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Exclusif : le conseil d'administration de la Ligue de l'enseignement démissionnaire (interview)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 25 septembre 2018.

Après la tenue, samedi 22 septembre, d'une AGE (assemblée générale extraordinaire) et le vote d'une "motion de défiance", les 36 membres du conseil d'administration de la Ligue de l'enseignement sont démissionnaires. Eric Favey, président de la Ligue, répond aux questions de ToutEduc.

ToutEduc : Que s'est-il passé ?

Eric Favey : A la fin du mois de juin à l’issue de notre AG de Perpignan, la secrétaire générale élue en 2016, Nadia Bellaoui a été mise en minorité lors d'une réunion du conseil d'administration qui a élu Hélène Brus pour la remplacer. Fin juillet, à la demande de 42 fédérations, une assemblée générale extraordinaire a été convoquée et une motion de défiance déposée. Bien qu'ils n'y soient pas statutairement obligés, tous les administrateurs se sont engagés à démissionner si elle était votée. Elle a été adoptée par 57 % des mandats, ce qui, en tenant compte des abstentions et refus de vote, représente environ 53 % des fédérations. Je vais donc convoquer une assemblée générale élective le 27 octobre. Le CA démissionnera le matin même. Un nouveau CA sera élu, lequel élira un bureau d'une quinzaine de membres et désigneront les instances dirigeantes, président.e, vice-président.e, secrétaire général.e, trésorier.ere...

ToutEduc : C'est la première fois dans l'histoire de la Ligue, et d’un mouvement associatif national , qu'une telle motion avec est votée avec comme conséquence la rééléction de l’ensemble d’un CA . Comment le comprenez-vous ?

Eric Favey : Il me semble qu'il agrège trois dimensions. Certains n'acceptent pas le vote, pourtant démocratique et conforme aux statuts, du Conseil d'administration du 28 juin et estiment qu'il n'y avait pas de raison de mettre en minorité Nadia Bellaoui. D'autres vident ainsi de vieilles querelles. Mais j'y vois aussi une forme de "dégagisme", de volonté de "tout remettre à plat", un mouvement de défiance, un sentiment "qu'on nous cache des choses" qui a déjà touché les mondes politique et syndical et qui atteint maintenant l'associatif et peut-être le mutualiste. L'onde de choc au-delà de la Ligue , si j'en crois les messages que je reçois, est importante.

ToutEduc : L'air du temps est au "dégagisme", mais il ne suffit pas à expliquer la situation de l'équipe dirigeante.

Eric Favey : Effectivement. J'ai fait partie de l'équipe qui, avec Jean-Marc Roirant, Pierre Tournemire, Alain Dubroca, a pris la direction de la Ligue en 1993. A l'époque, nous étions au bord de la faillite, avec 16 MF de pertes cumulées. Nous les avons remboursés en 20 ans, sans aucune subvention ni aide spécifique. Redresser la barre ne s'est pas fait sans bousculer, ici ou là, les habitudes et les hommes et les femmes . Mais nous n'avons jamais été mis en minorité, personne n'a jamais manifesté de désaccord important. Personnellement, j'ai été réélu au CA 9 fois depuis 1990, et chez nous, jusqu'aux deux derniers, les votes sont toujours massifs, souvent plus de 90 % des voix. Lors de notre AG de Perpignan, le fait que le rapport d’activités de la secrétaire générale précédente n’ai été adopté que par 65 % des mandats et qu’elle même, renouvelable, n’ait obtenu que 55% des suffrages est inédit.

ToutEduc : Le passé explique certaines réactions individuelles, pas le climat d'interrogations qui explique ce vote.

Eric Favey : Comme je l'ai écrit aux fédérations le 3 septembre, avec la convocation à l'AGE du 22, celle-ci était "une mauvaise réponse à des interrogations justes". Elle risquait "de déstabiliser et de fracturer durablement notre mouvement au moment où nous avons plus que jamais, besoin d’unité politique, de sérénité dans l’action". Dès cet été, lors de l'assemblée générale de Perpignan, nous notions que "nous avons pris collectivement un retard sur des sujets d’importance » - politique éducative, migrations, difficultés croissantes de la vie associative, enjeux environnementaux.-.par défaut de positionnement ", et que notre gouvernance devait être améliorée. Les Fédérations "ont exprimé leur volonté d’être davantage entendues par le centre confédéral". En réalité, c'est le modèle de la démocratie par délégation qui est en cause. Nous devons mettre en place des rendez-vous intermédiaires entre les rendez-vous statutaires, faire remonter les sujets de préoccupation. Il faut associer la base mais aussi assurer le fonctionnement d'une organisation qui brasse au seul niveau confédéral 150 millions d'euros et qui compte près de 450 salariés. Il faut pouvoir prendre position rapidement, par exemple récemment sur la politique du ministère des sports avec suppression de 1 600 postes de conseillers techniques sportifs, qui va affecter le fonctionnement du mouvement sportif et des associations locales, ou sur le plan pauvreté... et il n'est pas possible de les consulter à tout moment et toutes pour toutes les décisions. La délégation repose sur la confiance et s’il faut la faire respirer en introduisant plus de participation, d’horizontalité, d’association plus étroite aux décisions, sans délégation, c’est l’impuissance assurée, le blocage permanent.

ToutEduc : Vous plaidez pour une évolution de la gouvernance, pas pour un autre modèle.

Eric Favey : Quelle serait l'alternative ? Un système présidentiel, qui verrait le président élu directement par l'assemblée générale ? Ce serait très dangereux. Le renouvellement par tiers tous les ans du CA permet le changement, le renouvellement mais aussi une forme de continuité. un exécutif assuré par le bureau national

ToutEduc : Ces questions seront-elles tranchées par les élections du 27 octobre ?

Eric Favey : Non. Le CA sera partiellement renouvelé, ne serait-ce que du fait qu'un certain nombre d'administrateurs ne se représentent pas. Mais l'AG va se contenter de voter et d’élire un CA pour 3 années avec 3 tiers renouvelables dans les 3 années qui suivront. Ces questions seront travaillées cet hiver et au printemps et débattues au congrès de Marseille, fin juin. Nous aurions pu faire l'économie de ces deux AG de septembre et d'octobre.

ToutEduc : Que se passe-t-il en attendant le 27 octobre ?

Eric Favey : Le CA est en place jusque là, et travaille, les services confédéraux répondenet chaque jour aux demandes des fédérations départementales, le Salon de l’éducation ouvrira ses portes le 24 novembre..... Nous avons notamment organisé la succession d'Alain Dubroca, directeur général des services qui part en retraite après 25 années de responsabilités de grande qualité. La secrétaire générale va assurer les deux fonctions. Elle est entourée de trois directeurs, Guillaume Meugnier pour les programmes confédéraux et l’appui aux fédérations, Christophe Dupré pour les RH, le salon et les vacances, Alain Caubet pour les finances. Pour ces trois nominations, nous faisons monter des compétences en interne, au lieu d'aller les chercher en externe, comme le proposait l'équipe qui a été mise en minorité au mois de juin.

ToutEduc : Que va-t-il sortir des urnes, à votre avis ?

Eric Favey : Personne ne peut présager des résultats.

ToutEduc : Etes-vous candidat ?

Eric Favey : Je suis candidat au renouvellement de mon poste d'adminstrateur. Il appartiendra ensuite au CA de désigner un bureau...

Propos recueillis par P. Bouchard, relus par E. Favey

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