Les évaluations en classe “ne renseignent que partiellement sur les acquis des élèves“ (Conseil d'Evaluation de l'Ecole)
Paru dans Scolaire le mardi 06 septembre 2022.
Le ministère de l'Education nationale a publié sur son site internet le bilan 2021 du Conseil d'évaluation de l'école (CEE), dans lequel sa présidente Béatrice Gille évoque “une nouvelle étape“ de son développement : “Fort de la volonté de créer une nouvelle dynamique d’évaluation en France au sein du système éducatif qui doit lui permettre de consolider sa méthode et ses ambitions, il s’engage à renforcer encore le lien qu’il souhaite entretenir avec les citoyens, pour une compréhension éclairée de ce qui structure notre École.“
Opérateurs d'évaluation
Un formulaire de codage des évaluations produites par le ministère a été élaboré et testé pour, à terme, “les cartographier de façon rigoureuse“, et le CEE s’est lancé avec la Depp et l’Inspection générale dans l’écriture de normes professionnelles communes, apprend-on dans ce bilan. Pourtant si ces derniers sont “logiquement les principaux opérateurs d’évaluation, leur programme de travail et les sollicitations des cabinets ministériels ne laissent que peu de place pour des évaluations complètes de politiques publiques“, poursuit-il. Et le service statistique de l'Education nationale comporterait en outre “une frontière pas toujours nette entre les missions de contrôle, d’impulsion, d’accompagnement et de suivi des réformes.“
Plus globalement, le CEE considère que les acteurs et opérateurs d’évaluation des politiques publiques éducatives “sont nombreux, qu’ils soient internes au système scolaire (IGÉSR, Depp, autres directions d’administration centrale, services académiques) ou externes (Assemblée nationale, Sénat, Cour des comptes, laboratoires universitaires de recherche, etc.)“, mais s’ils “apportent chacun leur contribution à l’évaluation globale du système éducatif, celle-ci demeure limitée, la complémentarité de ces études n’étant pas formalisée.“
Evaluation des établissements
Du fait de la crise sanitaire, alors que 1 200 évaluations étaient programmées sur l'année scolaire 2020-2021, seules 700 ont été menées à terme, un retard en partie rattrapé entre septembre à décembre 2021 avec 250 évaluations supplémentaires.
Le CEE indique que le profil des établissements retenus pour la campagne 2021-2022 “est représentatif des établissements de France (hors collectivités d’outre-mer)“, y compris concernant l’éducation prioritaire, où la répartition des collèges REP et REP+ est proche de la répartition nationale pour les collèges publics.
Privé sous contrat
Alors que les établissements privés sous contrat entrent dans le processus d’évaluation, ainsi que le prévoit la loi (11 % d’entre eux sont concernés en 2021-2022), certaines académies ont fait le choix d’une approche négociée ou d’une logique d’expérimentation avec un nombre d’évaluations relativement faible (4 à 6 % des établissements privés de l’académie), tandis que d’autres “ont été plus volontaristes et le pourcentage d’établissements privés approche les 20 %". Quelques académies ayant un faible nombre d’établissements privés sous contrat ont repoussé leur participation à l’année 2022-2023.
2nd degré
La deuxième campagne d’évaluation des établissements du second degré a été engagée en septembre 2021. La programmation prévisionnelle porte sur plus de 2 000 établissements publics et privés sous contrat et permet d’envisager, après le retard pris en raison de la pandémie de Covid-19, “l’évaluation de l’ensemble des établissements du second degré d’ici 2025". A cela s'ajoutent 14 établissements agricoles qui se sont intégrés au processus d’évaluation au cours de l’année scolaire 2021-2022, avec l’objectif d’évaluer 80 à 100 établissements par an. Une réflexion est en cours pour associer les maisons familiales rurales (MFR).
1er degré
Les travaux préparatoires ont permis au CEE d’élaborer et de voter le cadre d’évaluation des écoles en janvier 2022, actuellement mis en œuvre dans toutes les académies. Le modèle d’évaluation des écoles a tenu compte des données et caractéristiques du premier degré, où les écoles ont une gouvernance spécifique (pas le même statut juridique des établissements publics locaux d’enseignement), sont très nombreuses sur le territoire national (50 000) et très diverses (un tiers d’entre elles ont trois classes ou moins).
Ainsi pour permettre une évaluation régulière au rythme du renouvellement des projets d’école (5 ans), le CEE “propose de procéder par regroupements d’écoles de manière à garantir la soutenabilité de la démarche“, avec une confection “ayant du sens sur le plan pédagogique“, une opération “essentielle“ pour laquelles “l’expertise de l’inspecteur de l’éducation nationale de la circonscription est particulièrement sollicitée“.
D'ailleurs, ces regroupements ne répondent pas seulement à un impératif de soutenabilité de la démarche mais constituent souvent “une réponse au relatif isolement dans lequel se trouvent certaines petites écoles, en particulier en milieu rural. En ce sens, les regroupements, lorsqu’ils répondent à des logiques pédagogiques clairement identifiées, favorisent la coopération entre les écoles et leurs équipes.“
Près de 150 sites ont été retenus pour l’expérimentation du projet de cadre d’évaluation des écoles (en 2021). Le CEE note qu'en plus du Covid-19, la nouveauté du dispositif et sa nécessaire appropriation “ont pu accentuer un sentiment de manque de temps, exprimé par certains acteurs de terrain“, même si “l’expérience du second degré montre que les effets d’apprentissage permettront une réalisation progressivement plus efficace des évaluations".
L’expérimentation a aussi montré la difficulté à associer toutes les parties prenantes, en particulier les élèves, trop peu intégrés à la phase d’auto-évaluation. Au mieux, ce sont les élèves de cycle 3 qui ont été sollicités, mais guère ceux du cycle 2, ni les plus petits. Sur ce sujet précis, le groupe de travail a sollicité des expertises scientifiques avec l’objectif d’aboutir, en plus des questionnaires, à des préconisations adaptées aux plus jeunes en matière de recueil de la parole et du ressenti des élèves.
Evaluation des acquis
Concernant l'évaluation des acquis des élèves justement, le CEE a constaté que l’écosystème des évaluations n’était “pas très lisible“ en raison de la multiplicité des concepteurs et des opérateurs, d’une exploitation insuffisante de la diversité et de la qualité des évaluations des acquis des élèves, ainsi que d’évaluations dans la classe et d’un contrôle continu peu construits collectivement. De plus, celles-ci “ne renseignent que partiellement sur les acquis des élèves, leurs usages restent parfois limités au plan pédagogique et elles sont de plus en plus contestées dans leurs finalités".
Le bilan 2021 du CEE ici