Elèves en difficulté pour apprendre à lire : la RAI, "réponse à l'intervention" n'est pas la panacée (revue de la littérature américaine)
Paru dans Scolaire le mercredi 27 décembre 2023.
La "réponse à l'intervention" est née aux Etats-unis au début des années 2000, chercheurs et politiques étant insatisfaits du traitement de la difficulté scolaire. Il s'agit d'un "cadre d'interprétation de la difficulté scolaire fondé sur la manière dont l'élève répond à l'enseignement dispensé", c'est aussi "une procédure d'aide déclenchée à la suite d'une 'réponse' insuffisante d'un élève", explique Caroline Virlot-Goeldel (UPEC et Paris 8) dans une note de synthèse publiée dans le dernier numéro de la Revue française de pédagogie. La chercheuse propose une revue de la littérature scientifique nord-américaine sur ce dispositif souvent évoqué en France depuis quelques années, et qui se situe "dans le paradigme de l'éducation basée sur la preuve".
Il vise à "intégrer l'élève dans des dispositifs d'aide successifs d'intensité croissante mettant en oeuvre des interventions validées par la science". Il est symbolisé par une pyramide à trois niveaux, la base "représente ce dont bénéficie l'ensemble des élèves, "un enseignement de la lecture efficace", les interventions de niveau 2 s'adressent à des élèves "dont les progrès se situent en deçà de ce qui est normalement attendu en réponse à l'enseignement reçu de niveau 1", et comprennent "3 à 4 séances hebdomadaires de 20 à 40 minutes durant 10 à 15 semaines, dispensées à un petit groupe d'élèves par un enseignant ou un intervenant spécialisé". Les dispositifs mis en place peuvent être "hautement standardisés" et proposer aux enseignants "des scripts détaillés de chaque séance", ils mettent en oeuvre des programmes "evidence based". Le niveau 3 concerne moins de 10 % des élèves, les séances sont quotidiennes, durent 20 à 50 minutes durant 20 semaines, elles sont individuelles et dispensées par des spécialistes. Caroline Virlot-Goeldel a trouvé peu d'indications sur les "spécialistes" chargés de ce niveau.
Efficacité à court terme
Selon trois méta-analyses, ces dispositifs seraient "efficaces", avec un effet de 0,3 à 0,4 écart-type. "Cela étant, les effets des dispositifs sont pour l'instant encore décevants à long terme", "il ne reste qu'un faible effet de l'intervention en conscience phonologique, étude du code, fluence ou compréhension après 11 mois (...). La revue de la littérature internationale amène à formuler des réserves quant à l'efficacité du niveau 3 de l'aide", et c'est d'autant plus vrai avec le "passage à l'échelle" : une étude portant sur les élèves de 146 écoles révèle "des effets négatifs sur les performances en lecture en première année de primaire et non significatifs au 2ème et 3ème année", ce qui amène certains à s'interroger : Comment un dispositif fondé sur les principes issus de la recherche (...) peut-il être inefficace ? Prenant en compte divers biais, l'autrice considère qu'il "semble difficile de statuer de manière univoque sur l'efficacité de la RAI.
Et elle s'interroge sur la situation en France : "30 % des élèves de CP les plus faibles en lecture ne reçoivent aucune aide supplémentaire à celle apportée par le maître en classe" du fait des inégalités d'accès aux RASED (réseaux d'aide spécialisée aux élèves en difficulté). Sa conclusion est favorable à la RAI, malgré la difficulté de savoir "s'il s'agit d'un concept porteur ou une simple bulle conceptuelle à l'intérêt largement surestimé" : elle "présente l'avantage de proposer d'apporter aux élèves une réponse scolaire dans le cadre de l'école et d'en contrôler l'efficacité".
"La réponse à l'intervention, un référentiel dans la lutte contre les difficultés de lecture", Caroline Viriot-Goeldel, in Revue française de pédagogie n° 219, pages 91 à 127.
A noter : sur la distinction entre efficacité à court et à moyen termes, voir aussi ToutEduc ici