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“Ce qui m'intéresse, c'est la progression qualitative des PFMP sur lesquelles les organisations syndicales m'ont interpellée“ (Carole Grandjean au Sénat)

Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 16 novembre 2022.

“Je pense que l'attractivité viendra quand le taux d'insertion sera, comme dans certains diplômes, à près de 80 %“ estimait Carole Grandjean lundi 14 novembre alors qu'elle répondait aux sénateurs qui l'interrogeaient sur la réforme en cours de la voie professionnelle. Ceux-ci ont pointé le flou de certaines propositions, les conséquences de l'augmentation des PFMP sur les enseignements fondamentaux, la difficulté de trouver des entreprises pour effectuer ces périodes de formation ou encore la concurrence entre apprentissage et voie scolaire dans certains territoires.

Ils ont également dénoncé un “détricotage de la voie professionnelle“, son caractère “budgétaire“, une “remise en cause du statut de l'enseignant de lycée professionnel“, et, plus globalement, le manque de réponses concrètes de la part du gouvernement sur les questions que se posent différents acteurs, au premier rang desquels les organisations syndicales.

La ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels estime que le lycée professionnel “ne joue pas suffisamment son rôle d'insertion professionnelle de l'élève“, et que la situation actuelle est “source de frustation pour les jeunes, les familles et professeurs“. Ainsi “un sentiment de déclassement, d'être méprisé par un système qui semble punir des enfants en difficulté nourrit le ressentiment et l'échec“, déclare Carole Grandjean.

Et si les difficultés “sont bien souvent préalables au lycée professionnel“, “c'est au système d'évoluer, ce n'est pas aux élèves, ce n'est pas à leur famille, ce n'est pas aux enseignants“. De même, l'organisation pédagogique actuelle “ne prend pas suffisamment en compte les mutations économiques, les réalités des difficultés des élèves, les défis des territoires et ne s'adaptent pas assez aux trajectoires et profils et des élèves“.

Quant aux formations, elles sont “insuffisamment tournées vers l'emploi, avec des diplômes parfois en décalage, sans débouchés, sans niveau pertinent de qualifications avec un référentiel qui est dépassé“. D'ailleurs les formations post bac “sont inadaptées, les BTS préfèrent recruter des bac généraux et technologiques et ne sont pas adaptés aux sortants de bacs pros“, ajoute-t-elle. La carte des formations est “parfois déconnectée du marché du travail avec de nombreuses formations tertiaires qui ne sont pas suffisamment insérantes“ tandis que “les plateaux techniques et les efforts déployés pour la reconversion des enseignants se révèlent souvent mal connectés aux réalités économiques“. La préparation au monde professionnel “n'est pas suffisante et n'offre pas aux jeunes la maîtrise nécessaire des codes de l'entreprise ou des techniques de recherche d'emploi pour s'insérer efficacement dans le monde du travail“.

Carole Grandjean fixe dès lors trois objectifs à cette réforme, à commencer par réduire le nombre de décrocheurs. Elle veut “éviter cette fuite des élèves qui ne trouvent pas leur place“ dans les lycées professionnels, lesquels "héritent de difficultés liées à la fois aux fragilités personnelles des élèves et au manque de souplesse des parcours de formation“. Elle souhaite faire progresser le taux d'insertion dans l'emploi et sécuriser les poursuites d'étude et elle a pour le lycée “la même ambition que pour l'apprentissage“, il faut “investir dans les lycées pros“ en accompagnant “l'amélioration de la formation initiale et continue des professeurs eux-mêmes et construire des formations d'avenir“, mais également une “multiplication des PFMP combinée à la gratification des élèves pour ces périodes“.

Répondant aux questions des sénateurs, elle indique que le lycée professionnel “concerne des élèves de plus en plus jeunes, pas forcément en âge et en maturité pour rentrer dans des dispositifs d'apprentissage“, elle ne veut pas mettre en concurrence deux dispositifs qui “doivent pouvoir trouver une réponse et une place complémentaire“, notamment par des passerelles qui permettraient aux élèves “de s'ajuster“ en fonction de leur maturité lors de leur parcours.

Son objectif est “clair", à savoir “transformer structurellement le lycée pro pour qu'il y ait un accompagnement plus intensif, plus individualisé qui doit permettre à l'élève d'être en réussite“. Pour y arriver, le quatrième groupe de travail doit permettre de “donner des marges de manœuvre, favoriser les inititatives tout en gardant le caractère national du diplôme“, il s'agit “d'être en concertation avec les chefs d'établissement et de leur donner la capacité à agir, à impulser, à adapter les solutions par rapport à leurs élèves“.

La sécurisation de la poursuite d'études d‘élèves “fragilisés“ a également été évoquée. La ministre constate qu'ils “ont plus de mal à entrer dans les études supérieures, et quand ils y entrent, ils ont plus de mal à obtenir le diplôme“, CAP et Bac pros “doivent permettre une insertion directe et aussi une poursuite d'études lorsque le jeune le souhaite et que le métier le requiert“.

Elle insiste : “préparer un diplôme suppose une personnalisation qui porte aussi bien sur les enjeux techniques que sur les compétences psychosociales, rapproche aussi bien les enjeux de formation dans l'établissement qu'en entreprise“. Sur ce sujet, “aucune piste n'est écartée“ par exemple un accompagnement post-diplôme, une année ou quelques mois de scolarité supplémentaires avant le monde du travail, la poursuite d'études, des modalités permettant de faire plus de stage en entreprise..

Quant aux territoires, ils “doivent pouvoir proposer une offre  de formation qui soit à la fois large pour offrir des perspectives en lien avec besoins des entreprises et du bassin d'emploi, mais aussi offrir un choix de diplômes pour un élève qui pourrait être utilement éclairé à travers l'orientation en amont et l'accompagnement régulier au cours de la formation“.

La synergie entre carte des formations et besoins économiques “ne se travaille pas sur du court terme, mais parce qu'il y a des enjeux de projection dans l'emploi, parce qu'il y a des mutations économiques à venir“. Elle se prépare “en formant les enseignants, en préparant les plateaux techniques, les liens avec les entreprises“. Et de poursuivre : “Si le lycée professionnel ne s'empare pas de ces défis, il laisse la place à d'autres acteurs (...). Un travail sur le choix de chacune des formations proposées, l'employabilité à l'issue de l'obtention du diplôme doit être mené en collaboration avec les Régions.“

La ministre déléguée insiste sur sa volonté qu'il n'y ait “pas de diminution des heures d'enseignement général de CAP et bac pro“ mais elle veut “faire mieux“, ce qui passe par l'ajustement des modalités pédagogiques pour accompagner les jeunes“. Elle évoque des dispositifs comme "1 jeune 1 mentor" qui peuvent être aussi des solutions de soutien et accompagner des équipes pédagogiques.

L'évolution des PFMP a été largement questionnée. Pour Carole Grandjean, “plus un jeune fréquente l'entreprise plus il a de chances de s'y insérer durablement“. Et ce qui l'intéresse, “c'est la progression qualitative des PFMP sur lesquelles les organisations syndicales éducation (l)'ont interpellée“. Il ne faudrait pas nier la capacité du gouvernement “à faire participer l'ensemble des acteurs du monde éducatif, de la formation, de l'emploi pour co-construire une réforme qui doit être systémique, progressive, ambitieuse et au service des élèves“. Elle ajoute que l'intérêt du rapprochement école entreprise est "démontré scientifiquement“ et elle cite “des études qui montrent que ce rapprochement est une des conditions d'une meilleure insertion, que faire un stage est un signal positivement perçu par l'employeur, qui permet aux élèves d'accueillir de nouvelles compétences“.

“Cette réforme elle n'a pas pour objectif de faire des économies“, assure enfin la ministre déléguée, son objectif au travers de cette réforme “est d'investir davantage“, de façon massive.

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