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La Mission laïque française fête ses 120 ans. Jean-Marc Merriaux évoque ses perspectives (interview exclusive)

Paru dans Scolaire le mardi 01 mars 2022.

La Mission laïque française fêtera ses 120 ans à Rabat début mai. Jean-Marc Merriaux, qui en a été nommé directeur général le mois dernier (voir ToutEduc du 17 janvier, ici), évoque pour ToutEduc les perspectives du réseau.

ToutEduc : L'école "à la française" fait-elle rêver à l'étranger ?

Jean-Marc Merriaux : Oui, dans la mesure où elle allie tradition et modernité. Outre la transmission d'une culture, de valeurs d’humanisme, de citoyenneté, et de laïcité, l’école française sait proposer des innovations pédagogiques, l’accompagnement de nouvelles pratiques, des apprentissages qui garantissent la différenciation et l'inclusion d'enfants porteurs de handicap, ce qui peut être important pour des parents expatriés, mais aussi pour des familles du pays. Or, contrairement aux établissements de l'AEFE dont la majorité des élèves sont français, nos élèves sont des enfants du pays dont les familles souhaitent qu'ils bénéficient d'une attention spécifique, d'une pédagogie différenciée. Les familles peuvent aussi être intéressées par la pédagogie laïque de nos enseignements.

ToutEduc : Quels sont vos autres principaux atouts ?

Jean-Marc Merriaux : La maternelle et le baccalauréat. La maternelle permet aux enfants d'apprendre très tôt le français en plus de leur langue maternelle, et donc d'entrer dans une logique plurilinguistique, une de nos forces. Mais ensuite, nous devons garder ces élèves qui, au niveau du collège, en 4ème souvent, peuvent être tentés de rejoindre le système anglophone pour avoir accès aux grandes universités anglaises ou américaines. La création du BFI (baccalauréat français international), qui constitue une alternative au IB (international baccalaureat) va les inciter à rester dans la mesure où il est reconnu par les établissements de la Ivy league (qui réunit les plus prestigieuses universités américaines de la côte Est, ndlr) et bien d'autres. Sa dimension plurilinguistique, avec trois langues, est aussi un atout.

Autre atout pour les établissements français à l'étranger, les compétences du xxième siècle, nous allons travailler avec l’Onisep pour accompagner le déploiement de leur nouvelle plateforme, pour accompagner l’identification et la reconnaissance de ces compétences. Nous l’avons déjà fait à travers le déploiement de Pix, outil de certification des compétences numériques.

ToutEduc : Vous étiez il y a quelques jours à Abidjan pour les journées portes ouvertes du CDP (Centre de développement professionnel des métiers de l’éducation et de la formation).

Jean-Marc Merriaux : CDP signifie aussi Centre Pierre Deschamps, en hommage au créateur de la Mission laïque, en 1902. La formation des enseignants est en effet un de nos axes de développement, qu'il s'agisse de nos personnels, Français recrutés localement mais aussi des enseignants du pays. C'est le fruit d'une réflexion lancée depuis 6 ans, et nous avons actuellement deux centres, au Maroc et en Côte d'Ivoire, mais nous pouvons envisager d'autres développements, notamment en nous appuyant sur notre plate-forme de formation à distance. La formation fait partie de nos missions, c’est inscrit dans les statuts de l’association. Il est trop tôt pour dire si elles contribueront, et dans quelle mesure, à notre modèle économique, mais elles sont amenées à prendre beaucoup de place, à constituer un second pilier de notre activité. De son côté, l'AEFE crée des IFR, instituts de formation régionaux, complémentaire à notre proposition de formation. La demande est bien réelle.

ToutEduc : Le président Macron a demandé aux deux opérateurs, l'AEFE et vous-même, de doubler le nombre des élèves accueillis dans vos établissements. En avez-vous les moyens ?

Jean-Marc Merriaux : Créer de nouveaux établissements constitue une charge très lourde pour une association comme la MLF. Nous reconstruisons actuellement un lycée que nous gérons "en pleine responsabilité" à Alexandrie, et c’est un investissement très conséquent. C’est la raison pour laquelle, nous ne pouvons pas multiplier la construction de nouveaux établissements, nous devons construire d’autres types de partenariats.  Dans des pays où nous sommes très bien implantés, et c'est le cas en Egypte, des investisseurs privés peuvent construire une école et nous donner un mandat de gestion. Dès lors, c'est bien le modèle scolaire français, laïc, qui est mis en œuvre. C’est à travers de nouvelles formes de partenariat que nous réussirons à faire grandir le nombre d’élèves qui suivront un enseignement français à l’étranger.

ToutEduc : Quels sont les effectifs de la Mission laïque française ?

Jean-Marc Merriaux : Actuellement, la MLF est implantée dans 39 pays où elle compte 108 établissements, dont 32 en "pleine responsabilité", donc où nous gérons tout, du sol au plafond et 66 qui sont des "partenaires", pour lesquels nous avons un mandat de gestion partielle, ou d'accompagnement. S'y ajoutent une quinzaine d'écoles d'entreprise, créées à la demande d'une entreprise française qui a une filiale à l'étranger, pour les enfants de ses personnels, mais comme elles recrutent de plus en plus sur place les compétences dont elles ont besoin et réduisent le nombre des "expat", elles sont amenées à décroître. C’est un modèle qui évolue sur lequel nous devrons proposer d’autres modalités de partenariat aux entreprises.

ToutEduc : Vous avez signé récemment une convention avec l'AEFE (ToutEduc ici)..

Jean-Marc Merriaux : C'est un renouvellement qui confirme les liens entre les deux réseaux. Sur nos 32 établissements en pleine responsabilité, huit sont "conventionnés", cinq au Liban, deux en Espagne, un en Ethiopie : l'AEFE met à disposition l'encadrement de ces établissements. Nous avons renouvelé la convention qui intègre la contribution que nous devons à l'AEFE pour ces mises à disposition. La PRR (participation à la rémunération des personnels résidants) pour ces personnels de direction a été annulée en ce qui concerne les établissements libanais qui sont en grande difficulté ... Par ailleurs, il existe d’autres types de prestations proposés par l’AEFE, la convention a permis de clarifier le recours à ces prestations qui pouvait être différent d’un pays à l’autre.

ToutEduc : Un regret ?

Jean-Marc Merriaux : Nous exportons bien notre modèle d'enseignement général, mais nous sommes très en retard en matière d’enseignement technologique voir d'enseignement professionnel. Des pays comme la Côte d'Ivoire ont un besoin urgent de techniciens supérieurs. Nous allons devoir y penser.


Propos recueillis par P. Bouchard, relus par J-M Merriaux

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