La lettre n° 16
Paru dans La lettre le mercredi 16 septembre 2009.
Le temps des incertitudes
Xavier Darcos , ministre du Travail et ancien ministre de l'Education nationale, n'a pas tort de souligner "l'apaisement" des relations sociales à l'occasion de cette rentrée, qu'on nous prédisait "chaude". Dans le secteur éducatif, les syndicats sont réduits au silence. Et, pour l'heure, Luc Chatel semble l'être tout autant. Michèle Alliot-Marie, Garde des Sceaux, n'a rien à dire sur la justice des mineurs. Sous la surface calme de l'eau, des inquiétudes se manifestent pourtant.
Dans la majorité même, on se pose des questions. Un sénateur UMP écrit, dans l'exposé des motifs d'une proposition de loi: "La suppression progressive de la carte scolaire (...) avait pour but d'améliorer la mixité sociale des établissements les plus demandés (...) le remède s'est parfois avéré pire que le mal." Il parle d'une "évolution perverse" qui va à l'encontre du projet républicain "de mixité sociale" (l'Libéralisation de la carte scolaire: "un remède pire que le mal" (sénateur UMP)). On sait pourtant que la mise en concurrence des établissements scolaires est la pierre de touche d'une politique scolaire de Droite.
Autre objectif, celui-ci partagé par tous les politiques, la revalorisation de la filière professionnelle. Mais l'Inspection générale de l'Education nationale, qui n'est pas plus que le Sénat un nid de gauchistes, se demande si, avec le bac en 3 ans, on n'en a pas fait un peu trop, certains proviseurs promettant pratiquement un BTS à tous les jeunes qui arrivent chez eux. (l'Lycée professionnel: des illusions à dissiper (IGEN))
Cette même inspection générale a rendu son rapport sur la réforme "Darcos" de l'enseignement primaire. Elle estime que la suppression du samedi matin n'a pas été convenablement gérée, et qu'elle aurait dû s'accompagner d'une réflexion globale sur les rythmes scolaires. Mais pour le reste, n'en déplaise aux opposants et aux désobéïsseurs, l'IGEN tire un bilan positif. (l'Aide personnalisée: de bons résultats selon l'Inspection générale)
Restent des occasions de s'interroger. L'OCDE publie ses L'OCDE a bonne presse, les enseignants français hésitent à répondre à ses questions, qui sont toujours l'occasion pour les Français de comparer leur politique éducative avec celle d'autres pays. Et l'on s'aperçoit que nos enseignants n'ont pas répondu à une question essentielle: sont-ils bien dans leur peau? Parmi ceux qui ont retourné le questionnaire, ce sont les Norvégiens qui sont le plus satisfaits de leur sort. L'Education nationale douterait-elle de sa capacité à gérer ses ressources humaines? Il y a de quoi s'interroger quand on voit qu'elle sous-utilise le fondateur d'un des établissements les plus innovants de France en l'envoyant diriger un collège sans problème (l'Clisthène) et que le ministre, soucieux d'offrir aux enseignants fatigués des possibilités de reconversion semble ignorer qu'un de ses personnels a déjà mis au point une méthode efficace de préparation aux "secondes carrières" (l'Accompagnement des enseignants: Aide aux profs rappelle à Luc Chatel son rôle pionnier).
Autres interrogations: en matière de scolarisation des enfants handicapés, l'Enfants handicapés: pas de scolarisation à tout prix (UNICEF) nous dit que nous n'en faisons pas assez, mais que nous risquons aussi d'en faire trop, en banalisant le handicap. Certes les parents sont demandeurs: si leur enfant va à l'école, c'est qu'il fait un pas vers la "normalité". Mais la pression médiatique est telle que nous essayons de scolariser tout le monde, sans se donner les moyens de le faire bien.
Quant aux TIC à l'Ecole: les maires ruraux inquiets, ils s'inquiètent du financement de l'arrivée des TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation) dans les communes rurales. Cela ne les empêche pas de prendre des TIC à l'Ecole: les maires ruraux inquiets, même s'ils doivent parfois faire bouger les Soutien scolaire et aides aux élèves en difficulté: un millefeuilles nécessaire?, ce que le "millefeuille" administratif français rend difficile.
On peut aussi s'interroger sur le fonctionnement des médias. L'agglomération grenobloise veut mettre en lumière son travail sur l'apprentissage de la lecture, lequel porte principalement sur le CP et le CE1. Qu'en retient la presse? Le travail fait en crèche, autour du "parler bambin", qui est manifestement très intéressant, mais n'a de sens que dans un Parler bambin, un programme de recherche derrière l'opération médiatique trop vite oublié. Même chose pour la rencontre jeunesse-police organisée par le ministre de l'Intérieur, dont on a eu le sentiment désagréable que seule son Police-Jeunesse: compte-rendu sévère dans le Monde importait, puisqu'on n'en a pas entendu parler après.
Soulignons pourtant trois raisons de nous réjouir: Les Caisses d'allocations familiales ont compris l'importance de la CNAF: des livres bons pour les bébés, généralisation délicate des regroupements d'assistantes maternelles faite aux tout petits enfants, et offriront à ceux qui naîtront dans trois départements un album que leur parents leur liront. CapCanal, la chaîne de télévision consacrée à l'éducation a de grandes ambitions, et se dote d'une structure adéquate, une Cap-Canal: nouveau statut et nouvelles ambitions, avant d'émettre 24h sur 24. Enfin la France a obtenu 3 médailles d'or aux Olympiades des métiers. Nous sommes les meilleurs du monde en "Installation électrique", en "Art floral" et en "Plâtrerie et constructions sèches". ToutEduc ignore tout des constructions sèches, mais s'écrie France: 3 médailles d'or aux Olympiades des métiers!