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A quel prix et comment certains pays réussissent-ils le test PISA (3ème épisode: Shanghaï)

Paru dans Scolaire le mardi 06 mars 2018.

Après trois escales en Finlande, au Japon et à Singapour (voir nos épisodes précédents, ici et ici), Lucy Crehan nous emmène à Shanghaï, la région qui réussit le mieux, et de très loin, au test PISA. Dans son livre-reportage, elle met en évidence un biais que l'OCDE ne présente pas dans ses publications. La carte d'identité chinoise, le "hukou" comprend la mention du lieu de résidence, or les services publics ne sont accessibles qu'aux résidents. Les migrants de l'intérieur, venus des campagnes, n'ayant pas le hukou de Shanghaï n'ont pas droit aux écoles. Le système a été récemment assoupli pour les niveaux école élémentaire et collège, mais à peine pour le lycée, et les enfants de ces milieux défavorisés sont souvent confiés aux grands parents et restent dans leur province lointaine. Même ceux qui ont fait une partie de leur scolarité à Shanghaï retournent dans leur province d'origine pour y passer l'examen d'entrée au lycée à 13 ou 14 ans. Résultat, en 2012, la ville comptait quelque 108 000 adolescents de 15 ans (l'âge du test) pour une population de 23 millions d'habitants, la moitié de ce que l'on pourrait attendre.

Ce biais n'explique qu'en partie l'avance du système scolaire de Shanghaï. Il faut d'abord compter avec la culture confucéenne. Les élèves travaillent énormément, les bons élèves sont des modèles pour les autres, et en cas de difficulté, ils ne renoncent pas. Cela vaut aussi pour les jeunes Japonais qui semblent motivés par leurs échecs. Des psychologues ont tenté de comparer l'attitude de jeunes asiatiques et de jeunes américains confrontés à un problème de mathématiques dont la résolution était impossible. Ils n'ont pas pu conclure, les jeunes japonais refusant de renoncer. De plus, la finalité même des apprentissages diffère. Il ne s'agit pas tant de devenir plus intelligent que de s'améliorer moralement.

Deux générations d'enfants uniques

Le but toutefois est surtout de réussir le "gaokao", le concours d'entrée à l'université. L'enfant unique bénéficie de l'appui de ses deux parents, et de ses quatre grands parents : la pression est considérable. Quant aux droits d'inscription dans une école hors district, ils s'élèvent facilement à 30 000 yuans (4 000 €). Les enseignants ont d'ailleurs tout intérêt à ce que leurs élèves réussissent, pour que leur établissement ait une excellente réputation et gagne en attractivité. Du coup, au moindre geste de l'enfant, ils envoient un SMS aux parents, jusqu'à 10 par jour.

Si les effectifs sont lourds, jusqu'à 50 élèves par classe, les professeurs ont relativement peu d'heures de cours et peuvent donc travailler avec leurs collègues. Les cours sont magistraux, très planifiés, mais l'enseignant a prévu un nombre invraisemblable de questions, et plutôt que de corriger une erreur, pose une autre question, au point que l'on parle d'une pédagogie "ping-pong". S'y ajoute une quantité non moins invraisemblables d'exercices à faire à la maison. On ne passe au chapitre suivant que quand tous les processus sont automatisés, ce que renforce le caractère répétitif des cours qui sont relativement standardisés.

La répétition favoriserait l'approfondissement

Et pourtant, c'est le premier paradoxe que souligne Lucy Crehan, les élèves de Singapour sont bons en résolution de problèmes, ce qui va à l'encontre du par-cœur. C'est que la répétition implique une forme d'approfondissement des connaissances. Et, second paradoxe, les élèves y prennent plaisir, ils ont le sentiment qu'on s'occupe d'eux. De toute façon, que cela leur plaise ou non, ils travaillent, bien obligés. Acquièrent-ils pour autant les compétences du 21ème siècle, esprit critique et créativité ? Le Gouvernement s'en inquiète, il a modifié les curricula en 2001 pour réduire la part du "gavage". Y parviendra-t-il ? Le souhaite-t-il d'ailleurs vraiment ? Et, se demande encore l'auteure, les enseignants occidentaux ne devraient-ils pas eux-aussi opter pour des cours très structurés, avec des buts parfaitement définis... Ne devrait-on pas de plus faire davantage attention aux mots qu'on emploie, éviter les expressions toutes faites du type "t'es malin, toi", de façon que, dès leur plus jeune âge, les enfants soient convaincus des vertus de l'effort et de la persévérance, plutôt que de compter sur leurs talents innés ?

Le prochain épisode nous amènera à Vancouver.

"Clerver Lands", Lucy Crehan, non traduit en français

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