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Scolarisation des moins de 3 ans : le Conseil d'Etat précise les règles (une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le lundi 06 juin 2022.

Trois familles du Morbihan souhaitaient faire inscrire leurs filles, nées en 2019 et âgées de deux ans et demi au moment des faits, dans l’école maternelle de Pluneret. Elles étaient soutenues par la FCPE dans cette démarche et avaient obtenu un accord des instances de l’Education nationale. Mais le maire de la commune, seul compétent pour accepter ou refuser l’inscription d’un enfant dans une école de sa commune, avait refusé les inscriptions pour l’année 2021-2022. Les familles avaient saisi le juge des référés du TA de Rennes en demandant la suspension de l’exécution de ces décisions de refus. Elles l’avaient obtenu par trois ordonnances du 26 août 2021, le juge enjoignant en outre au maire d’inscrire à titre provisoire les trois enfants dans l’école maternelle concernée et les fillettes ont pu de ce fait entamer leur scolarité. Le maire a saisi le Conseil d’Etat en cassation d’un recours contre ces ordonnances.

Le Conseil d’Etat lui donne satisfaction dans une décision du 1er juin 2022. Il commence par annuler les trois ordonnances du juge de Rennes en leur reprochant un traitement déséquilibré des parties en présence, constitutif selon lui d’une erreur de droit et d’une insuffisance de motivation. Le juge du TA, relève le Conseil, "s’est borné à relever que les décisions litigieuses retardaient de façon irréversible l’accès des enfants aux premiers apprentissages scolaires et préjudiciaient ainsi de manière suffisamment grave et immédiate à leurs intérêts, sans tenir compte de l’argumentation en défense, qui n’était pas inopérante, de la commune de Pluneret, relative à l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait, eu égard notamment à l’absence de projet éducatif propre à l’accueil des enfants n’ayant pas atteint l’âge de l’obligation scolaire, de locaux et de matériels adaptés, d’accueillir dans de bonnes conditions en classe de très petite section de maternelle les enfants âgés de moins de trois ans".

Evoquant l’affaire, le Conseil d’Etat rappelle les règles applicables à la situation des enfants qui ne sont pas encore soumis à l’obligation scolaire, dont on sait qu’elle a été élargie par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance et abaissée de six à trois ans, et en particulier l’article L. 113-1 du code de l’éducation. Mais cet arrêt, qui aurait pu n’être que le rappel banal des règles en la matière et ne constituer qu’un non-évènement, est entouré d’une motivation qui mérite de retenir l’attention et lui confère une certaine importance.

hic et nunc

Le Conseil d’Etat rappelle que l’accueil des élèves de deux à trois ans, qui ne bénéficient pas de l’obligation scolaire, ne constitue pas un droit. Mais les textes n’en prévoient pas moins les conditions de son organisation lorsqu’il est possible (priorité aux zones socialement défavorisées en particulier) et il en résulte que, contrairement à ce qu’affirme la FCPE dans son communiqué de presse, le maire n’est pas libre d’accepter ou de refuser des enfants au simple gré de ses humeurs, de sa fantaisie ou de ses idées personnelles sur l’éducation. "Le maire ne pouvait légalement (pas) refuser par principe d’admettre à l’école maternelle les enfants âgés de moins de trois ans en invoquant des considérations générales relatives au bien-être de l’enfant et à la ‘bienveillance éducative’."

Le Conseil d’Etat va même plus loin, en affirmant que l’invocation de l’argument selon lequel les enfants de moins de trois ans n’ont pas un droit à l’accueil ne suffit pas, à lui seul, à justifier un refus. Le maire est donc tenu de procéder à un examen circonstancié de la situation locale, le cas échéant en lien avec les services de l’éducation nationale et il doit fonder sa décision sur des considérations objectives. En l’espèce, le Conseil estime que tel est le cas du fait de "l’absence de projet éducatif relatif à l’accueil des enfants non encore soumis à l’obligation scolaire et (de) l’insuffisance des moyens humains et matériels nécessaires à l’accueil de ces très jeunes enfants".

Cette obligation de procéder à une analyse hic et nunc est susceptible de provoquer en effet un risque de rupture chronologique dans les décisions administratives, signalé par le Conseil. Des candidats peuvent en effet être refusés, alors même que de tels enfants étaient accueillis au cours des années scolaires précédentes. On peut par exemple penser à l’effet de nombre. Si celui des enfants de moins de trois ans relève de l’ordre de l’unité, l’accueil ne pose pas les problèmes qu’on rencontrera lorsque le chiffre augmente.

Il ne s’agit pour l’instant que d’une décision rendue dans le cadre d’une procédure de référé. Attendons donc de voir celle que le TA prendra lors de l’examen au fond et ses suites éventuelles.

 

André Legrand.

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