Scolaire » Actualité

Arts plastiques et éducation musicale au collège, une problématique difficile (Pierre Baqué)

Paru dans Scolaire le mardi 09 avril 2013.

Pierre Baqué, qui a conseillé de nombreux ministres de l'Education nationale depuis A. Savary sur les questions d'éducation artistique et culturelle, propose aux lecteurs de ToutEduc une tribune sur les arts plastiques et l'éducation musicale au collège, "une problématique difficile à résoudre".(lire aussi ToutEduc ici)

 

Dans son rapport intitulé Consultation sur l’éducation artistique et culturelle  "Pour un accès de tous les jeunes à l’art et à la culture", le comité interministériel constitué à cet effet propose un certains nombre de "pistes pour l’avenir". Il signale ainsi que "le ministère de l’Education nationale a confirmé son souhait de repenser l’organisation hebdomadaire des enseignements obligatoires de musique et d’arts plastiques au collège. Par exemple, une offre d’assouplissement de l’actuelle organisation offrirait des opportunités comme celle de regroupements d’heures afin que ces enseignements puissent se développer dans un environnement culturel plus riche".

On aura sans doute remarqué la prudence du vocabulaire : le ministère "souhaite repenser… ". Cela veut-il dire que ce projet n’est ni ferme ni définitif ou encore que le dit ministère a conscience des difficultés qui l’attendent ? Personnellement je pense que la première hypothèse est la bonne. J’ajoute, par expérience, que cette intention de regrouper les horaires, régulièrement énoncée au cours des ans par les ministères successifs, n’a jamais donné lieu à une mise œuvre effective sur le terrain tant les obstacles et refus se sont révélés nombreux et concrets.

Quelles en sont les raisons ? Pour y voir clair, un état des lieux préalable s’impose

Au Collège, l’enseignement artistique, obligatoire, est assuré par deux disciplines : arts plastiques et éducation musicale (et non musique). Horaires : une heure par semaine pour chacun des deux arts. Le nouvel enseignement de l’histoire des arts (2008) est inclus dans cet horaire. Le tout est assuré par des professeurs spécialisés, agrégés et surtout, certifiés. Les premiers doivent 15 heures par semaine, les seconds, 18. Des programmes nationaux structurent ces enseignements placés sous la responsabilité d’inspecteurs pédagogiques régionaux (IA/IPR). Les enseignants rencontrent, chaque semaine, 15 à 20 classes, soit plusieurs centaines d’élèves, du niveau de 6ème à celui de 3ème.

Dans ces conditions, assurer une formation approfondie de ces adolescents reste difficile. Trop souvent on ne peut qu’en rester aux stades de la sensibilisation et de l’initiation, quelles que soient la compétence et l’implication des maîtres. De cela les ministères successifs ont eu depuis longtemps conscience (1982), qui ont mis en place, dans de nombreux établissements, des compléments de formation, facultatifs, de deux heures hebdomadaires, destinés à des élèves volontaires.

Ces compléments prennent la forme de chorales et ensembles instrumentaux d’une part et d’ateliers de pratique artistique ouvrant sur une dizaine de domaines artistiques, d’autre part ( arts appliqués, cinéma, danse, design, théâtre, etc.). Il arrive fréquemment – et il faut s’en féliciter - que des professionnels du secteur culturel s’associent aux enseignants pour enrichir les contenus de ces formations.

Le paysage ainsi décrit, un bilan quantitatif et qualitatif devient possible… et souhaitable.

C’est peu de dire que le travail des enseignants des disciplines artistiques au collège est souvent ingrat. Ils rencontrent chaque semaine ces élèves au cours de séances d’une heure qui ne dépassent guère 50 minutes, élèves dont l’intérêt pour des disciplines qui pèsent symboliquement moins que d’autres (Français, mathématiques, anglais, histoire par exemple) est très inégal. L’institution cautionne de fait cette hiérarchie dans la présentation des disciplines sur le bulletin scolaire, où arts plastiques, éducation musicale et EPS (éducation physique et sportive) occupent les dernières places sur le tableau. Par ailleurs, il faut bien convenir que, de leur côté, les parents accordent souvent à ces disciplines, jugées non prioritaires, un intérêt limité qui autorise ainsi certains élèves, en fin de scolarité obligatoire notamment, à manifester une réelle indifférence pour les enseignements artistiques.

En revanche, cette situation, décevante, n’a pas d’équivalent au lycée où seuls les élèves volontaires abordent l’étude approfondie des arts. Dès lors qu’ils se sont engagés, ils ont le choix entre 7 domaines artistiques (arts appliqués, arts plastiques, cinéma et audiovisuel, danse, histoire des arts, musique, théâtre-cirque ) Ils bénéficient d’horaires hebdomadaires substantiels (5h en série L, jusqu’à 20 h en série technologique). Enfin, l’évaluation terminale, notamment au baccalauréat, est fondée sur des épreuves au coefficient très élevé. Dans ces conditions, enseignants et élèves, occupent dans l’établissement une place symbolique qui les met à égalité avec celle qui est attribuée à toutes les disciplines dites fondamentales.

Cet ensemble de différences entre le niveau du Collège et celui du Lycée n’a pas manqué de retenir l’attention des responsables du système- de quelques uns seulement, bien sûr- qui ont cherché les solutions permettant d’améliorer, dans tous ses aspects, la situation de la formation artistique et culturelle au Collège.

A deux reprises au moins, des expériences ont été tentées. L’une en 1984, l’autre en 2004. Elles ont toutes les deux échoué devant l’inquiétude et le refus de ceux qui auraient pu en bénéficier, les membres du corps enseignant et des corps d’inspection. Les élèves auraient peut-être été plus positifs si on avait pu – mais ça ne se fait pas – leur demander leur avis.

Qu’en est-il exactement ?

Début des années quatre-vingt, première tentative.

Tout d’abord, la Direction des Collèges, prend la précaution de rappeler et confirmer le caractère obligatoire de l’éducation artistique et culturelle dans les 4 niveaux : 6è, 5è, 4è, 3è. Cela dit, elle propose :

- En 6è et 5è, le maintien du statu quo à savoir 1h d’arts plastiques + 1h d’éducation musicale, chaque semaine ;

- En 4è et 3è, un changement facultatif. Les établissements sont invités - mais non obligés- soit à conserver le dispositif en vigueur (1h d’arts plastiques +1h d’éducation musicale) soit à offrir aux élèves la possibilité de choisir entre arts plastiques ou éducation musicale mais, cette fois, à raison de 2h hebdomadaires.

Les avantages sont évidents. Pour les élèves, le nombre total d’heures d’éducation artistique et culturelle, est maintenu mais il leur est permis de manifester désormais leurs préférences et motivations. Pour les professeurs, le service horaire global n’est ni augmenté ni réduit, mais ils travaillent avec des élèves plus motivés, selon des plages horaires plus substantielles favorisant une pédagogie approfondie. Prudente, la Direction des Collèges, s’assure le concours de l’inspection générale. Celle d’arts plastiques est séduite par la nouveauté. Celle d’éducation musicale, inquiète et réticente, accepte quand même de jouer le jeu d’autant qu’il ne s’agit que d’une expérimentation limitée à 200 collèges (sur 5 000 à peu près). Bien que dénoncée par les associations de spécialistes qui voient dans cette expérimentation une démarche sournoise du Pouvoir pour rendre, dans un deuxième temps, l’éducation artistique et culturelle facultative, le nouveau dispositif est mis en œuvre dans les collèges volontaires.

Les résultats posent problème. A l’évidence, les élèves se ruent vers les arts plastiques et boudent l’éducation musicale. Cette discipline se trouve dès lors menacée, ce qui inadmissible pour tous les responsables. Dans le même temps, le ministre change. Alain Savary, très intéressé par les innovations (qu’il multiplie) cède la place à Jean-Pierre Chevènement qui retourne aussitôt aux "fondamentaux" et "siffle la fin de la récréation de 1968" comme le déclare, approbateur, le président prestigieux d’une prestigieuse association de spécialistes.

Début des années deux mille, deuxième tentative.

Depuis 1984, huit ministres se sont succédés rue de Grenelle. La diversification des enseignements artistiques s’est poursuivie au lycée avec un réel succès. Le contraste n’en est que plus marqué avec le Collège où la seule nouveauté, les classes à PAC (projet artistique et culturel) lancées en force par Jack Lang n’ont rien changé à la situation des enseignements artistiques obligatoires. A plusieurs reprises il a été question d’assouplir les horaires, ce qui compliquerait la gestion des emplois du temps conçus par les équipes de Direction dont l’enthousiasme est limité. Le sursaut vient avec Luc Ferry et Xavier Darcos qui décident de reprendre la tentative Savary en la réactualisant. La possibilité de choix offerte aux établissements et aux élèves des classes de 4è et 3è est renouvelée et élargie. Les élèves pourront opter, comme précédemment, pour les arts plastiques ou l’éducation musicale mais aussi - comme au Lycée - pour les arts appliqués, le cinéma et audiovisuel, danse, théâtre. Le tout, se faisant à moyens constants et sur la base de l’expérimentation et du volontariat, ne pose pas de problèmes techniques et pédagogiques de mise en œuvre.

Par ailleurs, si l’opposition des inspections générales d’arts plastiques et d’éducation musicale est totale, l’appui du ministère de la Culture, qui voit d’un bon œil l’arrivée possible du cinéma et du théâtre, est tout autant déterminé. Luc Ferry et Xavier Darcos confirment donc leur volonté de progresser…mais perdent leur portefeuille quelques jours plus tard. La machine est stoppée. Une fois encore. Les "pour" se désolent. Les "contre"respirent. Les élèves n’ont rien su .

Comme le disait le spirituel Edgar Faure : "l’immobilisme est en marche, rien ne l’arrêtera. Comme d’habitude.

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →