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D'où viennent les "réac-publicains" et comment dépasser le conflit pro et anti-pédagogues (G Chambat)

Paru dans Scolaire le samedi 16 avril 2016.

Grégory Chambat ne fait pas mystère de son engagement politique. Pour cet enseignant d'un collège de Mantes-la-Ville, ville passée récemment au FN, "une pédagogie démocratique (...) ne se contente pas d'observer le monde (...), elle forge des outils pour le transformer". Reste à savoir pourquoi s'expriment un certain nombre de résistances à un tel programme, d'où viennent ceux qu'il appelle les "réac-publicains", et qui se réclament de la République pour, analyse-t-il, maintenir un ordre scolaire élitiste, ou y revenir. Certains, tel Alain Avello sont membres du collectif Racine, d'autres, comme François Bayrou, sont centristes, tandis que Farida Belghoul veut défendre "la famille traditionnelle". Dans ses notices biographiques, l'auteur cite encore Jean-Paul Brighelli, Alain Finkielkraut, Jacques Julliard, Jacqueline de Romilly, ainsi que des mouvements comme "Espérance banlieues" ou "La Fondation pour l'école"... Mais il se garde bien de les confondre. Il est évidemment inquiet de la progression du vote "Front national" au sein du corps enseignant, qui pourrait dépasser les 10 % en 2017, et il connaît le pouvoir de séduction de formules comme "redresser l'Ecole, redresser les corps pour redresser la nation".

Mais le courant "anti-pédagogique" vient aussi de la gauche. Il vient aussi de loin. Déjà le concile de Trente, en 1563, donnait pour finalité à l'Ecole la normalisation du comportement social. Pour Victor Cousin, l'instruction est "une sorte de conscription intellectuelle et morale", François Guizot veut "développer l'esprit d'ordre", les écoles normales adoptent le principe des "Frères des écoles chrétiennes" avec "la méthode simultanée" aux dépens de "la méthode mutuelle" qui privilégie les relations entre pairs.

Beaucoup sont passés par l'entourage de J-P Chevènement

Pour Grégory Chambat, l'école de Jules Ferry "distille ses valeurs conservatrices (...) en célébrant l'ordre établi" tandis que Paul Robin tente de créer un "enseignement intégral" inspiré du projet éducatif de l'Association internationale des travailleurs, mais se heurte à Drumont et à l'extrême droite. Très documenté, cet historique met en évidence la continuité d'une pensée sur laquelle se brisent les tentatives pour fonder une alternative émancipatrice. Les forces attachées au modèle traditionnel viennent du Grece d'A. de Benoist comme des "trotskistes lambertistes" et beaucoup de ses hérauts sont d'anciens maoïstes passés par le chevènementisme, avant de réjoindre, pour certains le FN, et pour d'autres le libéralisme.

Car c'est là que le paysage se brouille. Certains courants du libéralisme revendiquent le soutien d'une école autoritaire, tandis que d'autres s'accommodent au contraire d'une pédagogie qui individualise et qu'une partie de la gauche s'est "convertie au libéralisme". Le piège serait donc pour lui de s'enfermer dans l'opposition entre pédagogues et républicains "au détriment de l'héritage des luttes et des pratiques pour une autre école". L'ouvrage est d'ailleurs publié dans la collection "N'Autre école".

A noter que l'auteur co-anime le site "Questions de classe(s)" (ici)

"L'Ecole des réac-publicains, la pédagogie noire du FN et des néoconservateurs", G. Chambat, Libertalia, 264 p., 10 €

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