Pour Nicole Belloubet, une rentrée “scolaire“ mais empêchée (conférence de presse)
Paru dans Scolaire le mardi 27 août 2024.
Bien qu'on ne soit “jamais candidat à un poste ministériel“, Nicole Belloubet se dit intéressée par l'idée de continuer au poste qu'elle occupe depuis le 08 février, a-t-elle fait valoir durant la conférence de presse de rentrée organisée au ministère de l'Education nationale ce mardi 27 août.
A la fois enjouée et sarcastique, la ministre de l'Education considère que, malgré le contexte politique la rentrée est “prête“, d'autant que personne “ne demande à ce que les sonneries des salles de classe se calent sur celles du Palais Bourbon“.
Budget. Le 1er ministre, Gabriel Attal, a récemment notifié des premiers plafonds de crédits et d'emplois pour le futur budget du ministère de l'éducation nationale, une “base technique“ pour 2025 qui par principe de reconduction “contraindrait à une particulière rigueur budgétaire“, souligne la ministre démissionnaire. Un projet qui n'est donc “pas encore abouti“ pour Nicole Belloubet qui souhaite que le budget soit par cohérence “a minima sanctuarisé“.
Temps de l'enfant. “Nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réflexion globale (..) sur le temps de l'enfant“, un enjeu décomposé entre le temps des familles, le temps scolaire et celui de l'enseignant. Pour la ministre cette question est fondamentale, tout comme celle de la formation des enseignants.
Formation des enseignants. La formation initiale est un chantier sur lequel la ministre s'est “beaucoup mobilisée pour construire un outil d'attractivité“. Mais la réforme “n'a pas abouti faute d'un contreseing dans le décret rédigé“ avant que le gouvernement n'expédie les affaires courantes. Malgré un “coût non négligeable“, la réforme offrait “une filière clairement structurée et exigeante“. Si le dossier est suspendu, il doit être pour la ministre une des priorités du prochain gouvernement. Autre point pour faire fonctionner le système éducatif, la formation continue doit constituer tout au long de la carrière “une obligation“, un dossier qui sera “essentiel à traiter pour le prochain gouvernement“.
Postes aux concours. Question recrutement, selon l'ancienne rectrice les concours d'enseignants de cette année ont permis de couvrir près de 100 % des postes nécessaires pour la rentrée. Dans le 1er degré, 9 700 professeurs des écoles ont été recrutés, même si elle reconnaît des difficultés dans les académies de Créteil, de Versailles et de Guyane. Dans le 2nd degré les rendements passent de 86,3 à 88,3 % d'enseignants recrutés, avec une baisse de 15 % des postes non pourvus.
Primaire. Au 1er degré, des “premiers résultats positifs“ sont soulignés concernant les dédoublements de classe, un travail qu'il “faut poursuivre“ en l'accompagnant, pour être plus efficace, d'une évolution des pratiques pédagogiques. Les programmes de français et de mathématiques des cycles 1 et 2 pourront être publiés dès la fin de la période affaires courantes et entrer en vigueur en septembre 2025, ce qui constitue une chance pour les enseignants qui “pourront disposer d'une année entière pour (..) se former“.
Invitée à réagir suite à l'appel à la grève de 3 organisations syndicales lors des prochaines évaluations nationales (voir ToutEduc ici), Nicole Belloubet dit avoir “du mal à partager cette préoccupation“ du fait qu'elles ne sont “pas du tout un truc mécanique destiné à fliquer qui que ce soit“, mais au contraire un outil supplémentaire, complémentaire, “extradordinaire pour apprécier là où en sont les besoins des élèves“.
Collège. La ministre évoque l'école comme un lieu de savoir, se disant “attachée au socle commun de connaissances et de compétences que la nation doit à tout enfant de 15 ans“, mais sans citer la culture. Si les groupes de niveaux (ou de besoins) peuvent entraîner des difficultés en termes de ressources humaines, “ce qui importe c'est de revenir au sens de ces groupes, quelles que soient les modalités de mise en œuvre“. Les textes concernant les nouvelles modalités d'évaluation de l'examen du brevet (DNB) sont reportés en raison de la situation politique, mais ils sont “prêts“ et devraient pouvoir être publiés pour une entrée en vigueur à la session 2025 : “il y a une certaine urgence à le faire“, précise Nicole Belloubet. Cette disposition se détache de celle imposant la nécessité d'obtention du brevet pour entrer au lycée, ce décret étant “aujourd'hui gelé“.
Lycée général et technologique. Son organisation comme celle du baccalauréat est “stabilisée“, seules quelques adaptations de certains programmes “un peu lourds“ pourraient être envisagées. Les stages de seconde peuvent être améliorés, Nicole Belloubet soulignant “un peu de flou“ dans leur mise en place, avec des équipes qui “ne s'étaient pas emparées de ce sujet là“. Il faut donc que ces stages fassent davantage “partie de la construction d'un parcours d'orientation“, mais un effort est aussi demandé aux entreprises pour “offrir un terrain de stage(s) plus important“, car, avoue-t-elle, “beaucoup cette année se sont faits par relation“. Une centaine de classes expérimentales “prépa-secondes“ ouvrent en cette rentrée, avec moins de 1 000 élèves recensés au total. La ministre les voit comme une opportunité, un “autre dispositif de lutte contre le décrochage“.
L'affectation des élèves au lycée “est un point délicat“ même si aucun chiffre n'est fourni. Une attention est portée sur ceux qui veulent aller en lycée professionnel parce que les demandes d'orientation dans cette voie “ont cette année augmenté“. A été demandé aux recteurs d'académie de faire en sorte que les élèves sans affectation puissent être accueillis dans leur lycée d'origine.
Lycée professionnel. 5 % de la carte des formations professionnelles par académie a été modifiée.
Mixité sociale et scolaire. Il faut “se donner les moyens d'accepter l'autre“, et lutter contre les assignations sociales passe par une refonte de la carte de l'éducation prioritaire, un travail à engager “dès maintenant“ afin d'avoir des premiers travaux effectifs au Parlement dès la rentrée 2025. Il s'agit également de créer un service public d'aide aux devoirs, de moduler les bourses en fonction d'un indice d'éloignement, ou encore de lutter contre la grande pauvreté à l'école, une “réalité qu'on ne peut pas ignorer“.
Privé sous contrat. Les premiers résultats du protocole signé avec l'enseignement catholique (SGEC) pour favoriser la mixité dans les établissements privés sous contrat seront accessibles dès le mois de septembre. Un travail sur le contrôle de ces derniers (pédagogiques, administratif et financier) sera accru dès cette année. Interrogée sur un financement de l'enseignement privé sous contrat par les Régions, suite à un article de Mediapart (voir Touteduc ici), la ministre indique que si théoriquement la loi limite ces financements à 10 % des recettes des établissements, avec une exception pour les établissements techniques, il pourrait y avoir là “une manière biaisée de financer ces établissements“.
Numérique. Près de 200 collèges sont candidats à l'interdiction (totale) des téléphones portables dès la rentrée, pour une généralisation prévue dès janvier prochain. Il s'agit, en supprimant l'utilisation pendant la classe mais aussi pendant les temps de récréation et de pause méridienne, d'éviter les photographies qui circulent ensuite sur les réseaux sociaux. En outre, l'Education nationale devra “se doter de sa propre feuille de route sur l'Intelligence artificielle (IA)“.
Territoires. L'école “symbolise la présence des Services publics (..) sur le territoire“, ce qui “nous oblige à établir un lien extrêmement étroit avec les collectivités territoriales“. Dans le processus d'élaboration de la carte scolaire du 1er degré, aucune action n'est possible “sans dialogue soutenu avec les élus“, c'est pourquoi il faudrait signer une “convention procédurale“ pour cadrer la mise en place d'observatoires des dynamiques rurales (certains existant déjà). Si des réponses n'ont pas été apportées au plan d'urgence pour l'école demandé par plusieurs syndicats pour le département de Seine-Saint-Denis, la ministre de l'Education évoque différentes études sur la question, notamment au regard de difficultés qui peuvent également se retrouver “dans l'académie de Versailles“. Un travail que devra cependant conduire “un ministre pas démissionnaire“. En Nouvelle-Calédonie, Caroline Pascal (directrice générale de l'enseignement scolaire) a expliqué que des textes d'aménagement des examens vont être pris (en raison des difficultés liées à la dégradation d'établissements, à des problèmes de transport, etc.).
FSDAP. Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires, explique encore Nicole Belloubet, “sera un sujet de la prochaine Loi de finances“ pour lequel il conviendrait d'avoir un discours “de cohérence (..) pour construire une harmonisation entre les temps scolaire et périscolaire.“
Handicap. 3 000 postes d'AESH supplémentaires sont prévus pour la rentrée. Ce qui porte à 88 500 le nombre d'ETP total. En raison du fort accroissement de leur nombre, un travail est “à construire“ suite à la promesse d'un plan métier (statut, validation des acquis, évolution de carrière) promis lors du dernier Conseil national du Handicap (CNH).
Vie affective. Les programmes d'éducation à la vie affective et relationnelle (et sexuelle dans le second degré) sont “en cours de finalisation“, ils seront présentés au Conseil supérieur de l'éducation (CSE) “dès que possible“ et publiés, après quoi les 3 séances consacrées à la question pourront “immédiatement“ avoir lieu.
Le dossier de presse ici