Le pouvoir actuel a rendu "acceptables" les propositions du RN en matière d'éducation (P. Watrelot, Alternatives économiques)
Paru dans Scolaire le lundi 10 juin 2024.
Alors que la perspective de voir le Rassemblement national gagner les législatives de cet été devient plausible, ToutEduc rappelle les dépêches publiées depuis 2013 sur son programme pour l'éducation (ci-dessous). Philippe Watrelot, collaborateur de ToutEduc, publie pour sa part une tribune (Alternatives économiques, ici) dans laquelle il analyse les rapports entre le programme de l'extrême droite et la politique menée depuis 2017.
Il rappelle que, selon le RN, la "baisse constante du niveau" a une cause : le mérite et l’exigence auraient "laissé la place au nivellement par le bas". En 2022 il annonçait la labellisation des manuels scolaires et il promettait que "l’enseignement dans le primaire donner(ait) une priorité absolue au français, aux mathématiques et à l’histoire de France". Dès 2017, le FN préconisait l’uniforme, mais aussi la "suppression progressive du collège unique et l’autorisation de l’apprentissage à 14 ans". Le collectif Racine (think tank d’extrême droite) préconisait de supprimer les ESPE et de les remplacer par des "écoles normales régionales" d'où seraient bannies "les prétendues sciences de l’éducation". Quant aux enseignants, ils seraient soumis à une exigence de neutralité absolue tandis que le pouvoir de contrôle des corps d’inspection serait renforcé.
Pour l'ancien professeur de sciences économiques et sociales, ancien président du CRAP - Cahiers pédagogiques, "le RN peut aller beaucoup plus loin" que les ministres nommés par E. Macron. Mais il estime que "les décisions du gouvernement Attal s’inscrivent dans la même filiation (que celles promises par le RN), et qu'un climat conservateur et réactionnaire qui domine depuis plusieurs années". Le pouvoir actuel a en effet rendu "acceptables", discutables, des idées qui jusque-là ne l'étaient pas.
Il aurait été "impensable" il y a quelques années "d’envisager d’imposer un uniforme aux élèves" et il était "mal vu de remettre en question le collège unique", tandis que "l'école inclusive et l’égalité des chances étaient des normes sociales peu contestables, sauf dans certains discours radicaux". L'auteur de "Je suis un pédagogiste" (ESF-Sciences Humaines, 2021) ajoute que le choc des savoirs constitue "une remise en cause du collège unique", et que le principe d’ "égalité des chances" est "devenu dans les discours un 'égalitarisme' freinant l’élitisme". Pour lui, l’école avec le RN, ce serait "encore pire". Et s'adressant à un public d'enseignants il lance : "Nous devons reconstruire un récit qui parle à l’opinion et qui remette au premier plan l’enjeu de l’égalité et la mixité sociale, le refus de l’exclusion et du déterminisme social."
Les dépêches de ToutEduc