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Justice des mineurs: le rapport du Sénat plutôt favorable aux CEF et aux EPM

Paru dans Justice le samedi 30 juillet 2011.

"Ces deux outils, CEF [centres éducatifs fermés] et EPM [établissements pénitentiaires pour mineurs], doivent s’insérer parmi les dispositifs existants, afin d’offrir aux juges des enfants un panel de solutions différentes, en réponse à des situations différentes. Ces institutions sont nécessaires, elles doivent encore être améliorées." C'est l'une des conclusions du "rapport d'information" sénatorial qui fait le bilan de la création de ces deux structures. Les deux rapporteurs, l'un centriste, l'autre PS, déclarent avoir travaillé en bonne intelligence, et être tous deux "attachés à l’ordonnance de 1945", puiqu'ils croient "que la prévention doit prévaloir sur la répression", même si "l’incarcération est parfois nécessaire".

Ils estiment que "les CEF marquent un progrès par rapport aux quartiers pour mineurs et même aux EPM" et que, contrairement à ce qu'avait déclaré la Défenseure des enfants (voir Centres éducatifs fermés: une fugue n'est pas un délit (D. Versini)), ils accueillent bien le public pour lequel ils ont été créés: "les trois quarts des mineurs concernés sont multirécidivistes, et parmi les autres,
certains ont commis des crimes."

Mais "alors que la durée de séjour optimale serait de six à huit mois, la moyenne constatée est de quatre à cinq", ce qui ne permet pas un rattrapage scolaire: "sans être illettrés, ces jeunes accusent en général un fort retard scolaire." Quant à la discipline, elle serait plus stricte que dans les quartiers pour mineurs des prisons: "En CEF, pas de télévision, pas de portable, pas de shit !" Les rapporteurs constatent que "le coût est indéniablement élevé : 640 euros par jeune (...) Cela vaut le coup si le résultat est au rendez-vous. Mais on peine à trouver des instruments de mesure..."

Les deux rapporteurs dressent un autre constat, la démotivation des personnels: "Dans certains établissements, le taux d’absentéisme a avoisiné les 60 % ! À l’administration de trouver les moyens pour motiver le personnel, par exemple via
des primes, tout en maintenant un taux d’encadrement très élevé."

Ils s'inquiètent également des alternatives: "Le ministère projette de créer vingt nouveaux CEF, mais à partir de trente foyers existants. Maintenons la capacité d’accueil des établissements classiques !" Et ils ajoutent qu'il "serait opportun de réfléchir à la question de l’accueil en urgence pour les très courts séjours, d’autant que l’expérience des centres de placement immédiat (CPI) n’a pas été concluante".

En ce qui concerne les EPM, ils qualifient le programme de "prometteur et ambitieux". Ils font plusieurs constats négatifs: "une implantation géographique peu adaptée", "des constructions ou des matériaux tout aussi peu adaptés (le placoplatre…)", "une mixité problématique" et "une efficacité non vérifiée du binôme PJJ-administration pénitentiaire", ainsi que "la faiblesse de l’aménagement des peines". Mais, parmi les constats positifs", ils mentionnent "la très forte motivation des agents, contrairement à ce que laissent penser les syndicats" et "des résultats très encourageants en matière de rescolarisation et de diplômes".

Ils soulignent qu'ils n'ont pu obtenir le prix de revient de ces structures, qu'ils évaluent à quelque 600 € par jour et par jeune détenu. "Il faudrait également pouvoir mesurer l’effet de ces établissements sur la récidive et sur les parcours de ces jeunes après leur sortie". De même en ce qui concerne les CEP:  "L’étude d’impact liée au projet de loi relatif à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale affirme que deux tiers des mineurs placés en CEF ne commettent pas d’infraction l’année suivante. Sur quoi ce chiffre, déjà cité dans une circulaire de 2008, repose-t-il ? Personne n’en sait rien, comme nous l’a confirmé le directeur de la PJJ."

Voici une sélection parmi les propositions de la mission:

- Assouplir les conditions de placement en CEF afin de permettre à ces établissements de continuer à prendre en charge un jeune au-delà de sa majorité.

- Privilégier l’affectation ou le recrutement en CEF de personnels volontaires (...)

- Impliquer davantage les conseils généraux et les services de l’Éducation nationale dans le suivi des mineurs à l’issue du placement.

- Maintenir la capacité d’accueil globale des foyers classiques relevant de la PJJ (...).

- Mettre en oeuvre une évaluation complète et précise, fondée sur des critères pertinents, de l’incidence d’un placement en CEF sur la récidive, d’une part, sur la réinsertion, d’autre part. Au besoin, la loi devrait autoriser la mise en oeuvre d’évaluations à partir d’un suivi des mineurs après leur majorité.

- Réserver la détention en EPM aux mineurs devant être incarcérés pour une durée au moins égale à trois mois.

- Garantir l’individualisation de la peine, en particulier à travers la mise en place des régimes de détention différenciés (...).

- Organiser une politique dynamique d’aménagement de peine en particulier en créant des quartiers de semi-liberté.

- Développer de réelles synergies au sein du binôme [PJJ-pénitentiaire], en particulier par la mise en place de formations communes.


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