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Les inspecteurs du second degré sont déjà "partout" et on leur demande "beaucoup" (inspections générales)

Paru dans Scolaire le mardi 22 novembre 2016.

"L’examen attentif des activités des inspecteurs laisse perplexe : ils sont partout, on leur demande beaucoup et on ne voit pas très bien ce qu’on pourrait leur retirer." Cette formule du rapport des deux inspections générales sur le rôle des inspecteurs du second degré semble répondre aux constats de G. Fotinos et J.M. Horenstein sur "le moral des inspecteurs", bien que, selon nos informations, celui-ci n'ait pas été transmis au ministère ni à la ministre avant sa publication. La mission d'inspection générale souligne que "le temps de travail des inspecteurs n’est jamais quantifié quand une nouvelle demande est formulée à leur endroit, et qu’on procède le plus souvent par addition et rarement par soustraction, comme si leur temps était extensible". De plus, "tout est prioritaire", l’inspecteur "est tiraillé entre des pôles de responsabilité qui obéissent à des logiques différentes, qui concernent des institutions différentes (services académiques, ESPE, collectivités), qui relèvent de temporalités différentes et qui in fine se télescopent", il a l’impression "d’agir dans l’urgence et le temps court".

La mission ajoute que, "du fait de la dématérialisation de la plupart des procédures", c’est souvent à leur domicile "que les inspecteurs répondent à leurs très nombreux courriers électroniques, gèrent leurs agendas, prennent les rendez-vous nécessaires, rédigent leurs rapports d’inspection, préparent leurs réunions, finalisent ou valident les ressources pédagogiques destinées aux enseignants ou aux formateurs, entretiennent leur niveau d’expertise par des lectures professionnelles, scientifiques et didactiques". Une première conclusion s'impose : "Les objectifs fixés par le ministère ne pourront être atteints sans un renforcement du potentiel des inspecteurs."

La place des inspecteurs "reste mal définie"

Les enseignants sont d'ailleurs "en attente d’une autre forme d’évaluation professionnelle et ils expriment le besoin de la présence des inspecteurs dans les classes dans une logique de conseil et d’accompagnement". Alors que, "ces dernières années, les créations nettes d’emplois en loi de finances ont été peu nombreuses" (15 de 2012 à 2016), n'ayant pas été prévues par la loi de 2013, la mission demande que "la possibilité de créer des emplois d’inspecteurs en loi de finances soit réexaminée à partir de 2017 sous la forme d’un plan pluriannuel".

Mais la question ne se pose pas seulement en termes de moyens. Alors que leurs responsabilités augmentent, la place des inspecteurs "dans la gouvernance académique reste mal définie" et les IA-IPR (inspecteurs pédagogiques du second degré) se sentent "mis à l’écart" de la ligne hiérarchique recteur - secrétaire général - IA-DASEN (l'inspecteur d'académie, en charge notamment du 1er degré dans un département, ndlr) telle qu'elle est définie par le décret de janvier 2012. Avec un certain sens de la litote, les rapporteurs ajoutent que la communication entre les inspecteurs du second degré et les IA-DASEN "n’est pas optimale" et qu'elles sont d'ailleurs, "de longue date, problématiques", la difficulté "touchant à 'l’ADN' des inspecteurs qui tiennent à leur rattachement direct au recteur" et "sont réticents devant toute forme d’organisation qui pourrait apparaitre comme les rattachant à un IA-DASEN". Cette réticence est "renforcée par l’orthogonalité qu’ils ressentent entre des formes d’organisation très autonomes de leur travail au niveau académique et, au niveau départemental, une organisation perçue comme très hiérarchique".

Qu'on n’oublie pas la voie professionnelle

Pour les IEN ET-GT (inspecteurs de l'enseignement technique), la question est différente: "Ils doivent toujours se manifester pour que l’on n’oublie pas la voie professionnelle, la pente naturelle des cadres et des services académiques étant de penser instinctivement aux écoles, aux collèges et aux seuls lycées généraux et technologiques quand ils abordent une question éducative". Les IEN ne sont d'ailleurs "pas toujours associés aux travaux préparatoires à l’évolution de la carte des formations", c'est d'autant plus regrettable que les académies "se privent de leur connaissance fine du territoire" ou de leur expérience "sur des sujets comme l’accompagnement personnalisé ou l’approche par compétences" pour la mise en oeuvre de la réforme du collège.

La mission d'inspection constate globalement "la mutation en cours du métier d’inspecteur du second degré" pour qui la part consacrée à l’inspection individuelle des enseignants devient moins importante. Ce sont "des cadres académiques" et les liens qu’ils entretiennent avec l’inspection générale dans leur discipline se sont transformés, elle-même évoluant "vers davantage de missions d’évaluation et une moindre participation à la gestion des carrières des personnels". Sur le terrain, les IA-IPR et les IEN ET-GT voient se développer "leurs missions d’accompagnement plus global des établissements", ils sont alors "dans une position de nature transversale, intervenant en tant que généralistes et non pas en leur qualité de spécialistes d’une discipline". Encore faut-il que les IA-DASEN perçoivent clairement quel est leur rôle, au risque sinon de provoquer "des tensions", notamment quand l’action conduite "entre en collision avec des partenariats départementaux ou locaux". C’est souvent le cas pour l’action culturelle et les politiques partenariales, quand les conseillers techniques de l'inspecteur d'académie "ne sont pas partie prenante du schéma académique" et quand "la multiplicité des acteurs concernés (DRAC, DAAC, CANOPE, inspecteurs du premier degré, conseillers techniques de l’IA-DASEN, partenaires) a pour effet de complexifier et retarder les prises de décision".

 "Des opportunités à saisir"

Ces difficultés n'empêchent pas qu'il y ait "des opportunités à saisir" pour une évolution du métier. Avec "la mise en place d’un dispositif d’évaluation des établissements", on peut "imaginer des évaluations d’équipe, construites en relation avec le chef d’établissement, qui porteraient sur la qualité de l’enseignement, le suivi du parcours des élèves, les modalités d’évaluation des élèves, la construction conjointe de démarches pédagogiques, la conduite de projets disciplinaires et interdisciplinaires". Mais cela suppose "de repenser l’inspection individuelle, pour mieux conseiller et accompagner les enseignants, pour mieux prendre en compte toutes les dimensions de l’enseignement, pour mieux valoriser le travail collectif". Les inspecteurs "se considèrent à juste titre comme des facilitateurs qui rassurent les professeurs pour la mise en oeuvre des réformes ou des nouveaux programmes, en expliquent le sens, donnent des repères de compréhension, proposent des pistes concrètes de travail".

Le rapport "Rôle et positionnement des inspecteurs du second degré en académie" est téléchargeable ici

Selon nos informations, l'étude de G. Fotinos et J.M. Horenstein sur "le moral des inspecteurs", n'a pas été transmise au ministère ni à la ministre avant sa publication (voir ToutEduc ici)

Sur le "décret Chatel" de janvier 2012, voir ToutEduc ici

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