Apprentissage : le contrôle de la qualité des CFA est très limité (IGESR et IGAS)
Paru dans Scolaire, Orientation le mardi 28 mai 2024.
La loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel" a profondément modifié le pilotage et le financement de la formation par apprentissage, constate une mission d'inspection générale réunissant IGESR et IGAS qui s'interrogent notamment sur le contrôle pédagogique des formations par apprentissage, leur rapport portant sur l'ensemble du champ de la formation professionnelle.
En ce qui concerne donc l'apprentissage, les rapporteurs constatent que les régions ont perdu "leur pouvoir de régulation du marché", qu'il s'agisse de l’ouverture ou de la fermeture des CFA et des sections d’apprentissage. Alors que le contrôle des formations était assuré par le SAIA, le service académique de l’inspection de l’apprentissage, placé sous l’autorité du Recteur, "les contrôles administratifs et financiers relèvent désormais des opérateurs de compétences (OPCO) créés par la loi de 2018. Le contrôle pédagogique "reste de la compétence des ministères certificateurs pour leurs diplômes" et la loi a créé les MCFPA, les missions de contrôle pédagogique pour les formations par apprentissage. Par rapport au SAIA, leurs compétences sont réduites : "contrôle des dimensions pédagogiques uniquement, pas de rôle d’accompagnement spécifique et pas de mission d’appui au pilotage".
Le ministère de l’Agriculture a prévu qu'un coordonnateur "doit être nommé par le doyen de l’inspection de l’enseignement agricole" et a donc opté pour un fonctionnement centralisé de la mission, "contrairement au choix opéré par d’autres ministères". Mais "au 1er septembre 2023, aucun contrôle n’a été réalisé par le ministère de l’Agriculture depuis 2021".
Un arrêté du 3 juillet 2019 définit les modalités de fonctionnement de la MCPFA pour les diplômes relevant du champ de la jeunesse et des sports. "Ce cadre ne comporte cependant pas d’indicateurs ou de critères associés" et "16 contrôles pédagogiques ont été réalisés en 2022". "Dans un cas, cela a abouti à la suspension de (l') habilitation (...) obligatoire pour dispenser des formations dans le champs de la jeunesse et des sports."
Quant à l'Education nationale, elle a publié en 2019 une circulaire relative au fonctionnement de la MCPFA, remplacée par une autre circulaire en 2023 : "Le cadre réglementaire proposé par les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur est le plus complet des cadres réglementaires existants (...). Ce cadre ne comporte cependant pas d’indicateurs ou de critères observables précis ni ne donne d’exemples d’éléments de preuve. Il laisse ainsi une marge d’autonomie aux académies", et l'organisation de la mission varie d'une académie à l'autre. "Dans 7 régions académiques, la MCPFA (...) est installée et reconnue, avec parfois un rôle élargi. Inversement, dans certaines régions, l’existence d’un système d’assurance qualité n’existe pas, et la MCPFA n’est parfois pas installée (...). Au 1er janvier 2023, 24 académies sur 30 avaient réalisé au moins un contrôle pédagogique, ce qui témoigne de la mise en place effective des missions de contrôle (...). Le nombre de contrôles menés par l’ensemble des missions de contrôle pédagogique est en constante augmentation. Il était de 31 en 2021, 125 en 2022 et 153 au premier semestre 2023 (...). Le nombre de contrôles réalisés représente 0,3 % des formations existantes par apprentissage (...). Peu nombreux et sans conséquences avérées, (ils) ne constituent pas, à ce stade, un effet signal suffisant pour impacter durablement les pratiques et la démarche qualité dans les centres de formation, particulièrement les centres de formation privés." Les inspecteurs généraux proposent d'ailleurs "une modification du cadre réglementaire pour permettre des sanctions en cas de défaillances avérées".
Ils estiment de plus que "la qualité de l’accompagnement des apprentis pourrait être renforcée en insistant sur l'obligation des CFA d'accompagner les démarches de recherche de contrat d'apprentissage, d’assister le parcours en entreprise avec la désignation d’un référent entreprise au sein de l’organisme de formation, et d’appuyer les apprentis en situation de handicap en s’assurant que le référent handicap ait a minima suivi une formation dédiée et mène des actions à ce sujet".
A noter que le rapport est particulièrement sévère pour la certifcation Qualiopi des organismes de formation qui "ne fait pas l’objet d’une supervision suffisante, ce qui a permis des fraudes".
Le rapport "Analyse du système de qualité de la formation professionnelle en France" est téléchargeable ici, l'analyse détaillée du contrôle des CFA se trouve dans le tome II (annexes), pages 150 à 172.