La Lettre de ToutEduc n°250
Paru dans La lettre le mercredi 04 février 2015.
Transférer et photocopier (cette Lettre comme les dépêches) nuit gravement à la santé ... de la presse *
La Lettre de ToutEduc n°250, du 4 février 2015
A LA UNE. La semaine est marquée par la conférence de consensus sur le redoublement. Vous recevrez cet après-midi (si vous avez renseigné l'onglet "mes alertes", ici) ses préconisations. Seront-elles en cohérence avec le décret publié cet automne ?
Elle est aussi marquée par les interrogations liées à la "grande mobilisation" et à "la perte des repères" des élèves, à retrouver ci-dessous et dans l'analyse.
A noter encore, deux projets de décrets pour permettre aux moins de 18 ans de "monter sur un escabeau", et pour débloquer la situation des stagiaires et des apprentis.
LA "GRANDE MOBILISATION"
F. Hollande rencontre des directeurs d'école, des proviseurs, des élus, des associatifs, des intellectuels (Lire l'article).
"L'Ecole ne doit pas fonctionner en mode avion" (Najat Vallaud-Belkacem devant les députés de la commission des affaires culturelles) (Lire l'article).
Plan d’actions dans les "quartiers" : P. Kanner évoque le rôle de l'éducation populaire (Lire l'article).
Ile-de-France : un nouveau plan d’actions pour retisser le vivre-ensemble (Lire l'article)
LES REACTIONS
"La parole de l'enseignant est déligitimée" (J-L Auduc) (Lire l'article).
Sénat : J. Grosperrin rapporteur de la commission d'enquête sur la perte des repères dans les établissements scolaires (Lire l'article).
Attentats et minute de silence : les syndicats de la PJJ inquiets, SUD dénonce la convocation d'un enfant par la police et les mesures prises contre un enseignant (Lire l'article).
Un dictionnaire sur Eduscol, le concours de la Résistance et de la Déportation. La position de la FNEC (Lire l'article)
LE SYSTEME SCOLAIRE
Redoublement : Le SNPI craint les injonctions paradoxales, le SNALC dépose un recours devant le Conseil d'Etat (Lire l'article)
Dérogations au code du travail pour les moins de 18 ans : 2 décrets en préparation (Lire l'article).
La réforme du collège au mois d'avril, pour une mise en oeuvre à la rentrée 2016 (Lire l'article). Le SNES la qualifie par avance d' "inacceptable" (Lire l'article).
Education au développement durable : les mesures pour sensibiliser les scolaires avant la conférence de Paris (Lire l'article).
Forfait communal : la cour d'appel de Douai précise les modes de calcul (Lire l'article).
REGARDS SUR LES SYSTEMES SCOLAIRES
PISA : tous les pays peuvent s'améliorer, "et même assez rapidement" (Lire l'article).
Les filles réussissent mieux que les garçons dans presque tous les pays du monde (recherche américano-écossaise) (Lire l'article).
Evaluation des établissements : l'Europe en dénonce les effets pervers (Lire l'article).
Peut-on parler de "leadership" dans la fonction publique, Education nationale comprise ? (Lire l'article).
EDUCATION ET CULTURE
Mise en place d’un label "Cultiver les langues" pour promouvoir l’éducation artistique et culturelle (Lire l'article).
ENSEIGNANTS
Grève de ce 3 février, moins de 10 % pour le ministère, plus du double pour le SNES et le SNUIPP (Lire l'article).
Frais de déplacement des enseignants : la CAA de Bordeaux donne raison au SNUIPP (Lire l'article).
JUSTICE DES MINEURS
Justice des mineurs : l'anniversaire de l'ordonnance de 1945, sans calendrier pour la réforme (Lire l'article).
Aide sociale et enfance en danger : vers une conférence nationale en 2016 (Lire l'article).
Mineurs isolés étrangers : le Conseil d'Etat confirme l'essentiel de la circulaire Taubira qui prévoit leur répartition sur le territoire national (Lire l'article).
JEUNESSE
Service civique : F Chérèque défend le volontariat (Lire l'article).
BAFA - BAFD : un projet de décret pour "simplifier l'architecture générale des textes" (Lire l'article).
La mobilité des adolescents des ZUS étudiée dans les "Parcours de jeunes et territoires" (Lire l'article).
AU JO
Au JO du 29/01 au 4/02 : Les élèves handicapés, 3 DAASEN, des recrutements EN et PJJ, la CNCP... (Lire l'article).
A L'AGENDA (ici)
Du 4 au 11 février - Gennevilliers (92) Festival jeune et très jeune public
Les 5 et 6 février - Paris- Forum mondial des apprentissages tout au long de la vie
Du 5 au 7 février 2015 - Paris - Expolangues
Le 6 février - Lyon. Réunion du POLOC (Observatoire des politiques éducatives locales et de la réussite éducative)
Le 11 février - Paris - Débat sur l'évaluation (Canopé et Cahiers pédagogiques)
Les 12 et 13 février 2015 - Marseille - Enseigner l'Europe et l'Union européenne à l'école : méthodes et enjeux
A ajouter à votre agenda
Les 12 et 13 mars - Saint-Denis - La construction des dispositions sociales durant l’enfance
Le 4 avril - Montpellier - Pour une école sans violence
Du 21 au 26 juillet - Ottawa - Congrès mondial de l'internationale de l'Education
Les 10 et 11 septembre - Rennes - Inégalités éducatives et espaces de vie
ANALYSE. La mise en cause des enseignants ne date pas du 8 janvier. Mais lorsque, parmi les mesures annoncées dans le cadre de la "grande mobilisation", est évoqué le rétablissement de l'autorité des enseignants, on peut penser qu'il y a erreur sur le terme, et que la question posée est plutôt celle de leur légitimité. Il suffit de revoir "Les 400 coups" et la figure de l'instituteur pour mesurer le chemin parcouru, et, malgré quelques discours empreints de nostalgie, personne n'a vraiment envie d'un retour aux années 50.
Dans les années 80-90, les "anti-pédagogues" ont surtout exprimé leur crainte de voir compromise la légitimité institutionnelle des enseignants. L'invocation de la République comme principe transcendant, dont le professeur serait le représentant via le système des concours en a été, en est encore, l'expression la plus évidente. A la même époque, la crise de légitimité a un autre visage : les "savoirs scolaires" ont été vigoureusement contestés... par les enseignants eux-mêmes. La mise en cause des manuels et le "photocopillage", chacun butinant en fonction des besoins de ses élèves et de ses références à un savoir universitaire, en ont été les manifestations les plus visibles. Mais, quelle qu'ait pu être la vigueur des débats dans les salles des maîtres ou des professeurs, pour les parents, l'enseignant restait le dépositaire du "Savoir", autre principe transcendant, même si celui-ci pouvait prendre des formes diverses, voire contradictoires, ce dont témoignaient d'ailleurs les réformes des programmes. Puis sont arrivés Wikipedia et les MOOC. Mais la possibilité pour un étudiant de vérifier sur sa tablette l'exactitude de ce que disait le professeur concernait plutôt l'enseignement supérieur. De plus, examiner la validité d'une proposition scientifique pouvait constituer une forme de participation tout à fait positive. Jusqu'à ces toutes dernières années, l'essentiel était donc préservé.
Ce n'est plus vrai et le témoignage de Jean-Louis Auduc est, sur ce point, impressionnant. Auteur, au mois de décembre, d'un ouvrage destiné aux étudiants des ESPE susceptibles d'être interrogés sur la transmission des "valeurs de la République", il s'est brusquement retrouvé en première ligne. Les enseignants qui demandent à le rencontrer par le biais de leur recteur, de leur proviseur, de leur inspecteur de circonscription sont certainement ceux qui ont éprouvé une gêne, un malaise, face aux réactions de leurs élèves lorsqu'ils leur ont demandé de respecter une minute de silence, ou lorsqu'ils ont débattu avec eux de la laïcité, de la liberté, de l'égalité, de la fraternité... Jusqu'à quel point sont-ils représentatifs de leurs collègues ? Peu importe. Même si nous ne devons pas surestimer ces témoignages, ils expriment clairement un fait qu'ils avaient déjà ressenti l'an dernier, avec les ABCD de l'égalité et les JRE, les journées de retrait de l'école. Ultra-minoritaires, ces contestations sont à l'évidence la partie visible d'un iceberg : pour un nombre non négligeable de leurs élèves et des parents, ils ne sont plus les détenteurs de la "Vérité". Leur légitimité est, en quelque sorte, contractuelle et l'idée même que le "Savoir" s'impose à tout un chacun est mise en cause. Les crimes commis début janvier et les réactions qui ont suivi sont en quelque sorte les catalyseurs et les révélateurs, au sens chimique du terme, d'une situation qu'ils sentaient se dégrader depuis un moment.
L'auteur de cet ouvrage nous parle du soupir de soulagement qu'ont poussé ces mêmes enseignants lorsqu'ils ont vu la ministre soutenir le directeur de l'école dont un enfant de 8 ans a été entendu par la police en même temps que son père. Enfin l'institution les soutenait ! Enfin leur parole valait plus que celle des parents, de l'opinion publique ou des journalistes !
Le système scolaire peut-il modifier une situation sociale, voire civilisationnelle ? Peut-il courir après sa légitimité ? Peut-il et doit-il s'appuyer sur son environnement, sur les parents, sur le milieu associatif ? Peut-il dialoguer avec la société civile organisée ? Najat Vallaud-Belkacem a déclaré que l'Ecole ne devait pas fonctionner "en mode avion". La métaphore est originale et remplace heureusement celle de la "citadelle assiégée". Mais elle ne suffira pas à répondre aux défis qu'affrontent les enseignants. Il y faudra, disait Manuel Valls, une génération. L'institution peut-elle avoir, sur une telle durée, une constance dans ses politiques ? La mise en place, par le Sénat, d'une commission d'enquête témoigne-t-elle de la recherche d'un consensus, ou préfigure-t-elle les conflits à venir ? Quand la République a envoyé ses "hussards noirs" combattre "l'obscurantisme", elle a affronté bien des oppositions. Les deux situations sont-elles comparables ?
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