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A quel prix et comment certains pays réussissent-ils le test PISA (Lucy Crehan, 1er épisode)

Paru dans Scolaire le dimanche 04 mars 2018.

"En Asie, quand un élève rate un problème de maths, on lui dit qu'il a raté. En Amérique du Nord, on lui dit qu'il est créatif." Dans les pays occidentaux, un échec est synonyme d'un défaut d'intelligence, et contribue à une perte d'estime de soi car les caractéristiques d'un individu sont considérées comme des données intangibles. En Orient et dans la tradition confucéenne, le travail remédie à tout. Ce trait de culture ne suffit pas à expliquer pourquoi les enfants Japonais ou Chinois ont de meilleurs résultats au PISA que beaucoup de leurs homologues occidentaux, mais il apparaît comme essentiel dans la quête de Lucy Crehan.

Cette enseignante anglaise a pris le temps d'un tour du monde des pays qui réussissent le mieux, à en juger par le test de l'OCDE, et le livre qu'elle en a rapporté, mêlant anecdotes, analyses et données scientifiques permet de comprendre comment et à quel prix la Finlande, le Japon, Singapour, Shanghai et le Canada se sont hissés aux premières places des "pays intelligents".

En Finlande, on joue jusqu'à 7 ans

D'ailleurs, comment est-ce possible, s'agissant de la Finlande où les enfants n'ont fait que jouer jusqu'à l'âge de 7 ans ? C'est le résultat d'une stratégie fondée sur les apports du jeu tels qu'ils sont évalués par la science et les textes officiels précise que l'enfant doit avoir entendu et être entendu, doit avoir parlé et qu'on lui ait parlé, on doit avoir discuté avec lui et ses questions doivent avoir reçu des réponses. Il s'agit, plus globalement d'offrir aux élèves "un environnement sain et rassurant, où ils apprennent et grandissent, où leur santé mentale est protégée, où l'on travaille à leur éviter toute forme d'exclusion, et où est encouragée la bonne santé de la communauté scolaire. C'est le fruit de l'histoire. En 1963, a été votée une loi de fondation d'un système scolaire qui accueille tous les enfants jusqu'à 15 ans, avec le même "curriculum", alors qu'ils étaient jusque là orientés à l'âge de 10 ans dans 3 filières étanches. Le débat n'est d'ailleurs pas clos, le système ne nuit-il pas aux meilleurs ?

Seconde caractéristique du système finlandais que pointe Lucty Crehan, la formation très poussée des enseignants. Ceux qui se destinent au premier degré travaillent pendant cinq ans sur toutes les disciplines qu'ils devront enseigner, y compris le patin à glace. Pour le 2nd degré, ils ont une année de formation professionnelle après une formation disciplinaire de quatre ans. Mais surtout la formation continue est très développée, à l'initiative des enseignants qui parlent beaucoup entre eux, et ces discussions ont un effet sensible sur les résultats de leurs élèves.

Au Japon, la responsabilité collective

La culture japonaise est toute autre. Lucy Crehan évoque en premier lieu le conformisme nippon. "Les clous qui dépassent reçoivent des coups de marteau", dit le proverbe, et cela s'apprend à l'école. Les enfants sont groupés par quatre ou cinq et forment un "han". Ils changent de groupe régulièrement, mais les membres d'un "han" font tout ensemble, y compris balayer leur salle de classe. Le maître n'impose aucune discipline, les enfants peuvent se lever pendant les cours, mais ils apprennent vite de leurs pairs comment se conduire, car c'est le groupe tout entier qui en supporte les conséquences. Résultat, celui qui sort du rang y rentre rapidement, sous peine de harcèlement collectif.

Les enseignants sont régulièrement mutés d'un établissement à un autre, de manière arbitraire, ce qui contribue à l'uniformité du système, fondé sur l'idée que tous les enfants ont, au départ, les mêmes dispositions. Seule la quantité de travail fournie les différencie. Les parents, les mères surtout, ont dès lors une lourde responsabilité, et d'ailleurs les établissements leur envoient la liste de ce qu'ils (elles) doivent faire, surveiller que leurs enfants font leurs devoirs, à quelle heure ils doivent se coucher ou combien de temps ils peuvent consacrer à jouer avec leurs copains.

La formation entre pairs

En ce qui concerne la pédagogie, l'auteure est également surprise de l'accent mis sur la résolution de problèmes, les élèves devant découvrir en groupe une partie des concepts nécessaires, avec un équilibre subtil entre ce qui est donné au préalable et les possibilités de trouver par eux-mêmes. Mais cela n'empêche pas le par-cœur, qui porte aussi sur le millier de kanji (adaptés des caractères chinois), que les élèves doivent connaître à la fin de l'école primaire. Toujours est-il que les enseignants savent toujours exactement ce qu'ils font, et ils participent à des "études de cours" (ou "lesson studies"), un enseignant ouvrant sa classe à ses collègues, ce qui les amène à parler métier. Il est vrai que, comme à Singapour et Shanghai, le choix a été fait d'effectifs plus lourds mais d'un nombre d'heures de cours réduit, leur laissant le temps de la formation entre pairs.

Autre caractéristique du système japonais, les manuels sont trois fois moins épais que ceux de leurs homologues anglais ou américains, les programmes sont exigeants mais limités, ce qui permet à l'enseignant de passer plus de temps sur chaque sujet, jusqu'à ce que tous les élèves en aient fait le tour. Mais bien sûr, ceux qui n'y arrivent pas, mais tous en fait, vont à l'école après l'école, le juku, ce qu'ils perçoivent d'ailleurs comme une activité sociale, un endroit où se faire des amis.

Impossible de relâcher la pression

Le système scolaire japonais est marqué par l'enseignement magistral et peine à passer aux méthodes actives et à desserrer l'étreinte. Dans les années 90, le Gouvernement a estimé que les enfants avaient besoin d'espace pour grandir, il a réduit les programmes d'un tiers, mais le PISA 2003 a révélé une petite baisse de niveau, la réforme a été aussitôt pointée du doigt et retirée.

Une prochaine dépêche nous amènera à Singapour.

"Clever Lands", Lucy Crehand, éditions Unbound, non traduit en français.

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