait qu'une "classe d'âge" compte 800 000 jeunes, un chiffre manifestement faux s'agissant de jeunes nés avant le "baby boom" des années 2000. Mais un élève qui a eu son CAP, qui a pensé continuer pour avoir un bac pro, et qui a finalement préféré prendre un emploi est-il un "décrocheur" ? Un jeune qui était en apprentissage et qui a raté de peu son bac pro, mais à qui son employeur propose un CDI est-il un décrocheur ? Un jeune handicapé mental, qui est arrivé, grâce à l'engagement de toute une équipe, au niveau CM2 et qui intègre un CAT (centre d'aide par le travail) est-il un décrocheur ?
Le compte est approximatif et le concept flou. Combien sont-ils, ces jeunes qui ont cessé d'aller au collège dès qu'ils ont eu 16 ans ? Ou qui ont laissé tomber en première année de CAP, et qui "tiennent les murs" (à moins qu'ils ne fassent le guet tandis que d'autres trafiquent). Les statisticiens anglo-saxons ont une expression officielle pour les désigner, les NEET (Not in Education, Employment or Training) qu'il faudrait traduire en français par NEEF (ni à l'école, ni en emploi, ni en formation). Ils seraient 600 000 parmi les 18-24 ans, soit 13 %. On le voit, le débat sur les frontières exactes du décrochage est délicat et les chiffres varient avec les définitions.
Cette incertitude éclaire d'un jour particulier le rapport que les deux inspections générales de l'Education nationale ont rendu au mois de juin et que le ministère vient seulement de publier, un retard qui témoigne peut-être d'un peu de gêne. Les IG constatent que si l’école veut "diplômer davantage d’élèves", elle doit "interroger son fonctionnement". Il faut repenser la pédagogie et nouer avec les autres administrations et avec les associations une nouvelle "alliance éducative". Et les inspecteurs sont sévères avec l'administration de l'Education nationale comme avec certains enseignants.
D'autres inspecteurs généraux ont rendu un rapport sur l'enseignement du français qui n'est pas moins sévère. Les élèves qui doivent remplir de "tristes fiches de lecture" sont convaincus du caractère artificiel d'une langue dont la maîtrise ne leur permet pas de s’exprimer, mais d'avoir de bonnes notes. Au même moment, Vincent Peillon évoque "l'ennui de nos élèves" et demande que la réécriture des programmes amène les enseignants à "travailler autrement". Si on le replace dans ce contexte, le décrochage apparaît comme l'un des moyens de légitimer cette exhortation à "travailler autrement", ce slogan auquel Lionel Jospin avait échoué à donner un contenu en 1989.
Mais comme le soulignent les inspecteurs généraux, tous les pays sont confrontés au décrochage, et tous en ont fait un objet politique relativement consensuel. En France, Nicolas Sarkozy avait également sonné la charge, en grossissant d'ailleurs démesurément les chiffres. Un tel consensus droite-gauche et international ne peut s'expliquer par des considérations politico-pédagogiques très françaises. En chiffrant à 22 milliards d'€ pour la France le coût (en termes de PIB) des NEET (ou NEEF), les inspecteurs généraux donnent une partie de la réponse : les pays occidentaux, en concurrence avec le reste du monde, ont besoin d'une main d'oeuvre très qualifiée, puisqu'elle n'est pas bon marché. PISA nous en donne une autre : notre modèle "élitiste républicain" ne serait pas en mesure d'assurer la qualité de nos élites, ni d'élever le niveau général. La mobilisation générale contre le décrochage apparaît comme le nom donné à un changement de paradigme. La grève des enseignants des classes préparatoires, figures emblématiques de l'élitisme, nous en prévient : la mutation du système ne se fera pas sans douleurs.
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