Enseignement moral et civique : Pierre Kahn critique les nouveaux programmes
Paru dans Scolaire le mardi 10 juillet 2018.
Pierre Kahn, qui avait été responsable du groupe d’experts chargés de la conception des programmes d'Enseignement moral et civique de 2015, critique sévèrement le nouveau projet dans un texte qui circule sur les réseaux sociaux. L'universitaire relève certes que "des éléments importants du programme de 2015 sont conservés : notamment la distinction des quatre domaines concernés par cet enseignement (sensibilité, règle et droit, jugement et engagement) et l’idée selon laquelle il doit articuler (...) valeurs, savoirs (…) et pratiques". Mais "ils sont conservés dans un ensemble qui leur fait perdre leur sens".
Il estime notamment que "le fort recentrage sur les seules valeurs de la République (dont certes la transmission est très importante)" tend à réduire cet enseignement à "l’éducation civique", ou à "une morale civique" au lieu d' "une éducation morale et civique". Il ajoute que "le principe du respect d’autrui (lui-même, bien sûr, hautement respectable)" se trouve ramené "vers des formes bien traditionnelles d’enseignement moral (règles d’hygiène, langage, conduite, comportement, règles vestimentaires…)" aux dépens du débat et de "l’éthique de la discussion".
Pierre Kahn dénonce surtout "la faiblesse pédagogique de ce nouveau texte" qui ne fait plus référence à "l’examen des dilemmes moraux, [aux] discussions à visée philosophies en primaire, [aux] jeux de rôle", il ne donne pas d'exemples "de situations pédagogiques permettant la mise en œuvre de la culture morale et civique" : "le nouveau texte est écrit au présent : 'l’élève apprend…', 'l’élève comprend…', sans que soit jamais abordé ni même suggéré comment il faudrait s’y prendre pour que l’élève apprenne ou comprenne."