Doha, capitale du monde, où l'on imagine le financement de l'éducation

Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 08 décembre 2010.

Le Qatar a obtenu la coupe du monde de football en 2022,la "Qatar fondation" organise le Wise, le sommet international pour l'innovation dans l'éducation, qui rassemble 1 200 personnalités et experts, et attire plus d'une centaine de journalistes venus des 5 continents, tous frais payés, et dans des hôtels de luxe. Elle est aussi l'un des sponsors, avec Google, microsoft et la Carnegie corporation de la World digital library (la bibliothèque numérique mondiale). Hier mardi 7 décembre, "le Wise a enjoint au monde arabe de développer ses systèmes éducatifs", titre ce matin le "Gulf times" qui annonce, également à la "une" que Al Jazeera, qui est basée à Doha vient d'obtenir une licence pour émettre en Inde.

Présidée par l'épouse du Sheikh, la Qatar fondation a les moyens, pécuniaires, de ses ambitions. La conférence annuelle est aussi l'occasion de fédérer des institutions, dont l'AUF (Agence universitaire de la francophonie) et l'UNESCO, et des experts qu'elle peut mobiliser ensuite pour assurer la formation des cadres supérieurs des universités et des systèmes éducatifs des pays émergents (voir à ce sujet Qatar: premier séminaire de l'Institut Wise, destiné à "façonner une nouvelle vision de l’éducation"). Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco, le confirme: "nous avons besoin d'une plateforme de ce type pour mobiliser les experts".

Voici des échos d'une plénière sur le financement de l'enseignement. Irina Bokova souligne que la demande d'éducation ne cesse de croître, tandis que les budgets des Etats stagnent, voire régressent avec la crise. Mais ce n'est pas vrai dans tous les pays, et l'Arménie, l'Egypte, l'Ethiopie, le Nicaragua sont autant de contre-exemples, tandis que l'Espagne et, dans une certaine mesure la France, ont consenti une réduction à certains pays des abandons de dette contre le maintien des budgets de l'éducation. Elle évoque aussi des partenariats public-privé, avec Nokia par exemple, pour l'utilisation de téléphones portables pour une éducation de qualité. Elle se demande si une taxe internationale, à un taux extrêmement faible, ne permettrait pas de financer l'éducation pour tous.

Steen Jorgensen, de la banque mondiale, pense également qu'une taxe, comme celles qui ont été instaurées sur les billets d'avion ou sur certains produits de grande consommation contre le Sida, ne pourrait pas contribuer à un financement transfrontalier de l'éducation dont les bénéfices sont également transfrontaliers. Les pays arabes ont d'ailleurs récemment passé un accord en ce sens. Mais il pense à d'autres types de financement: les entreprises peuvent acheter des crédits carbone, pourquoi ne pourrions nous pas créer un marché des tels crédits? Je vais trop loin? Imaginons des bonds mondiaux dont les intérêts seraient détaxés."

Reste à trouver des mécanismes novateurs pour s'assurer que les financements contribuent à l'obtention de meilleurs résultats. Pour lui, cela passe par le libre choix des établissements par les parents, qui, même dans les pays les plus pauvres, veulent participer à l'amélioration de la qualité. "Levons les fonds au niveau international et dépensons-les au niveau local", conclut-il. Le président de laTulan University (Nouvelle-Orléans) abonde dans son sens. Entièrement détruit par Katrina, le système scolaire de la Ville a été entièrement repensé. Alors qu'il était l'un des plus mauvais aux USA, il aspire à devenir un modèle. Il est fondé sur la concurrence entre les établissements, des "charters schools", confiées à 40 opérateurs différents.