Parler bambin : nouvelle évaluation négative, et remise en cause des programmes états-uniens Abecederian et Perry Preschool
Paru dans Petite enfance le mercredi 30 juin 2021.
Le programme "Parler bambin", initié à Grenoble par l'équipe de Michel Zorman, devait permettre aux professionnel.le.s de l'accueil de la petite enfance d'aider les enfants "issus d'un milieu défavorisé" à compenser leur handicap en termes de maîtrise du langage. Très bien accueilli, il a notamment fait l'objet d'une évaluation par Agnès Florin (Nantes) qui avait conclu à son inefficacité auprès des enfants, mais à son effet positif sur les professionnel.le.s. Il avait été sévèrement critiqué par un collectif de praticiens et de chercheurs (voir ToutEduc ici). Il est à nouveau évalué négativement dans une note de l'IPP (Institut des politiques publiques) rédigée par Clément de Chaisemartin (Université de Californie), Quentin Daviot (J-PAL), Marc Gurgand (CNRS, ENS, J-PAL), Sophie Kern (CNRS) qui ne peuvent être suspectés d'une hostilité a priori à l'égard du dispositif. Ils ont suivi les enfants et les personnels de 94 crèches pendant trois ans.
Ils en concluent que "la formation à Parler Bambin a un impact fort sur les postures et les pratiques des professionnelles" et sur les représentations qu’elles ont de leur rôle auprès des enfants. Elles ont une meilleure connaissance du développement langagier des enfants. Les crèches ont organisé des ateliers langage et les professionnelles qui les animent déclarent voir les enfants progresser, mais les chercheurs ne constatent “pas d’effet sur le développement langagier des enfants“.
Ils émettent plusieurs hypothèses pour expliquer ce résultat décevant. Le changement de posture des professionnelles ne serait pas assez soutenu dans le temps, notamment du fait du renouvellement des équipes pour pouvoir produire un effet significatif. Les outils d'évaluation du développement langagier de très jeunes enfants seraient limités à certaines "dimensions prédictives de la réussite scolaire future" et passeraient à côté "d’autres dimensions qui n’ont pas pu être mesurées". Les interactions verbales seraient toutefois plus nombreuses et l'impact sur le développement socio-affectif des enfants serait positif, à court terme du moins.
Ces résultats confirment ceux d'Agnès Florin, mais ils ont aussi l'intérêt de remettre en question les "résultats exceptionnels" des programmes expérimentaux américains Carolina Abecedarian et Perry Preschool, régulièrement cités par Marc Gurgand et Clément de Chaisemartin à l'appui des programmes du type "pédagogie explicite" pour de jeunes enfants (voir ToutEduc ici) et par Jean-Michel Blanquer (ici). Il apparaît notamment que "l’enthousiasme suscité par ces expérimentations" ne doit pas faire oublier qu'elles ont été évaluées à "toute petite échelle, dans une seule structure d’accueil, et sous la supervision d’équipes de chercheurs", tandis que les enfants du groupe contrôle "ne bénéficiaient souvent d’aucun accueil en crèche" (donc n'étaient pas comparables à ceux impliqués dans l'expérimentation, ndlr).
Le site de l'IPP ici. Cette étude est citée par notre confrère du Café pédaogique ici