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AEFE et paritarisme : le Conseil d'Etat donne raison à la FSU (une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le dimanche 04 septembre 2022.

Soucieuse de gommer en partie le particularisme du droit de la fonction publique par raport au droit du travail, la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique apporte diverses évolutions importantes dans son domaine d’intervention : en particulier, elle accroît les possibilités pour l’administration de recourir à des agents contractuels et elle affaiblit le rôle dévolu aux commissions administratives paritaires dans la gestion des personnels : celles-ci perdent leur compétence d’avis sur les décisions de recrutement et leur consultation ne reste obligatoire qu’à propos des décisions individuelles défavorables aux agents.

L’agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) s’est rapidement engagée dans la voie ainsi tracée, en faisant en particulier, malgré une opposition syndicale farouche, modifier l’article D. 911-43 du Code de l’éducation par un décret n° 2022-896 du 16 juin 2022 en y enlevant toute référence à l’avis obligatoire de la commission consultative paritaire centrale et des commissions consultatives paritaires locales de l’AEFE dans les procédures de détachement des personnels expatriés.

Les derniers recrutements qui ont eu lieu l’ont donc été sans consultation des commissions. La FSU soutenait cependant que la consultation restait obligatoire, dans la mesure où elle est imposée par le 3ème alinéa de l’article L. 452-5 du Code de l’éducation : "L’agence assure (…) le choix, l’affectation, la gestion des agents titulaires de la fonction publique placés en détachement auprès d’elle, après avis des commissions consultatives paritaires compétentes (…)". Une simple modification du décret ne pouvait remettre en cause l’applicabilité de cette disposition législative. Devant le refus persistant de l’administration de l’entendre,  la fédération syndicale a donc saisi le Conseil d’Etat d’un recours accompagné d’une demande de référé suspension.

Dans une ordonnance du 23 août 2022, le juge des référés du Conseil d’Etat donne raison au syndicat. En constatant que l’agence ne consulte plus les commissions depuis l’entrée en vigueur du décret attaqué, il estime que le moyen soulevé par la FSU doit être regardé "comme propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision".

Le juge admet aussi la réalité de l’urgence. Bien que l’administration ait été mise en garde sur les risques que présenterait l’absence de consultation des commissions pour la sécurité des recrutements en cours, elle avait choisi d’appliquer le nouveau décret dès le début juillet lors des premiers recrutements entamés. Mais le juge estime qu’elle "ne se trouve pas dans l'impossibilité matérielle d'organiser les consultations des commissions consultatives paritaires dans un délai compatible avec l'organisation de la rentrée scolaire et la prise de fonctions de ces personnels. Il en résulte, d'une part, que les conclusions à fin de suspension conservent un objet pour les mesures relatives aux recrutements pour la rentrée 2022-2023, et présentent un caractère d'urgence, et d'autre part, que l'administration n'est pas fondée à soutenir que l'intérêt général ferait obstacle à ce que ces dispositions attaquées soient suspendues en tant qu'elles abrogent l'obligation de consulter ces commissions, du fait de l'incompatibilité alléguée de cette suspension avec l'organisation de la rentrée scolaire."

L'administration invoquait le fait qu’elle avait mis en place diverses modalités de concertation en créant par exemple des groupes de travail intégrant les membres des commissions consultatives paritaires locales, Mais, dit le juge, ces consultations, "organisées de façon informelle, ne présentent pas les mêmes garanties pour les personnels concernés que la procédure de consultation prévue par la loi et ne sauraient en tenir lieu". La suspension réclamée est donc accordée : l’obligation de consulter les commissions est rétablie, y compris pour les détachements décidés en juillet, sur lesquels l’administration doit revoir sa copie.

André Legrand.

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