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"Plus de maîtres que de classes" : défendre le dispositif pour en défendre l'amélioration (SNUIPP)

Paru dans Scolaire le jeudi 26 janvier 2017.

En défendant le PDMQDC, le dispositif "plus de maîtres que de classes", "nous défendons son amélioration", déclare, ce 26 janvier, Francette Popineau. La porte-parole co-secrétaire générale du SNUIPP commentait l'enquête publiée ce matin par le syndicat FSU du 1er degré (voir ToutEduc ici). Elle estime qu'il revient "aux équipes de réfléchir à un projet et de désigner lequel - laquelle de ses membres peut être le M+", une solution qui prévaut dans certains départements, tandis que dans d'autres, le poste est mis "au mouvement" à moins que le recrutement se fasse sur profil, ce qui "produit de beaux ratés".

Ce dispositif, fait-elle valoir, contribue à stabiliser les équipes dans des écoles difficiles, "il donne envie de rester", mais il implique un changement de culture professionnelle. "Pour un enseignant, avoir 'sa' classe, 'ses' élèves, c'est valorisant, c'est formidable.... quand ça va bien. Mais quand on est en difficulté, on est seul. Aujourd'hui, les enseignants réclament des collectifs de travail."

Une évolution des pratiques

C'est aussi ce qui ressort de l'évaluation du PDMQDC conduite en Loire-Atlantique par Marie Toullec-Théry (ESPE de Nantes). Elle montre qu'en trois ans, les pratiques des enseignants inscrits dans ce cadre ont beaucoup évolué. Ils se sont d'abord posé des questions sur les modalités de la mise en oeuvre du dispositif. Depuis, la chercheuse a assisté à "une densification" du rôle du M+, les deux enseignants passant plus de temps à la préparation conjointe de leurs interventions. "Il y a eu un glissement des préoccupations, de 'comment travailler à deux ?' à 'quelles sont les difficultés des élèves ?' et "quels sont les obstacles à leurs apprentissages ?".

Autres enseignements de cette étude, les enseignants se sentent bien outillés pour ce qui est de la lecture, pour laquelle ils organisent plus facilement des groupes différenciés, mais nettement moins bien en production d'écrits, un domaine pour lequel ils interviennent volontiers à deux, se sentant ainsi plus forts pour oser expérimenter. Les mathématiques ne représentent que 17 % du temps des M+, une donnée qui confirme l'enquête nationale. Quant à la mesure des progrès des élèves, elle pose des problèmes méthodologiques complexes et le questionnaire en cours de passation constitue de fait une forme d'accompagnement des équipes. La DEPP (le service statistique du ministère) devrait pour sa part publier ses résultats d'ici "quelques mois".

Une élévation considérable du niveau d'exigence

Stéphane Bonnery (Paris-8) est également intervenu pour souligner l'énorme accroissement du niveau des exigences. La comparaison d'un manuel d'histoire des années 50 et de son homologue aujourd'hui montre qu'il s'agissait alors d'une vision "très narrative" de l'Histoire, avec des faits isolés, sans dates, et les élèves étaient priés de répéter, éventuellement de repérer des informations explicitement données dans le texte. Aujourd'hui, il doit traiter des informations réparties un peu partout dans une double page avant d'élaborer un concept politique, par exemple comprendre que le pouvoir suppose la maîtrise d'un territoire et une administration. Et il demande où les élèves ont appris à faire ce travail. Le chercheur ne demande pas un retour en arrière, les objectifs ont évolué en même temps que le monde qui nous entoure, mais il s'interroge sur des programmes qui ne partent pas de ce que peut faire un élève qui, depuis l'âge de deux ans, n'ont eu que l'école pour acquérir les pré-requis.

Ce qui vaut pour les manuels de l'école élémentaire vaut aussi pour les albums de jeunesse. Le chercheur distingue des ouvrages explicites, où le texte correspond à l'image, et d'autres où textes et images ne coïncident pas... Là où on suppose que les enfants sont davantage "connivents", les pratiques familiales correspondant à celles de l'école, on utilise en maternelle des albums implicites. Dans les écoles de REP, on travaille plus volontiers sur des albums explicites, ceux que les enfants connaissent dans leurs familles. Et "le retard pris ne se rattrape pas".

Les enseignants ne s'en rendent pas forcément compte

Et Stéphane Bonnery nous met en garde. Les REP et REP+ sont "le miroir grossissant de notre école", ces réseaux doivent nous alerter sur ce qui se passe ailleurs, dans l'ensemble du système. En effet, ce n'est pas une minorité d'élèves qui seraient en difficulté du fait de leurs origines sociale. 52 % des collégiens sont enfants d'ouvriers, d'employés ou d'inactifs, ils ne sont pas "connivents". Et alors que les exigences changeaient, que les objectifs s'accumulaient, "on a réduit le temps scolaire". "Le métier est devenu plus difficile", mais les enseignants ne s'en rendent pas forcément compte, et s'imputent la responsabilité de leurs difficultés.

A noter encore que le SNUIPP vient de lancer un appel à "transformer l'école pour réduire les inégalités scolaires", à "amplifier les investissements dans l'éducation prioritaire", à renforcer la scolarisation des moins de 3 ans, à favoriser le travail en équipe, à bâtir une formation continue "qui permette un croisement avec la recherche". Il est déjà signé notamment par Gérard Aschieri (CESE), Elisabeth Bauteir (Paris-8), Serge Boimare (psychologue), Alain Bourgarel (OZP), Rémi Brissiaud (Espé de Versailles), Yvanne Chenouf (AFL), Didier Daninckx (écrivain), Eric Debarbieux (Paris-12), Christian Deghilage (ANCP), Marc Douaire (OZP), François Dubet (Bordeaux), Bertrand Geay (Amiens), Roland Goigoux (Clermont-Auvergne), Françoise Lantheaume (Lyon-2), Claude Lelièvre (historien), Françoise Lorcerie (CNRS), Philippe Meirieu (Lyon-2), Hubert Montagner (Inserm), Lurent Mucchielli (CNRS), Denis Paget (CSP), Christine Passerieux (GFEN), Eric Plaisance (Paris-5), Eirick Prairat (Université de Lorraine), Bruno Robbes (Espé de Cergy-Pontoise), Jean-Yves Rochex (Paris-8), Hélène Romano (psychothérapeute)...

L'étude de Marie Toullec-Théry, publiée par le centre Alain Savary ici

 

 

 

 

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