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Mobilité européenne des apprentis : comment débloquer le système ? (journées organisées par EAM)

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 16 septembre 2021.

"Du budget, il y en a !" s'exclame Laurence Farreng. Députée européenne (Modem), elle constate que l'argent n'est pas le principal frein à la mobilité européenne des apprentis. Pourtant "le système reste assez bloqué", ajoute Jean Arthuis. Celui-ci préside le mouvement EAM (Euro App Mobility) qui organise, ces 16 et 17 septembre des "Etats généraux de la mobilité des apprentis". Cette première journée était marquée par une intervention (en vidéo) du président de la République (voir ToutEduc ici) qui a dit l'importance de ce thème.

Il s'agit en effet de mobiliser "tous les acteurs de l'apprentissage pour promouvoir la mobilité longue (supérieure à trois mois) des apprentis" et de tirer "pleinement parti des possibilités qu'offre Erasmus +", un programme qui concerne aussi "les apprentis, quel que soit leur niveau de formation". EAM a identifié plusieurs freins à la mobilité. La diversité des législations complique "le choix du statut réservé au jeune dans le pays d'accueil" ; "des inerties et des angles morts" empêchent la reconnaissance des compétences acquises; s'y ajoutent un frein linguistique et un frein psychologique, mais aussi un frein financier. Et comment assurer l'autonomie financière et la protection sociale du jeune pendant sa mobilité ?

Le gouvernement recherche "un véhicule législatif", une proposition de loi dans laquelle il pourrait insérer un amendement pour corriger un effet actuel des textes qui prévoient que le contrat de travail de l'apprenti n'est pas suspendu pendant qu'il est à l'étranger, donc que l'entreprise doit continuer à le rétribuer pendant plusieurs mois, ce qui, selon des proches du dossier interrogés par ToutEduc, peut ne pas poser de problèmes à une grosse entreprise qui détache le jeune dans une filiale ailleurs en Europe, mais ce qui crée évidemment une difficulté aux PME. Mais qui financerait alors le séjour du jeune ? L'entreprise d'accueil ? Un OPCO ? L'entreprise de départ qui accueillerait elle-même un jeune d'un autre pays ? Comment organiser cette forme de réciprocité ?

EAM publie ses "propositions pour une Europe des apprentis" et un "projet de manifeste" dans lequel il identifie "cinq prérequis" à la réussite de l'engagement des CFA.

Ceux-ci doivent disposer d'un poste "référent mobilité" qui "sensibilise les jeunes et leurs maîtres d'apprentissage aux bienfaits de la mobilité longue", qui prend contact avec des CFA étrangers, prévoit une convention... Ce poste pourrait être financé, dans un premier temps, par des fonds structurels européens.

Les régions devraient également intervenir avec des "développeurs de la mobilité longue des apprentis" dont la mission serait "d'informer, de susciter des projets, d'accompagner (...) les volontaires", là encore des postes financés sur fonds européens.

La reconnaissance des acquis de la mobilité suppose que les certificateurs publics et privés fassent évoluer leurs dispositifs d'évaluation, et qu'ils forment "l'ensemble des acteurs impliqués". EAM plaide pour un système comparable à celui des ECTS de l'enseignement supérieur.

Les entreprises doivent elles-mêmes disposer de "tuteurs de la mobilité européenne" qui accueillent le jeune étranger dans le cadre des "échanges d'apprentis".

Il faudrait encore, dans l'idéal, que soit créé "un statut unifié", au niveau européen, du jeune pendant sa période de mobilité. Toutefois, au vu de la diversité des statuts du jeune en formation, salarié, stagiaire rémunéré ou non rémunéré, avec ou sans protection sociale, les participants à cette journée plaident pour des conventions bilatérales, de la France avec l'Espagne et de la France avec l'Allemagne par exemple, car il est peu probable que la Commission parvienne à faire adopter dans un avenir proche une résolution qui fasse l'unanimité.

Voici des échos des deux tables rondes de ce 16 septembre.

Laure Coudret-Laut, directrice de l’agence Erasmus+ France, indique que "6 900 alternants français ont bénéficié d’une mobilité Erasmus+ en 2018-2019 soit 30% de plus qu’en 2016-2017. Cette dynamique associée à une reprise post-Covid et des financements en augmentation pourrait permettre d’atteindre plus de 10 000 alternants en mobilité Erasmus en 2022." Elle ajoute qu'en 2018-2019, "les entreprises françaises ont accueilli 930 alternants européens venant principalement d’Allemagne, de Belgique, de Pologne et du Portugal" et précise que l'agence Erasmus+ travaille avec les acteurs nationaux de l'apprentissage à la reconnaissance des référents mobilité dans les CFA.

Nicolas Schmit, commissaire européen à l’emploi, aux affaires sociales et à l’insertion, estime que "la transformation économique à laquelle nous devons faire face aujourd’hui devrait nous inciter à travailler sur cette idée de mobilité et de promotion de l’apprentissage qui est une voie royale vers l’emploi et l’employabilité". Il ajoute que "la commission a mis en exergue l’importance de l’apprentissage. Il y a maintenant une très grande convergence entre les Etats membres sur ce sujet." Il salue "le saut quantitatif et qualitatif" qu'a fait la France dans ce domaine mais il regrette qu'il "reste encore des barrières à franchir, au niveau des systèmes éducatifs, des entreprises surtout les petites". Il invite au pragmatisme… "Si on veut tout harmoniser d’un coup, on n’y arrivera pas. Il faut reconnaître des équivalences. Pour les petites entreprises, on pourrait organiser des échanges d’apprentis. Il faut régler les problèmes de sécurité sociale."

Il commente l'annonce, par Ursula von der Leyen, du lancement d'un programme Alma pour les jeunes NEET (qui ne sont ni en emploi, ni en formation) : "La crise a laissé beaucoup de jeunes sur le carreau. Ce sont des jeunes mis à l’écart. On ne peut pas les ignorer. Il faut leur ouvrir des perspectives."

Pour Laurence Farreng, députée européenne (Renew Europe, Modem), "la France est à l’origine des centres d’excellence pour l’apprentissage qui sont le pendant des alliances entre universités européennes. Ils démarrent. Aujourd’hui, il y en a 7. Ces centres sont des réseaux qui unissent des centres de formation, des syndicats professionnels et des entreprises qui se réunissent sur des besoins communs d’évolution des métiers, des formations et des compétences."

Elisabeth Borne, ministre du Travail, rappelle que les Compagnons du Devoir étaient mobiles, et elle considère que nous pouvons renouer avec cette tradition. Interrogée par ToutEduc, elle ne fait pas de différence entre les divers niveaux de qualification, du CAP aux diplômes de l'enseignement supérieur. Elle souligne que le nombre des CFA est passé de 900 à 2500 avec la loi Pénicaud, et ajoute que "tous n'ont pas la capacité de promouvoir la mobilité" des apprentis. Pour elle, les référents mobilité doivent donc se trouver aussi au niveau des régions.

Les vidéos de la journée ici

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