CAPPEI : la circulaire sur la VAE risque d'affaiblir les réseaux d'aide spécialisés (FNAME)
Paru dans Scolaire le jeudi 18 mars 2021.
Une circulaire qui permet l'obtention du CAPPEI a été publiée la semaine dernière au BO. Elle était attendue, annoncée par le SNETAA depuis près d'un an (voir ToutEduc ici). Le syndicat FO de l'enseignement professionnel considérait comme une victoire la possibilité pour les PLP enseignant dans les EREA, SEGPA ou ULIS (structures dédiées aux élèves en grande difficuté) d'obtenir le "certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques de l'éducation inclusive" par la VAE (validation des acquis de l'expérience), donc sans avoir suivi le parcours de formation mis en place sous la précédente mandature. Nathalie Bajolle, présidente de la FNAME (la fédération nationale des associations "maîtres E", répond aux questions de ToutEduc.
ToutEduc : La publication de cette circulaire vous a-t-elle suprise ?
Nathalie Bajolle : Nous l'attendions, vous l'aviez d'ailleurs annoncée, mais la FNAME n'a pas été consultée. Pourtant, avec la FNAREN qui regroupe les les enseignants spécialisés à dominante relationnnelle, nos organisations professionnelles représentent les enseignants spécialisés qui interviennent dans les RASED (réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté) après avoir suivi une formation et passé le CAPPEI (voir ToutEduc ici). Dans l'absolu, on peut comprendre que des collègues qui ont été placés sur des postes d'enseignement spécialisé sans formation ni certification souhaitent que leur travail soit reconnu, mais nous craignons de voir dévalorisé le diplôme.
ToutEduc : Normalement, la VAE reconnaît des compétences effectivement acquises...
Nathalie Bajolle : Oui, normalement... Nous craignons que soit en fait ouverte une brêche qui permettra à l'administration de faire des économies sur la formation.. Tout ne s'apprend pas sur le tas ! Il ne suffit pas de vouloir le meilleur pour les élèves, il faut être informé de l'état de la recherche sur les difficultés des élèves, qui sont à la fois d'ordre cognitif, social, familial, culturel... Assez paradoxalement, l'Education nationale s'avère être la seule institution qui ait un tel mépris pour la formation.
ToutEduc : Vous aviez critiqué le CAPPEI quand il a été mis en place.
Nathalie Bajolle : Effectivement, en 2017, nous avions estimé que la formation était allégée par rapport à ce qui existait précédemment (le CAPA-SH pour le 1er degré et le 2CA-SH dans le 2nd degré, voir ToutEduc ici). Nous craignons donc un nouvel affaiblissement. Celui-ci serait d'autant plus dommageable pour les élèves que les RASED sont destructurés.
ToutEduc : En quoi le sont-ils ?
Nathalie Bajolle : Un RASED réunit normalement un enseignant spécialisé à dominante pédagogique (ES-ADP), un enseignant spécialisé à dominante relationnelle (ES-ADR) et un psychologue de l'Education nationale. Autrefois, les psychologues étaient recrutés parmi des enseignants, ce n'est plus le cas et ils n'ont pas l'expérience des classes, il serait donc particulièrement important que nous travaillions en réseaux, que nous leur apportions cette culture qui peut leur faire défaut. Or il est aujourd'hui très rare qu'un RASED compte effectivement trois personnes, nous sommes de plus en plus isolés, amenés à travailler en solitaires. Dans ces conditions, un affaiblissement de la formation aurait des conséquences catastrophiques.