Augmenter les dépenses publiques en faveur du privé pour plus d'équité...et de meilleures performances (PISA)
Paru dans Scolaire, Orientation le dimanche 21 octobre 2012.
"Les décideurs – et, en dernier ressort, les parents et les élèves – n’ont pas à choisir entre équité et performance pour leurs systèmes d’éducation, car l’une n’exclut pas l’autre." Dans sa note de synthèse "PISA à la loupe" du mois de septembre, l'OCDE souligne que la réussite des établissements scolaires est liée à leur mixité sociale. Selon l'organisation, ce sont les pays où l'écart entre le profil socio-économique des établissements privés et des établissements publics est le plus faible qui présentent les meilleurs résultats.
En règle générale, note l'OCDE, les établissements privés attirent davantage les élèves les plus favorisés. Les pays d'Amérique du sud semblent prticulèrement touchés par ce phénomène: les différences soci-économiques entre les élèves du privé et élèves du public au Panama, au Mexique, en Uruguay, au Brésil et au Pérou sont près de trois fois supérieures à la moyenne de l'OCDE. Ce choix repose sur les performances des établissements privés, qui offriraient "un enseignement de meilleure qualité, un environnement plus propice à l’apprentissage et davantage de ressources" que les écoles publiques. Pourtant, les enquêtes PISA montrent que ces avantages sont avant tout liés au profil des élèves, et non aux spécificités des établissements : à composition socio-économique équivalente, "la performance des établissements publics et privés est généralement très similaire". Dans ce cas, les résultats ne sont pas nivelés par le bas mais au contraire tirés vers le haut, puisque les systèmes scolaires les plus performants sont ceux qui parviennent à réduire l'écart entre les profils socio-économiques des établissements privés et publics.
Chèques-éducation
Parmi les pays de l'OCDE, les différences de milieu entre privé et public sont plus marquées aux Etats-Unis, au Royaumé-Uni, en Espagne, au Canada, au Chili, en Grèce, au Mexique, en Nouvelle-Zélande, en Pologne et en Slovénie. A l'opposé, les établissements publics du Luxembourg et de Taipei reçoivent davantage d'élèves de milieux favorisés que les écoles privées. Aucune différence de ce genre n'est notable en Finlande, en Estonie, à Israël, en Corée, aux Pays-Bas, en Répuplique slovaque.
Pour équilibrer le profil socio-économique de ses établissements, un Etat devrait augmenter les dépenses publiques en direction du privé, selon les résultats des enquêtes PISA. "Dans les pays de l’OCDE, 45 % de la variation de l'écart de profil entre privé et public s’explique par le niveau de financement public des établissements privés."
PISA a mesuré les effets d'un mode indirect de financement des établissements privés : les "chèques-éducation" permettent aux parents de choisir plus librement l'établissement de leur enfant, en réduisant la contrainte économique qu'ils subissent. Ces chèques-éducation peuvent être versés à l'ensemble des parents d'élèves, indépendamment de leur situation socio-économique, ou bien cibler les familles les plus en difficulté. Selon PISA, une approche ciblée apporte davantage d'équité qu'une approche universelle. "L’écart entre les profils socio-économiques des établissements est deux fois plus important dans les systèmes d’éducation qui ont recours aux chèques éducation universels que dans les systèmes qui utilisent les chèques éducation ciblés."
Entre-soi
La corrélation entre l'augmentation des aides publiques et la mixité des établissements privés n'est pas toujours vérifiés, nuance cependant l'OCDE. Dans certains pays, l'écart entre les profils socio-économiques des établissements est sans rapport avec le financement, et repose avant tout sur "les critères d’admission, la performance scolaire, les politiques et pratiques, ainsi que l’environnement d’apprentissage".
Les croyances des individus jouent aussi un rôle central. L'OCDE rappelle que le choix d'un établissement privé ne repose pas toujours sur ses performances. Les parents aisés favoriseraient ainsi les établissements au profil le plus semblable au leur. "L’enquête PISA conclut que, dans tous les pays, les établissements privés semblent attirer les élèves de milieux favorisés justement parce que leur effectif d’élèves est issu de milieux favorisés."
Raphaël Groulez