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Elèves en difficulté de lecture en 6ème : que conclure de l'échec d'un programme de remédiation "syllabique" ? (thèse)

Paru dans Scolaire le jeudi 24 juin 2021.

"A l’entrée en sixième, un élève sur six ne possède pas les compétences en lecture nécessaires pour lire et apprendre. Or, pour des raisons organisationnelles, il est difficile actuellement de mettre en place des ateliers de lecture dans les collèges. La plupart des élèves en difficulté ne bénéficient donc d’aucun enseignement particulier en France, alors même que la maitrise de la lecture conditionne leur réussite dans toutes les disciplines", constate Marina Tual dont la thèse, "Lire et apprendre au collège : évaluation d’un dispositif de remédiation des difficultés de lecture en 6e", soutenue au mois d'octobre dernier, a été récemment publiée (ici) et est signalée par notre confrère du Café pédagogique (ici).

L'auteure évalue les effets d' "ateliers de lecture" comprenant 12 séances d’entrainement à la lecture fluide en contexte avec l’outil Fluence et 24 séances de travail avec le logiciel TACIT. La méthode "Fluence" (de Christine Lequette, Guillemette Pouget et Michel Zorman) est publiée aux éditions de La Cigale avec pour objectif l'amélioration de la vitesse de lecture, avec 3 à 4 élèves pour un enseignant. TACIT "se présente comme une interface logicielle accessible en ligne" et a été "imaginée par une équipe de quatre enseignants-chercheurs de l'université Rennes 2 et de l'ESPE de Bretagne", elle permet de travailler explicitement sur la compréhension et de développer "la capacité à réaliser des inférences et l'utilisation du contexte pour trouver le sens d'un mot inconnu" avec des groupes de 16 élèves. 

Le dispositif a été mis en place sur deux ans, dans des collèges et avec des enseignants volontaires, "plusieurs enseignants et chefs d’établissement (ont) donné au cours de l’expérimentation des retours positifs et la plupart des établissements ont prolongé ce dispositif après l’année d’expérimentation". Mais alors que les acteurs l'ont perçu positivement, l'évaluation rigoureuse des acquis des élèves montre qu'il "n’a pas permis de faire progresser davantage les élèves du groupe expérimental par rapport aux élèves du groupe témoin (...). Les ateliers n’ont donc pas permis d’accélérer la progression des élèves, ni en compréhension en lecture, ni dans les habiletés spécifiquement ciblées (fluence de texte, inférences), ni dans les autres matières scolaires. On n’observe pas non plus d’effet du dispositif sur la motivation des élèves, le sentiment d’auto-efficacité des enseignants et sur les relations entre les parents et l’établissement." Elle avait également fait l’hypothèse que "les enseignants se sentiraient plus compétents face à la difficulté scolaire et que les relations avec les parents des collèges tests seraient meilleures qu’avec ceux des collèges témoins. Ces hypothèses ne sont pas validées non plus."

Si Marina Tual en conclut que "mettre en place un soutien supplémentaire et diffuser des outils issus de la recherche ne suffit pas pour observer des progrès tangibles", elle ajoute qu'il faudrait davantage "tenir compte des paramètres d’implémentation qui favorisent l’engagement et l’accompagnement des enseignants afin qu’ils s’approprient les outils et les pratiques pédagogiques correspondantes". Elle fait en effet état de "difficultés d’implémentation importantes", "tant dans l’organisation administrative des ateliers que dans leur compréhension et appropriation par les enseignants". Il lui semble donc "illusoire de penser que les pratiques efficaces démontrées en laboratoire puissent être diffusées dans l’institution et produire ipso facto les résultats attendus".

L'auteure souligne que si "la fluence est sans surprise un prédicteur important" des compétences en compréhension de l'écrit, "cette habileté n’explique que 4,5% de la variance inter-individuelle des élèves", les autres prédicteurs étant la capacité à traiter les références pronominales, la richesse du vocabulaire et les capacités de raisonnement non verbale. La thèse est d'ailleurs l'occasion de mettre en évidence les liens entre la lecture et d'autres disciplines. "Sans surprise", la compréhension de l'écrit, la capacité à réaliser des inférences apparaissent comme des prédicteurs importants de la réussite en histoire-géographie. "Plus surprenant, la lecture fluide en contexte apparait comme un prédicteur aussi important que la capacité de raisonnement non verbal des progrès en mathématiques."

Marina Tual. Lire et apprendre au collège: évaluation d’un dispositif de remédiation des difficultés de lecture en 6e. Université Grenoble Alpes, 2020, téléchargeable sur HAL ici (2020GRALH021)

A noter : la plupart des évaluations randomisées de programmes de soutien scolaire sont décevantes, voir à ce sujet ToutEduc ici, le phénomène a été bien noté par M. Gurgand (ici), et étudié par F. Cros dans le cadre de ses travaux sur l'innovation pédagogique (voir ToutEduc ici)

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