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La Protection judiciaire de la jeunesse et les territoires : un entretien exclusif avec J-L Daumas

Paru dans Justice le lundi 23 janvier 2012.

ToutEduc : La protection judiciaire de la jeunesse a-t-elle toute la place qu'elle devrait parmi les acteurs de l'éducation ?

Jean-Louis Daumas : Nous agissons uniquement auprès des jeunes qui font l’objet d’une décision judiciaire. L’une de nos missions est de prévenir la récidive, il nous est donc délicat d’intervenir lorsque nous n’avons pas été sollicités, pas même au titre de la prévention. Nous participons cependant aux "missions locales", qui accueillent des jeunes que nous avons suivis, et nous pourrions peut-être jouer un rôle, d'observateur ou de conseil dans des "projets éducatifs locaux", à condition que la collectivité nous le demande. D'ailleurs, dans le cadre de la formation des directeurs de service, qui peuvent avoir dans leur secteur plus de 300 mineurs relevant de mesures de milieu ouvert au quotidien, nous invitons nos personnels à se rapprocher des collectivités locales, qu'ils méconnaissent parfois, collectivités qui, de leur côté, ignorent aussi parfois que des éducateurs interviennent sur le territoire de la commune...

ToutEduc : Les lois de 2007 ont séparé la protection de l'enfance en danger, qui dépend du département, de la protection judiciaire des jeunes délinquants, qui dépend de l'Etat. Quel bilan tirez-vous de cette réforme ?

Jean-Louis Daumas : Il serait un peu prématuré d'en faire le bilan trois ans après leur mise en œuvre effective, mais elles ont eu le mérite de clarifier la situation. Les départements ont en charge l'accompagnement social des personnes tout au long de leur vie, avec les PMI, le RSA, etc. Même si la PJJ a conservé une compétence normative sur la protection de l'enfance, il était logique que les départements prennent en charge "complètement" les enfants dont les familles sont en difficulté (ce qu’ils faisaient déjà très très largement avant la loi du 5 mars 2007). L'Etat, dans le cadre de ses missions régaliennes, assure l'administration de la justice, donc de la justice des mineurs et a la charge, comme le dit l’ordonnance du 2 février 1945, de "l’enfance délinquante" en respectant le primat de l’éducatif. C’est même la raison d’être de la PJJ.

ToutEduc : Parmi les sujets de polémique, reviennent souvent les CEF, centres éducatifs fermés, même si les députés ont récemment reconnu leur utilité (voir ToutEduc, Centres éducatifs fermés : un certain consensus parmi les parlementaires). Comment comprenez-vous cette difficulté persistante ?

Jean-Louis Daumas : Certains, et c'est une position philosophique, estiment qu’il ne peut y avoir d’espace éducatif dans un cadre contraint. Nous pensons, et c'est également un choix, qu'il est possible de développer une dynamique éducative dans un cadre contraint. Au-delà de cette question idéologique, je constate qu'on nous oppose parfois des incidents qui peuvent se dérouler dans les CEF. Mais il y a des incidents partout où il y des mineurs difficiles, y compris dans les foyers les plus ouverts... Nous assistons à une ultra-focalisation sur les CEF, parce qu'on nous soupçonne de vouloir créer des CEF partout, et de fermer les EPE [établissements de placements judiciaires, ndlr].

ToutEduc : Et ce n'est pas le cas ?

Jean-Louis Daumas : Non. Nous comptons actuellement en France 950 places en EPE et 500 en CEF. La loi de programmation sur l'exécution des peines prévoit de remplacer 20 EPE par 20 CEF. Nous aurons alors 760 places en foyer et 750 en CEF. En réalité, nous voulons offrir aux magistrats des solutions alternatives à l'incarcération. Et nous avons effectivement réduit le nombre des jeunes incarcérés chaque année, qui est passé 3 600 en 2002 à 3 200 en 2011, soit -15 %. Nous avons donc les CEF, les centres éducatifs renforcés (CER) qui avaient été mis en place par la Gauche et dont le nombre reste fixé à 68, pour quelque 500 places, les établissements de placement éducatif, et les familles d'accueil, pour moins de 800 jeunes. Je souhaite qu'on puisse en accroître le nombre. Un chargé de mission sera nommé la semaine prochaine pour voir comment on peut mieux les indemniser...

ToutEduc : Pourquoi "indemniser" plutôt que "rémunérer" ?

Jean-Louis Daumas : Ce sont des gens qui agissent par altruisme, des humanistes qui veulent faire bénéficier les jeunes qu'on leur confie de leurs compétences parentales. Ils ne veulent pas être payés, mais reconnus.

ToutEduc : Ce n'est pas ainsi que vous allez compenser le déficit de places dont se plaignent les juges des enfants...

Jean-Louis Daumas : Nous avons effectivement un manque de places dans deux régions, Ile-de-France et PACA, et il faudra qu'on ouvre des établissements. Mais faut-il que les jeunes soient placés dans le département ou la région où ils sont jugés ? Pour certains, on a tout intérêt à les éloigner du lieu où ils ont commis un délit. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles les familles d'accueil représentent une alternative intéressante.

ToutEduc : Autre sujet de polémique, les ERS, établissements de réinsertion scolaires...

Jean-Louis Daumas : Là encore, il est trop tôt pour faire un bilan. C'est un dispositif relais, au même titre que les classes ou les ateliers relais [voir ToutEduc Augmentation du nombre des dispositifs relais, faible connaissance du devenir des élèves (DEPP), ndlr], où il y a aussi des éducateurs de la PJJ, si ce n'est qu'il est déterritorialisé. La collaboration avec l'Education nationale fonctionne bien puisqu’après 5 ou 6 mois, nombre de ces jeunes retournent dans leur collège.

ToutEduc : Autre réforme qui se met en place, celle de l'Ecole nationale de la PJJ, qui forme les éducateurs.

Jean-Louis Daumas : Effectivement, dès la prochaine rentrée, les élèves feront une première année beaucoup plus théorique et un stage long, de préaffectation, durant leur deuxième année. Certains craignent un recul de la dimension intégrative, avec des stages en alternance répartis tout du long de la scolarité. On peut aussi penser, et c’est notre cas que s'installera une vraie dynamique de promotion au cours de la première année permettant de prendre vraiment possession de l’école pour les stagiaires. D'ailleurs, la formation des éducateurs a déjà été organisée de cette manière.

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