La qualité d'un système éducatif ne se limite pas à son classement PISA (PISA in focus)
Paru dans Scolaire le jeudi 18 avril 2013.
Mots clés : PISA, équité, performances, France, OCDE, Finlande, Corée, Allemagne
Pour déterminer la qualité d’un système éducatif, les écarts de performance entre les élèves et les établissements d’un pays sont plus décisifs que son rang au classement PISA. C’est l’étonnante conclusion de la note "PISA in focus" du mois d’avril, qui compare la performance globale des systèmes scolaires de l'OCDE et les écarts entre leurs meilleurs et leurs moins bons élèves. Selon son auteur, Pablo Zoido, analyste à l'OCDE, un bon système éducatif doit être capable de faire réussir l’ensemble de ses élèves : ses performances globales peuvent dissimuler de fortes inégalités et ne préjugent pas de sa capacité à assurer la réussite de tous. "Le degré de la variation intra- et inter-établissements de la performance des élèves signale de façon bien plus claire dans quelle mesure un système d’éducation parvient à offrir un enseignement de qualité à l’ensemble de ses élèves".
Dans les faits, ce problème se poserait rarement : un pays est plus performant lorsque les disparités entre les élèves sont faibles, affirme P. Zoido. "Dans les systèmes éducatifs les plus performants, les variations de performance sont en général moins prononcées que la moyenne observée dans l’OCDE." 10 des 17 pays ayant des résultats supérieurs à la moyenne de l’OCDE en compréhension de l’écrit ont aussi des variations de performance inférieures à la moyenne de l’OCDE. En Corée et à Shanghai (Chine), deux des pays les plus performants selon les classements PISA, "les écarts de score entre les élèves les plus performants et les élèves les moins performants sont relativement faibles".
Un "modèle nordique" ?
Cette relation entre équité et performance, que PISA avait déjà identifiée dans une note précédente, se vérifie aussi au niveau des établissements. "Parmi les pays les plus performants, les variations inter-établissements ne sont très marquées que dans trois pays : la Belgique, le Japon et les Pays-Bas", souligne l’organisation.
Même si la note de synthèse ne le formule pas ainsi, on pourrait parler de "modèle nordique" en termes d’équité entre les établissements. Les pays du Nord de l'Europe figurent tous parmi les 10 pays de l'OCDE où les variations de performances entre les établissements scolaires sont les plus faibles. Les variations inter-établissements expliquent seulement 8 % de la variation globale de la performance des élèves en Finlande, 10 % en Norvège et environ 20% en Islande et en Suède, contre 42% dans l’OCDE.
Attention à ne pas conclure trop vite : "un niveau élevé de variation de performance entre les établissements n’est pas nécessairement synonyme d’une plus grande inégalité entre les établissements d’enseignement", rappelle PISA. En Allemagne, la forte variation inter-établissements de la performance des élèves est liée au système d’orientation des élèves, qui sont affectés dans différentes filières d’enseignement (professionnelle ou générale) en fonction de leurs notes.
Avec la Lettonie, l’Allemagne fait pourtant partie des deux pays de l’OCDE où les écarts de résultats des élèves se sont le plus réduits entre 2006 et 2009. Plus globalement, les politiques scolaires de réduction des inégalités semblent porter leurs fruits. Entre 2006 et 2009, dans l’OCDE, la variation moyenne de la performance des élèves en compréhension de l’écrit a diminué de 3 %.
La plupart des pays ayant amélioré leur performance moyenne ont aussi connu une diminution de l'écart de performance entre leurs élèves. Parmi les 17 pays observés qui ont amélioré leur performance globale en compréhension de l’écrit, 12 ont réduit leurs écarts de résultats entre les meilleurs élèves et les moins bons. L’explication est simple, si l'on suit l'analyse de P. Zoido : l'amélioration de la performance de ces systèmes scolaires reposerait essentiellement sur le progrès des élèves les plus faibles.
La France absente
Un tel optimisme demande à être nuancé, ce que ne fait pas ce "pisa in focus". Si l’on se réfère aux données PISA, la corrélation entre réduction des inégalités et augmentation des performances n’est pas toujours vérifée. La performance moyenne du système scolaire Coréen a augmenté entre 2006 et 2009, ce qui lui a permis de progresser significativement au classement PISA, mais l'écart de performance entre ses élèves s'est lui aussi élargi. A l’inverse, à l’exception de l’Islande, les pays du "modèle nordique" qui ont réduit les variations de résultats de leurs élèves (Finlande, Danemark, Norvège) ont vu la performance globale de leur système éducatif baisser. La Suède présente un tableau encore plus noir, puisque sa performance moyenne a reculé tandis que les écarts de résultats entre ses élèves ont augmenté.
Il est difficile de savoir dans quelle mesure ces analyses s’appliquent à la France, puisqu’elle ne figure pas parmi les pays étudiés par la note de synthèse PISA. "En 2009, la France a pris la décision politique de ne pas intégrer ses données sur les écarts entre les élèves et les établissements aux analyses internationales", explique à ToutEduc Pablo Zoido. Ces données seront en revanche intégrées aux résultats de PISA 2012, qui seront publiés le 3 décembre prochain.
Raphaël Groulez
Crédits photo : A. Huber/U. Starke