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Doha, point de cristallisation d'une idéologie universelle?

Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 09 décembre 2010.

"Yes we can", "Just do it". Ces deux slogans, entendus au cours des pleinières ou des ateliers du Wise (le sommet international pour l'innovation dans l'éducation) de Doha ne sauraient résumer l'idéologie des participants, à supposer qu'il soit possible de dégager des constantes parmi eux. La question est compliquée par la situation politique du Qatar, où les progressistes, menés par le Sheikh et son épouse, très forte et brillante personnalité, se trouvent en butte aux conservateurs, lesquels ne désespèrent pas de ramener le Qatar sur les chemins de la tradition ... telle qu'ils la conçoivent. Incontestablement, l'obtention de la coupe du monde de football a permis à la sheikha Mozah Al Missned de marquer un point, et l'audience internationale du Wise l'aide à asseoir dans son pays sa légitimité et ses ambitions pour le système éducatif. D'autres pays du Golfe, dont l'Arabie saoudite, sont également persuadés de la nécessité de s'ouvrir à d'autres modèles éducatifs, et qu'il y a urgence. "Nous n'avons pas le temps", dit le recteur de l'université King Saud. Même si la politique intérieure, et les relations conflictuelles avec les intégristes ne sont jamais évoquées, elle constituent une des grilles de lecture possible d'un événement qui doit contribuer à changer le monde, y compris le Moyen-Orient et la péninsule arabique. 

Il semble pourtant possible de souligner quelques thèmes récurrents. Le premier est un non-dit. Il va de soi que le racisme et l'obscurantismes doivent être combattus. Au contraire est systématiquement soulignée la bonne volonté générale: sous tous les climats, et quels que soient les régimes politiques, il faut que tous, enfants et adultes, garçons et filles, aient leur chance. La philosophie de l' "Ubuntu" sud-africain, la conviction que chacun existe par et parmi les autres hommes est aussi présente. Nous ne sommes donc pas uniquement dans un système de valeurs anglo-saxon, ni dans une pensée libérale, aux deux sens du terme, libéralisme économique et progressisme, même si leur prégnance est évidente. Troisième conviction fréquemment exprimée, l'éducation est un "bien social", et c'est un levier, peut-être même LE levier pour changer le monde. La Chine par exemple a bien conscience que son modèle de développement n'est pas durable, et que c'est l'innovation, donc l'éducation qui prendra le relais, dès 2020, dans une région du monde où la principale richesse est la ressource humaine. Mais toutes les sociétés, les plus pauvres comme les plus développées sont confrontées au même défi, à la même nécessité d'assurer l'éducation de tous, et pas seulement au niveau primaire.

Autre affirmation récurrente, il faut s'appuyer sur les enseignants tels qu'ils sont, dans chacun des pays. La représentante de l'ONG "save the children", lauréate de l'un des prix décernés cette année, interrogée par ToutEduc le dit sans cynisme aucun, ils coûtent moins cher, et ils sont plus efficaces que des gens plus compétents mais venus d'autres pays. En revanche, il faut leur apporter soutien et formation.

La proximité est d'ailleurs une valeur essentielle. On peut s'appuyer sur "la dignité des pauvres" et reconnaître avec pragmatisme la valeur des initiatives locales. On parle des "héros" de l'éducation. Il faut encourager ce qui marche, le faire savoir, le proposer au reste du monde, sans l'imposer, et promouvoir la confrontation des idées. 

Les recettes libérales, notamment la mise en concurrence des établissements, sont parfois citées comme des facteurs évidents d'amélioration des systèmes éducatifs, et la question économique n'est jamais absente: Martin Burt, de la Fondation Paraguay est vivement applaudi quand il raconte comment il a créé des écoles professionnelles agricoles où les élèves apprennent évidemment à cultiver et à transformer certains produits, mais aussi à les vendre, à créer des micro-entreprises, au point que ces "lycées" s'auto-financent. Les partenariats public-privé sont très bien vus, ainsi que tous ceux qui ne demandent rien aux Etats, ou le moins possible, et qui ont conscience que ceux-ci ne peuvent de toute façon pas suffire à des besoins qui s'accroissent de façon exponentielle. Leur autorité n'est toutefois pas contestée, peut-être parce que le sommet rassemble aussi des institutions étatiques et interétatiques, au premier rang desquelles l'UNESCO, et que nombre d'orateurs sont, de fait, des représentants de leur pays, mais si aucun ambassadeur n'a été invité.

Autre ressource précieuse, le temps. Il ne s'agit pas d'améliorer la "productivité de l'éducation" comme d'un process industriel, encore que certains intervenants le donnent à penser, mais d'éviter l'ennui, les temps morts, et que le temps passé en classe soit mieux utilisé. Si l'accent est souvent mis sur les compétences, ce n'est pas au détriment des savoirs. Mais dans des sociétés soumises à des changements de plus en plus rapides, il faut de la souplesse. Cette double préoccupation, la mobilisation des énergies en classe et la l'adaptabilité à un monde en mutation, amènent à privilégier les TIC, y compris twitter, les blogs... Tim Rylands, une espèce de Célestin Freinet anglo-saxon, libéral, technophile et mégalomane, fait l'éloge dans un atelier des pédagogies non linéaires, et des séances de rigolade en classe, il évoque une expérience menée en Angleterre, où les enfants participent à l'évaluation des enseignants avec l'inspection. Mais il demande à ses élèves, à la fin du cours, de deviner quels en étaient les objectifs: s'ils ne trouvent pas, c'est que la leçon était mal conduite. Si ce qu'ils ont appris correspond à ce qu'il avait prévu, c'est bien, et c'est encore mieux s'ils ont appris plus que prévu.

Le message essentiel est certainement là, même s'il n'est pas exprimé ainsi: faisons confiance aux personnes, elles sont plus intelligentes qu'on ne le pense dès qu'on libère les énergies. C'est possible, allons-y! Soyons optimistes. 

Voici la liste des articles publiés sur ToutEduc à propos du Wise

Doha, capitale du Monde de l'Education? (18 nov. 2009, ici)

 Doha: Echos du sommet de l'innovation pour l'éducation (18 nov. 2009, ici)

Doha propose au monde ses conclusions (19 nov. 2009, ici)

Les lauréats de Doha (18 nov. 2009, ici)

Qatar: premier séminaire de l'Institut Wise (novembre 2010, ici).

Pays arabes: améliorer le niveau de l'enseignement (sept. 2010, ici)

Doha: "faire de la planète un monde meilleur (déc. 2010, ici)

Doha, les lauréats du Wise 2010 (Doha: les lauréats du Wise)

Doha, capitale du monde où l'on imagine le financement de l'éducation (Doha, capitale du monde, où l'on imagine le financement de l'éducation)

Doha, création d'un "Nobel" de l'éducation (Doha: la création d'un "prix Nobel" de l'Education)

 

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