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"Plus de maîtres que de classes" ou dédoublement des CP ? Rapide historique

Paru dans Scolaire le dimanche 28 mai 2017.

Emmanuel Macron avait annoncé qu'il limiterait à 12 élèves les classes de CP en REP+ dès cette rentrée. Il se fonde sur une étude de Thomas Piketty (voir ToutEduc ici) qui a calculé l'effet des réductions des effectifs sur les acquis des élèves. Pour tenir sa promesse, il avait prévu d'avoir recours aux maîtres surnuméraires du dispositif "plus de maîtres que de classes", qui sont 5 161 en tout. Jean-Michel Blanquer évalue en fait à  2 300 le nombre de classes concernées. Le ministre de l'Education nationale l'a dit le 23 mai à Creil (voir ToutEduc ici). Lisible, la mesure n’est ni de droite ni de gauche, et pourtant, elle suscite des inquiétudes. Pour la mettre en œuvre dans l'ensemble des CP et CE1, il faudra en effet, à terme, réorienter "entre 6 000 et 10 000 des 60 000 postes" créés au cours du quinquennat précédent, indique le programme "En Marche". Quelque 5 000 postes seraient affectés aux CE1 en 2018. ToutEduc vous propose un rapide retour sur l'histoire de ces deux dispositifs.

En ce qui concerne les effectifs réduits en CP, une expérimentation a déjà eu lieu entre 2003 et 2004. Dans les quartiers défavorisés, un millier de classes de CP avaient ainsi été dédoublées à l’initiative de Luc Ferry. Selon une étude de l’éducation nationale, cette mesure a été "à elle seule d’un intérêt pratiquement nul". Si les enseignants n’adaptent pas leurs pratiques pédagogiques, elle ne suffit pas à améliorer les résultats des élèves, estime en substance le rapport de la DEPP.

En 2005, un autre dispositif, est testé dans les Bouches-du-Rhône. Intitulé PARE (Projet d’aide à la réussite des élèves) il permet à des équipes volontaires de disposer d’un emploi supplémentaire pour développer des démarches concertées de nature à améliorer les résultats des élèves. L’idée d’un enseignant surnuméraire fait son chemin. Elle est soutenue par plusieurs syndicats, en premier lieu le SNUIPP-FSU mais aussi le SGEN-CFDT et le SE-Unsa, même si tous ne s’accordent pas sur ses modalités et ses finalités. Sous le ministère Peillon, elle prend forme. Le "Plus de maîtres que de classes" ou "PDMQDC" se développe à partir de la rentrée 2013 comme une mesure forte de la refondation. Le maître "en plus" peut ainsi intervenir au sein de la classe aux côtés de l'enseignant, mais aussi encadrer une demi-classe, en parallèle de l'enseignant, ou agir auprès d'un petit nombre d'élèves repérés. Les modalités d'intervention sont très diverses.

Une évaluation en cours

L’évaluation du PDMQDC est encore en cours. Si le ministère ne communique pas les conclusions des observations sur quatre départements, les retours du terrain sont le plus souvent positifs, notamment lorsque le pilotage académique et la formation des maîtres surnuméraires sont au rendez-vous – ce qui n’est pas toujours le cas. Là où l’accompagnement est effectif, on peut même mesurer des progrès chez les élèves.

C'est notamment le cas en Haute-Savoie où les postes surnuméraires ont été attribués sous condition d’un projet présenté par l’équipe enseignante. Ici, formation, régulation et suivi ont été mis en place. "Tous les enseignants ont modifié leurs pratiques en classe. Il y a aussi davantage de travail en équipe, davantage de préoccupations pour la pédagogie et la didactique. On se rend compte aussi qu’ils s’adaptent aux besoins des élèves, notamment en se concentrant sur le CP, puis sur la production d’écrits en CE1", relève Eric Sonzogni, conseiller pédagogique dans le département. "L’écart est passé de 20 points à 12 points entre les élèves en REP et les élèves hors REP en production écrite. Il y a aussi beaucoup moins d’élèves non lecteurs – incapables de décoder- en fin de CP" souligne le conseiller pédagogique.

Le comité de suivi du dispositif relève lui aussi des effets positifs, notamment sur le climat au sein de l’école et la dynamique collective. Enfin, selon une enquête du Snuipp en janvier, 85% des enseignants jugent le dispositif satisfaisant. "C’est le regard croisé qui crée la qualité. Cela aide les enseignants à s’interroger sur ce qui se passe lorsque l’élève a une difficulté, sur leur manière d’enseigner (…) Il y a un effet certain sur la mobilisation des équipes" note Patrick Picard, directeur du centre Alain Savary (IFE-ENS de Lyon) et auteur d’un rapport sur la mise en œuvre du dispositif dans le département du Rhône. Une enseignante de l'école de Creil où était le ministre a expliqué aux journalistes qu'elle était auparavant avec des élèves en difficulté dans un collège (avec une SEGPA), elle s'était retrouvée avec un CP, elle n'était pas sûre d'elle, et elle avait apprécié d'avoir le regard d'une collègue expérimentée sur ses pratiques, avec qui discuter de ce qui s'était passé dans la classe.

Une pétition contre la valse des dispositifs 

Le changement de politique sera-t-il fatal au tout jeune dispositif avant qu’on ait pu réellement déterminer ce qu’il génère ? C’est ce que craint un collectif à l’initiative d’une pétition demandant de ne pas détricoter le dispositif PDMQDC. "Après quatre années d'expérimentation et avant toute évaluation de ce dispositif, E. Macron propose, dès la rentrée 2017, de substituer à ce dispositif des CP à effectif réduit, de 12 élèves dans les REP et REP+." Lancée le 15 mai, elle a recueilli 11000 signatures dix jours plus tard.

Le 23 mai, Jean-Michel Blanquer s’est voulu rassurant : "On ne dépouille rien, on ne casse rien", on verra "comment évoluent ces deux dispositifs" d'ici "un, deux ou trois ans" a-t-il promis. Toujours est-il que le ministère ne précise pas quels moyens seront affectés aux CP dédoublés et n’exclut pas de "concentrer le 'plus de maîtres que de classes" sur le CP lorsque "le dédoublement ne sera pas possible".

Selon les informations de ToutEduc, dès l’entre-deux tours des élections présidentielles, la DGESCO (la direction de l'enseignement scolaire au ministère) a demandé, aux inspections académiques de faire remonter un état des lieux afin de déterminer l’implantation des CP à effectifs réduits. C'est ce qui a permis ce chiffrage de 2300 classes de CP concernées. La marge de manœuvre est étroite en termes d’espace, de calendrier, et de moyens. Questions locaux, les écoles ne peuvent pas toujours ouvrir de classe supplémentaire. A l’heure du changement de ministre, les enseignants surnuméraires sont en principe déjà affectés. Devront-ils être réorientés ? Les écoles seront-elles amenées à choisir ?

 

 

Muriel Florin

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