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Combler le "déficit démocratique" des politiques jeunesse (Neuj'pros)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 17 octobre 2012.

Vichy, envoyé spécial

F. Hollande a fait de la jeunesse la "priorité" de son quinquennat. Pour autant,  "il ne faut pas se focaliser sur les politiques publiques: la question de la place de la jeunesse doit interpeller tout le monde. Les associations d'éducation populaire ont parfois été les acteurs d'un système défaillant". A l'occasion de la 11e édition des rencontres nationales des professionnels et des élus de la jeunesse, Irène Pequerul, présidente du CNAJEP, a souligné que les pouvoirs publics ne sont pas les seuls responsables du "déficit démocratique" dont souffrent actuellement les jeunes. Elle a appelé les associations de jeunesse à effectuer leur autocritique.

Les conseils de jeunes, "tremplin" ou "système dérogatoire"?

Selon la présidente du CNAJEP, certaines initiatives censées favoriser l'autonomie des jeunes ont des effets pervers. Ainsi, l'intégration de jeunes majeurs dans des conseils de jeunes "n'a aucun sens: ils devraient plutôt participer directement aux stuctures civiles existantes". Lorsqu'ils ne permettent pas aux jeunes concernés d'intégrer ces structures ou de collaborer avec les élus, les conseils de jeunes s'apparenteraient à "un système dérogatoire".

Même si Frédérick Pairault, nouveau délégué général de l'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes (ANACEJ), réfute cette analyse en soulignant les apports des conseils "quel que soit l'âge du jeune", il rappelle qu'il s'agit seulement d'un "tremplin", et non d'une finalité. Souvent associée à ces dispositifs, l'ANACEJ a publié un guide pour inciter les collectivités et les personnels de l'éduation à penser "l'après-conseil" (voir ToutEduc Conseils de jeunes: un palier pour mieux "passer à autre chose" (ANACEJ)). L'association a même envisagé de modifier son nom pour minorer l'importance des conseils au profit de l'engagement des jeunes en général. 

Malgré leur bon fonctionnement, les conseils de jeunes restent parfois coupés des décisions locales effectives. En dépit du développement de ces dispositifs, "les jeunes restent trop rarement associés à l'élaboration des lois et des dispositifs publics qui pourtant les concernent directement", regrette Claire Fabre, chargée de mission à l'Union nationale des missions locales. L'un des enjeux du 11e "Neuj'pros" était donc de "re-situer la participation des jeunes comme un des piliers des politiques jeunesses", selon l'expression de Pascal Jarry, chef de projet mission jeunesse pour la ville de Toulouse.

Plusieurs collectivités ont développé des projets innovants pour combler "le déficit démocratique" pointé par Olivier Toche, directeur de l'INJEP. Des dispositifs de "démocratie participative de la jeunesse" se sont développés. 400 jeunes ont participé à l'élaboration du Schéma régional des jeunesses voté en 2011 dans les Pays de la Loire. De son côté, la ville d'Aubagnea développé des ateliers participatifs pour impliquer les jeunes dans la mise en place d'un nouvel "espace central" qui leur sera dédié et verra le jour fin 2012.

Plusieurs villes favorisent aussi les rencontres entre les élus et les assemblées de jeunes. Depuis 2006, un Plan régional pour la jeunesse encourage les jeunes Rhônalpins à débattre avec les élus régionaux sur les difficultés qu'ils rencontrent et sur les projets qui les animent. La mission locale d'insertion du Poitou a favorisé la création d'un collectif de jeunes, "Les D-Battants", qui est devenu un interlocuteur régulier du conseil municipal ou du CESE (conseil économique, social et environnemental).

Des "vieux mineurs"?

Ces initiatives s'attaquent aux clichés associés aux jeunes, "jugés tantôt menaçants, tantôt hédonistes ou apathiques", selon O. Toche. Cette image se reflète dans les politiques publiques menées en direction de la jeunesse. Actuellement, comme le note Thierry Pech, directeur de la rédaction d'Alternatives Economiques, "les jeunes sont davantage perçus comme des vieux mineurs que comme des jeunes majeurs".  A travers la politique du quotient familial, "l'Etat aide les jeunes en passant par les familles et accentue ainsi leur dépendance".

"Le choix implicite est de reporter le soutien aux jeunes sur les solidarités familiales", confirme O. Toche, qui voit dans cette politique un choix de société. La méfiance à l'égard des jeunes a débouché sur leur exclusion d'un dispositif comme le RSA. Les jeunes sont ainsi considérés comme des "mineurs sociaux" jusqu'à l'âge de 25 ans, regrette le directeur de l'INJEP, qui condamne une "discrimination liée à l'âge". "On éduque les jeunes à la valorisation de l'autonomie, sans leur donner les moyens de réaliser cette promesse", regrette T. Pech. Le directeur de la rédaction d'Alternatives Economiques avait déjà critiqué le fonctionnement du RSA et le quotient familial à l'occasion de la publication du "Big Bang des politiques jeunesse" (voir ToutEduc Le CNAJEP invite les candiats à la présidentielle à "garantir aux jeunes des ressources autonomes").

T. Pech propose plusieurs axes d'intervention pour restaurer un pacte de confiance entre la société et la jeunesse. Il faudrait "donner directement des allocations aux jeunes" et "désacraliser la formation initiale pour redistribuer les chances à plusieurs moments de la vie".

Si ces deux mesures sont nécessaires, elles demandent une véritable transformation des mentalités, précise O. Toche. Les familles sont très attachées au modèle du quotient familial et accorde une importance centrale à l'école et aux diplômes. "Il y a un travail de pédagogie à mener pour désacraliser l'école", affirme-t-il.

Ghettoïsation

Au-delà de leur formation, la société devrait mener une véritable "politique d'insertion" en direction des jeunes, ajoute T. Pech. C'est dans cette perspective que pourraient s'inscrire les "emplois d'avenir" et l'importance que le ministère de la Jeunesse accorde au service civique (voir ToutEduc Le service civique au centre du budget du ministère de la Jeunesse, qui met fin au FEJ (fonds d'expérimentation)). Ces initiatives s'adressent en priorité à des associations, dont le modèle semble adapté à l'autonomisation des jeunes.

Selon O. Toche, il ne faudrait pas pour autant surestimer leur apport. "Si le monde associatif a une meilleure cote auprès des jeunes, il ne constitue pas toujours, sauf exception, un modèle de renouvellement de générations". L'image d'une "jeunesse solidaire" associée à des projets sociaux risquerait aussi d'avoir des effets pervers, si l'on en croit Claude Malhuret, maire de Vichy. Evoquant un dispositif visant à aider les jeunes à créer leur entreprise, il a estimé que "les jeunes ont une responsabilité économique: il ne faut pas les ghettoiser dans des accompagnements sociaux ou éducatifs".

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