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Education artistique et culturelle : les annonces ne préjugent pas des résultats (P. Baqué)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le dimanche 25 novembre 2012.

Pierre Baqué, dont la vie s'identifie au combat pour l'enseignement et l'éducation artistique et culturelle, et qui a participé à l'élaboration de toutes les politiques ministérielles en ce sens, de 1981 à 2008 (lire ToutEduc Les arts et la culture à l'école, un combat qui reste à gagner (Pierre Baqué)), nous adresse une tribune après la communication en Conseil des ministres du 21 novembre (lire ToutEduc L'enseignement artistique et culturel inscrit dans la loi d'orientation pour la refondation de l'école)

Du "Parler" et du "Faire"

Un nouveau Président de la République est élu, un nouveau gouvernement est constitué, un nouveau ministre chargé de l’Éducation nationale et un nouveau ministre chargé de la Culture sont désignés.
Auparavant cela arrivait tous les sept ans. Maintenant c’est tous les cinq ans. Beaucoup de choses ont changé dans notre République.
Sauf une.
De cette chose, on parle plus ou moins discrètement pendant la campagne électorale. Puis, l’élection passée, le silence officiel s’installe qui dure quelques mois. Et brusquement le Landerneau s’agite. La "chose" rejaillit, en gloire, fanfares et trompettes, quand on ne l’attendait plus.
Quelle que soit la majorité au pouvoir, cette valse à trois temps reste la même.

Mais au fait, de quelle "chose" s’agit-il ? Seuls quelques militants l’auront peut-être pressenti.
Foin de suspense.
Il s’agit de "l’Éducation artistique et culturelle", ou des "Arts et de la culture à l’École", ou de la "Formation artistique des jeunes", etc.
Toutes ces appellations, plus ou moins interchangeables se valent car elles sont suffisamment floues, souples et accueillantes pour que chacun y trouve son compte, y compris les responsables politiques chargés de ce dossier aussi lourd que léger, aussi fondamental qu’accessoire, aussi encombrant qu’incontournable.

***

Acte I
En cet automne 2012, les ministres en charge de ces domaines, celui de l’Éducation nationale et celui (celle) de la Culture, annoncent se saisir de la question comme l’ont fait régulièrement presque tous leurs prédécesseurs, de droite et de gauche, depuis 1981.
Ils se rencontrent au cours d’un déjeuner (de travail). Comme le Président de la république est réputé y tenir, à ce dossier, ils conviennent qu’il faut agir. Comment ?
Et bien, comme toujours, en commençant par nommer une commission ou un groupe de pilotage ou en demandant un rapport à une personnalité incontestable (c’est encore mieux pour gagner du temps !).

Acte II
Du côté de l’Éducation nationale, 800 personnes, toutes hautement qualifiées bien sûr, contribuent durant l’été à l’élaboration d’un rapport, "Le rapport de la concertation sur la refondation de l’École". (50 pages). Ce rapport traite de toutes sortes de points, plus importants les unes que les autres.
Il y est même question, en page 39, de l’Éducation artistique et culturelle abordée dans un petit paragraphe intitulé : "Une éducation culturelle, artistique et scientifique". Pourquoi scientifique ? Nouveau, mais sans suite car, quelques lignes plus loin, en page 40 , on n’en parle déjà plus.
On nous dit alors que "l’Éducation culturelle (cette fois elle n’est plus artistique) participe en effet d’une École qui encourage, qui valorise les réussites, qui contribue à l’estime de soi et qui construit la confiance ; une École du jeu et du plaisir ; une École de la diversité des situations d’apprentissage et des émotions esthétiques".
Tout cela reste un peu convenu même si plus bas on préconise :
- d’instaurer "une dimension culturelle dans chaque programme »,
- "de rendre possible des regroupements horaires",
- de rédiger "une charte nationale de l’intervention en milieu scolaire" et last but not least,
- de "redéfinir la place et le contenu de l’enseignement de l’histoire des arts"
Pas d’annonces fracassantes donc (c’est prudent) mais une confirmation que nous jugeons, nous, des plus importantes. Une  innovation récente (2008), fondamentale parce que républicaine et démocratique, fonctionnant à coût zéro et impliquant tous les acteurs du système éducatif, est reconduite. L’enseignement de l’histoire des arts est confirmé.
Qu’il nous soit ici permis d’en remercier les rédacteurs du rapport.

Acte III
Le mercredi 21 novembre 2012 les ministres de l’Éducation nationale Vincent Peillon et de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, font une communication au Conseil des ministres.
"L’objectif du Gouvernement, disent - ils, (mais c’est surtout Aurélie Filippetti qui parle) est de permettre à tous les jeunes, sur tous les territoires, d’accéder à l’art et à la culture, de la petite enfance à l’université. En collaboration étroite avec les collectivités territoriales, ce projet prioritaire entre dans une phase nouvelle, pour une mise en œuvre à la rentrée 2013."
Et plus loin, ils précisent que "le parcours d’éducation artistique et culturelle ( concernant tous les jeunes) comprendra trois volets complémentaires : les enseignements (dont l’histoire des arts), la pratique artistique et la rencontre avec des œuvres et des artistes".

Ne perdant plus une minute, Aurélie Filippetti met en place, le même jour, le "Comité de pilotage de la consultation nationale sur l’éducation artistique et culturelle", présidé par un écrivain, Marie Despléchin. Censé remettre ses conclusions et préconisations à la fin de cette année civile. Il comporte une vingtaine de membres et procède aux consultations d’usage.

***

Ces divers textes reprennent nombre de déclarations officielles jalonnant les politiques éducatives de la gauche comme de la droite depuis des décennies. Par exemple :
- Ils soulignent que l’objectif légitime de la "généralisation" (tous les élèves de tous les niveaux sont concernés) est toujours visé…(et le sera longtemps encore).
- Ils confirment l’importance d’un partenariat tripartite associant les deux ministères et les collectivités territoriales (deuxième contributeur budgétaire après l’Éducation nationale), partenariat jamais remis en cause depuis trente ans.
- Ils rappellent que l’articulation pédagogique traditionnelle, "théorie/pratique ", ici déclinée en trois composantes, constitue le socle permanent de la formation artistique et culturelle des jeunes, "de la maternelle à l’université" comme on disait en 1968.

Les esprits chagrins ne manqueront pas de dénoncer ces "non-nouveautés". Ils ajouteront que rien ne change, que l’on continue à ressasser et que tout reste fragile.
Nous pensons qu’ils auraient tort de s’en tenir à ces facilités.
Le travail d’exploration entamé cet été, rue de Grenelle, et relancé en novembre, rue de Valois, débute à peine. Le calendrier n’a pas permis aux ministres concernés de dire ce qu’ils retenaient déjà ou retiendraient plus tard des propositions faites, ni de ce qui sera pris en compte par la future loi sur l’Éducation.
À ceux encore que la modestie apparente des pistes indiquées déçoit, on rappellera que le chemin à suivre est  "montant, sablonneux, malaisé. Et de tous les côtés au soleil exposé", qu’en matière d’art et de culture à l’École, maintenir et conforter, surtout en période de crise, alors que les grandes priorités sont ailleurs, c’est presque… avancer.
Reste que les premières annonces sont assorties d’une précision importante : la mise en œuvre effective débutera à la rentrée 2013.

On jugera alors des réalités et non plus des promesses.

(À suivre)

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