Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Les recommandations du CAS pour améliorer une Ecole trop "inégalitaire" et "concurrentielle"

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le jeudi 10 janvier 2013.

Actuellement, "il existe, d'une part, une forte concurrence entre les meilleurs élèves ou les plus favorisés sur le plan économique et, d'autre part, un sentiment de démotivation chez les autres." Le diagnostic du CAS (Centre d'analyse stratégique) est clair : l'école française souffre d'inégalités croissantes qui témoignent de sa difficulté à répondre aux différents profils de ses élèves. Pour améliorer la situation, il a transmis début janvier quatre notes d'analyses au Premier ministre, J.-M. Ayrault. Elles concernent "le bien-être des élèves", "l'organisation du soutien scolaire", "la scolarisation des enfants en situation de handicap" et "l'effet de l'autonomie des établissements scolaires".

Ces notes veulent "essayer de s'écarter d'une approche française qui privilégie la pédagogie, pour prendre en compte l'environnement global de l'élève", selon les termes du directeur général du CAS, V. Chriqui, qui les a présentées mardi 8 janvier. Même s'il se défend de participer aux débats actuels sur la refonte des rythmes scolaires, il admet que "les propositions du CAS pourraient plus facilement être mises en place dans le cadre de la réforme" voulue par V. Peillon.

Mieux articuler le scolaire et l'extrascolaire pour améliorer le bien-être des élèves

La première note d'analyse, qui étudie "le bien-être des élèves", reprend les conclusions qui ont motivé la modification de l'organisation du temps scolaire. Le CAS rappelle que "les rythmes de l'enfant et ceux de l'école française ne sont pas en harmonie". La semaine de quatre jours causerait "des ruptures de rythmes néfastes" pour les élèves et nuirait "à la qualité de leurs apprentissages et à leur bien-être". Si la semaine de 4,5 jours était rétablie et les journées raccourcies, il faudrait mieux articuler "ce que l'enfant fait en classe et ce qu'il fait après l'école".

 "Le développement d'activités extracurriculaires après les cours pourrait contribuer à fédérer les élèves, et plus généralement la communauté éducative, autour de projets collectifs", affirme V. Chriqui. Organiser des activités après les heures de cours permettrait aussi de davantage "impliquer les parents", qui demeurent actuellement "éloignés de la sphère et de la culture scolaire".

Ces mesures visent à "rendre plus accueillant l'environnement scolaire", alors que l'école française semble attiser les rivalités entre les élèves et nourrir les frustrations. Plus d'un tiers des élèves français considèrent être traités de façon injuste et inéquitable, selon une étude citée dans la note. Pour "restaurer le sentiment de justice scolaire", le CAS propose trois orientations : rendre l'orientation moins subie, diminuer le redoublement et diversisifier les modes d'évaluation des élèves. Si "la suppression de tout système d'évaluation ne semble pas une bonne voie", il faudrait "développer les pratiques évaluatives encourageantes (contrôle type distribué en amont, possibilité de repasser l'examen, etc.) afin que les notations reflètent mieux les efforts accomplis et soient moins anxiogènes".

Développer le soutien scolaire numérique et associatif pour enrayer "un système de redistribution à rebours"

Les difficultés que rencontrent actuellement les élèves pourraient être corrigées par les dispositifs de soutien scolaire. Ce n'est pas le cas actuellement. "Le soutien scolaire, public et privé, tend un miroir à l'école, en reflétant ses limites à combler les inégalités sociales, culturelles et territoriales dans l'accès au savoir", explique V. Chriqui. Dans une seconde note d'analyse, le CAS se montre sévère quant à l' efficacité des dispositifs existants.

Le soutien scolaire "supervisé par l'Education nationale" (de type aide personnalisée) est "mal défini", propose "une aide insuffisante pour les plus vulnérables" et débouche sur "des inégalités parfois difficiles à combler". "Au collège, la mise en place inégale de l'accompagnement éducatif occasionne des discriminations territoriales dont sont victimes les zones rurales", note le CAS. Ces inégalités territoriales pourraient être corrigées par "l'accompagnement scolaire" mis en place "dans le cadre de la politique de la ville", mais ces dispositifs d'aide aux devoirs "semblent surtout bénéficier aux élèves moyens, plus qu'aux élèves en réelle difficulté". Ils restent cependant plus égalitaires que "le soutien scolaire privé", qui reproduit les inégalités. "Les élèves en grande difficulté ne semblent pas faire appel à ces organismes". Le soutien scolaire privé reste réservé aux classes moyennes et supérieures, car "les mesures fiscales favorables demeurent mal connues par les ménages ne payant pas d'impôt".

Pour V. Chriqui, "nous avons un système de redistribution à rebours où l'ensemble de la collectivité paye principalement pour les études des enfants des classes favorisées", regrette-t-il.

Pour lutter contre ces inégalités sociales et territoriales, le CAS conseille de développer l'offre associative pour assurer un "maillage national". Cela passe par "le développement des missions de service civique liées à l'accompagnement scolaire". Le CAS recommande "la conclusion d'une convention cadre entre le ministère de l'Education nationale et l'agence du service civique". Le développement du e-learning et son intégration dans les espaces numériques de travail permettraient aussi de réduire les inégalités territoriales. Cette proposition s'inscrirait "dans le cadre du service public de l'enseignement numérique et de l'enseignement à distance" décidé par V. Peillon (lire ToutEduc "Pas de refondation si nous ne faisons pas entrer l'école dans l'ère du numérique" (V. Peillon)).

Scolarisation des élèves handicapés : l'école inclusive, position idéologique ou efficacité réelle ?

La troisième note d'analyse du CAS s'intéresse aux enfants en situation de handicap. Le CAS regrette que la promotion de la scolarisation inclusive en école ordinaire se fonde sur "des arguments de principe". "Elle ne s'appuie à ce jour sur aucune étude qui démontrerait sa plus grande efficacité par rapport à l'école spéciale, en termes de réussite scolaire ou professionnelle." Le CAS conseille donc à l'institution de "se doter d'un système de suivi des diplômes obtenus par les élèves handicapés", et de mener une étude comparant les compétences acquises par ces élèves, au regard du socle commun, en fonction des différents modes de scolarisation.

Parler de la scolarisation des enfants handicapés revient souvent à évoquer les problèmes de statut et de formation des accompagnateurs spécialisés (AVS), qui constituent l'un des principaux chantiers du ministère (lire notamment ToutEduc Elèves handicapés : des solutions pour la formation avant la fin de l'année ?). Si le CAS ne nie pas ces difficultés, il souligne que cette situation n'est pas spécifique à l'Hexagone. "Les problèmes rencontrés semblent similaires dans les pays analysés (Italie, Suède, Norvège, Belgique, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni, Suisse) : difficulté à définir le rôle des accompagnateurs personnalisés du fait de la diversité des tâches et du manque de définition formelle de ces tâches, statut assez fragile à l'exception de l'Italie, risque de défausse des enseignants sur ces personnels d'appui."

Pour remédier à ces difficultés, le CAS conseille de faire évoluer l'activité des AVS tout au long de leurs contrats. "Une des voies possibles pourrait être de privilégier l'évolution des AVS individuels vers des fonctions d'AVS collectifs". La mise en place de cette mesure demanderait "un recours plus fréquent à la validation des acquis de l'expérience (VAE)".

Au-delà de la mise en place des projets éducatifs en direction des élèves handicapés, le CAS se montre critique envers leur mode d'élaboration actuel. Si, pour définir les besoins et l'orientation de ces élèves, la plupart des pays européens ont adopté le modèle du plan personnalisé (PPS), "la France se distingue en confiant sa réalisation à un organisme extérieur à l'Education nationale". La maison départementale des personnes handicapées (MDPH) en est chargée, avec des résultats insuffisants : seuls 25 % à 30 % des élèves handicapés bénéficieraient d'un plan personnalisé. Le CAS préconise de redéfinir le partage des rôles entre la MDPH et les établissements scolaires en "confiant l'élaboration de la partie éducative du PPS à l'établissement dans lequel l'enfant est scolarisé", la MDPH restant compétente pour l'orientation de l'élève et les soins dont il devrait bénéficier. "La MDPH doit avoir seulement un rôle d'orientation, c'est l'équipe pédagogique qui doit élaborer les projets éducatifs", affirme V. Chriqui.

Une autonomisation partielle et contrôlée des établissements

Au-delà des élèves handicapés, la marge de manoeuvre des équipes pédagogiques pose la question controversée du rôle de l'autonomie des établissements dans la réussite des élèves. Le CAS, qui consacre sa quatrième note au sujet, se montre prudent. Les études existantes, ainsi que des analyses inter-pays menées à partir de PISA, "ne permettent pas de tirer des conclusions universelles et invitent même à prendre des précautions". Si l'autonomie dans la gestion des ressources humaines semble avoir des effets positifs sur "la satisfaction des parents, des élèves et des enseignants", l'autonomie budgétaire, elle, aurait un impact négatif.

Pour le CAS, il faudrait donc "privilégier l'autonomie en matière de gestion des personnels et d'adaptation locale de l'organisation des enseignements" tout en développant "des dispositifs d'évaluation et de suivi des établissements" pour mesurer les effets réels de cette autonomisation. Pour éviter qu'une telle évolution débouche sur un accroissement des inégalités entre les élèves, les établissements concernés doivent "rester gratuits et ouverts à tous".

La formation des enseignants comme fil conducteur

Les enseignants appartiennent à ces "ressources humaines" dont les établissements auraient la responsabilité. L'amélioration de leur formation reste le fil conducteur des quatre notes du CAS. Pour améliorer le climat scolaire, le CAS recommande de "généraliser les formations de l'ensemble des personnels scolaires sur la gestion des conflits". Plus spécifiquement, il s'agirait d'intégrer aux futures Ecoles supérieures de professorat et d'éducation des modules de formation sur la violence scolaire".

Actuellement, les enseignants sont aussi mal formés à l'éducation des élèves handicapés. Selon le CAS, "il apparaît nécessaire de définir un socle d'exigences nationales sur le contenu de la formation au handicap", en termes de connaissances à maîtriser mais aussi d'organisation du travail avec les AVS.

Enfin, en termes de soutien scolaire, le CAS note qu'un rapport des inspections générales "regrette que, du primaire au lycée, les enseignants soient peu formés au soutien scolaire". Cette formation est indispensable si l'on veut que les heures de soutien "après les cours auprès des élèves en difficulté" soient assurées par des enseignants.

L'amélioration de la formation des enseignants serait le premier levier d'amélioration du climat scolaire. Actuellement, rappelle le CAS, "seul un élève français sur deux déclare que ses enseignants s'intéressent à son bien-être, soit 13 points de moins que la moyenne OCDE".

Les quatre notes d'analyse sont téléchargeables sur le site du CAS, ici.

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →