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Pédophilie: après l'adoption de dispositions législatives, la mise en œuvre de dispositions techniques et organisationnelles

Paru dans Scolaire, Justice le lundi 27 juillet 2015.

Ce sont au total quinze préconisations qui ont faites par les inspections générales des ministères de l'Éducation nationale et de la Justice dans un rapport rendu public ce vendredi 24 juillet 2015, afin d'instaurer un meilleur dispositif de communication entre justice et éducation nationale. L'IGAENR (Inspection générale de l'administration de l’éducation nationale et de la recherche) et l'IGSJ (Inspection générale des services judiciaires) avaient été missionnées pour ce faire par les deux ministres en mars 2015, suite aux affaires de pédophilie qui avaient éclaté dans les académies de Grenoble et de Rennes. Le rapport avait été rendu à ces dernières en juin avant d'être rendu public après adoption de la loi "portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne" qui reprend des recommandations de la mission d'ordre législatif (lire ici et ici). Dès la rentrée 2015, les deux ministères commenceront à rendre opérationnelles les recommandations de nature davantage technique et organisationnelle.

La mise en œuvre de l'ensemble des dispositions suggérées par la mission, législatives, techniques et organisationnelles, apparaît d'autant plus nécessaire pour la mission que, note-t-elle en introduction, "en l'absence de toute possibilité d'interroger de manière fiable le logiciel Cassiopée, rien ne permet d'affirmer à ce jour que toutes les condamnations concernant des agents en fonction dans des établissements scolaires ont bien été transmises à l'éducation nationale; il ne peut en conséquent être exclu que des situations identiques à celles de l'Isère et de l'Ille-et-Vilaine se reproduisent".

Une évolution du logiciel Cassiopée pour automatiser les alertes jugée trop lente par la mission

L'une des principales évolutions recommandées, celle du logiciel Cassiopée pour y introduire la mise en place de procédures automatisées d'alerte, est attendue pour octobre 2016, selon le tableau de suivi des recommandations que le ministère de l'Éducation nationale a publié sur son site. Il est envisagé de créer un nouveau champ "contact habituel avec des mineurs" qui sera bloquant et de générer une alerte sous forme de "pop-up" quand ce critère et celui relatif aux infractions sexuelles seront réunis. La mission note que ce premier niveau d'évolution pourra être complété de deux autres: il sera ensuite possible de faire aussi éditer un avis papier par Cassiopée puis de rendre l'automatisation plus complète avec l'envoi d'un mail.

Le délai de seize mois pour réaliser cette évolution complète, délai qui avait été présenté à la mission lors de son enquête administrative, est néanmoins jugé "trop important" par celle-ci. Car, écrit-elle encore, "les modifications législatives, la mise en place d’une organisation spécifique dans les parquets et à l'éducation nationale avec une clarification des rôles de chacun seront insuffisantes pour éviter le renouvellement d’événement comme ceux de l’Isère et d’Ille-et-Vilaine, si elles ne s’accompagnent pas d’une informatique à la hauteur des enjeux". "Ainsi, même lorsqu’à terme l’avis sera édité par Cassiopée, il devra encore être mis sous enveloppe et adressé à l’éducation nationale ou numérisé et joint à un courriel". Or, pour la mission "il est impératif de fixer comme objectif, dès maintenant, une automatisation complète du processus d'information de l’administration, sous peine d'asphyxier les parquets ou de les placer dans l'incapacité matérielle de mettre en œuvre les futures dispositions législatives".

Des boîtes-mail fonctionnelles et des référents éducation-justice dès la rentrée

Créer des boîtes-mail fonctionnelles, avec une adresse normalisée, dans chaque rectorat et chaque parquet figure parmi les autres recommandations importantes. Les modalités de mise en œuvre seront précisées, indique le tableau du ministère de l'Éducation nationale, dès la rentrée 2015 via une circulaire du MENESR et une dépêche de la Justice. Côté éducation nationale, celles-ci permettront le recueil de toutes les informations sensibles: alertes générées automatiquement par Cassiopée, avis de mise en examen, de placement sous contrôle judiciaire interdisant d'entrer en contact avec des mineurs ou encore copies de jugement transmises par la justice. "Le plus efficient" étant, estime la mission, de créer non pas une boîte courriel unique au ministère, mais une par académie "accessible pour des raisons de confidentialité, à un nombre limité d'agents: le recteur, le directeur de cabinet du recteur, le SGA, le SG adjoint - DRH et les IA-DASEN" et "avec envoi d'une copie de tous les messages reçus à une boîte courriel fonctionnelle à laquelle aurait accès la DGRH". Du côté du parquet, la liste des personnes qui auront accès aux boîtes courriel fonctionnelles sera déterminée par le procureur de la République.

Autre mesure importante qui s'appuie sur une recommandation, et annoncée par le ministère de l'Éducation nationale: la création de référents justice au niveau académique qui s'appuiera, comme le suggère le rapport, sur les IA-DASEN afin de prendre en compte les relations privilégiées que ces derniers nouent avec les procureurs de la République. Ces référents académiques, dont le ministère a prévu de constituer la liste pendant l'été et de préciser les rôles et missions au travers d'une circulaire à paraître en septembre, permettront "de faire remonter au rectorat toutes les informations sensibles concernant les enseignants et de sécuriser et d'harmoniser la politique rectorale en matière disciplinaire". Une autre circulaire, qui doit être aussi finalisée à la rentrée, définira et clarifiera l'articulation des responsabilités en matière de gestion des personnels des premier et second degrés entre le niveau départemental et académique, comme recommandé également par la mission.

Entamer les discussions avec personnels et ministères pour pouvoir consulter les fichiers du casier judiciaire

Enfin, le rapport souligne également l'importance de procéder à de régulières consultations des fichiers gérés par le service du casier judiciaire national à Nantes pour tous les personnels en contact avec des mineurs, selon une fréquence annuelle car certaines condamnations peuvent disparaître au bout d’une période déterminée, afin "de sécuriser encore mieux le dispositif de veille et d'alerte": ceux du B2, où sont inscrites toutes les condamnations définitives, les contraventions, les compositions pénales ainsi que les dispenses de peines; ceux du FIJAISV (Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes), où sont enregistrées notamment les agressions et atteintes sexuelles.

Ces opérations, précise le ministère de l'Éducation nationale, ne pourraient être néanmoins engagées a minima qu'à compter de janvier 2016, les modalités techniques et organisationnelles de ces procédures devant "être discutées avec les autres départements ministériels et les organisations représentatives des personnels". Le ministère signale avoir par ailleurs d'ores et déjà engagé des démarches auprès de la CNIL pour qu'il soit autorisé à consulter par transfert de fichiers ce bulletin n°2 du casier judiciaire ainsi que le FIJAISV.

Pour faire ses préconisations sur lesquelles se sont appuyés les deux ministères, la mission avait dressé un état des lieux, jugé "préoccupant", et identifié les obstacles qui "peuvent expliquer les difficultés récurrentes rencontrées dans la transmission des informations" en s'appuyant notamment sur les résultats d'une double enquête, menée auprès des 36 parquets généraux et des 162 parquets placés sous leur autorité et auprès des 30 rectorats, ainsi que sur différents entretiens menés au niveau national, dans les académies et dans les parquets.

Le rapport ici

Le tableau de suivi des recommandations ici

Camille Pons

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