Justice » Actualité

Quelles orientations pour la protection judiciaire de la jeunesse en 2018 ?

Paru dans Justice le mardi 16 janvier 2018.

Les traditionnelles cérémonies des vœux de ce début d’année n’auront pas été l’occasion pour la ministre de la Justice d’éclaircir sa position sur la question de l’enfermement des mineurs ou sur la politique générale de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Le 15 janvier, Nicole Belloubet a reçu les rapports des cinq chantiers de la Justice. Des travaux lancés en octobre dernier pour alimenter les réformes qui seront menées durant le quinquennat et dont les résultats doivent être intégrés dans un projet de loi de programmation pour la justice 2018 – 2022 et des projets de loi de simplification civile et pénale qui seront présentés au Parlement au 1er semestre 2018. Mais aucun de ces chantiers ne concerne la PJJ et la justice des mineurs, souligne Christophe Caron, l’un des co-secrétaires nationaux du SNPES-PJJ/FSU interrogé par ToutEduc. Lors de ses vœux, la garde des Sceaux ne s’est pas étendue sur les problématiques de la PJJ. Les perspectives se résument à la création des 20 CEF (centres éducatifs fermés) en 2018, ce qui confirme la priorité donnée à l’enfermement au détriment du milieu ouvert dénonce le syndicat.

Quant à la question des moyens, "la ministre n’a pas grand-chose à en dire", juge le syndicaliste puisque que "la loi de finances pour 2018 prévoit la création de 40 postes d’éducateurs en remplacement de 38 postes d’assistants de service social qui, devaient se faire en 2017, ont été reportés en 2018 puis annulés". Des moyens que Christophe Caron estime "ridicules" en comparaison de ceux déployés pour les CEF qui fonctionnent avec 26 personnels par structures. Pour lui, "c’est une gabegie de mettre des moyens sur ce qui ne fonctionne pas". Quant à la réforme de l’ordonnance de 1945, la ministre n’en a pas parlé non plus à l’occasion de ses vœux. Le SNPES-PJJ, qui sera consulté fin janvier, "ne s’attend pas une réforme de grande ampleur qui reviendrait sur l’empilage des mesures sécuritaires des dernières années mais plutôt à des aménagements techniques".

Des précisions apportées par la DPJJ

Reçu par la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) en décembre dernier, le SNPES-PJJ/FSU a récemment publié un compte rendu de leurs échanges. S’agissant de la création des 20 CEF, il relate que Madeleine Mathieu "souhaite une plus grande concertation avec les directions territoriales et régionales afin que ces nouvelles structures soient mieux intégrées dans un dispositif d’ensemble qui permette la diversification des placements sur un même territoire". De plus, "tout comme les UEHC [unités éducatives d’hébergement collectif], les CEF verraient leurs effectifs baisser à 8 jeunes en interne et bénéficieraient de 4 places d’hébergements diversifiés. Ces 4 places pourraient être utilisées dans le cadre d’un placement intégré, au gré des équipes, en fonction de l’attitude et des besoins repérés du/de la jeune, sans avoir à en référer au juge à chaque changement, si ce dernier a donné préalablement son accord". Rappelant son opposition à l’existence et à la création de CEF, le syndicat considère que "l’indifférenciation des fonctionnements entre CEF et UEHC, avec des différences de moyens importants, participerait dangereusement à la banalisation de l’enfermement". Selon lui, le juge doit en outre rester garant de tout changement de lieu de placement.

S’agissant de l’incarcération des mineurs, "la DPJJ affirme n’être pas encore en mesure de porter une analyse pertinente sur les causes de l’augmentation de l’incarcération", relaie encore le SNPES-PJJ/FSU. Une étude serait en cours. Selon les premiers résultats, l’augmentation résulterait de l’incarcération de mineurs dans le cadre de la radicalisation violente et de l’incarcération des mineurs isolés étrangers (MIE). Ces derniers représenteraient 30 à 35 % des détenus en région parisienne et 10 % au plan national. Il s’agirait de "la conséquence des défaillances dans la mise à l’abri de ces mineurs et de la dégradation rapide de leur situation qui les mènerait aux passages à l’acte délinquant".

L'incarcération des mineurs isolés étrangers

De son côté, le syndicat estime que cette augmentation "est aussi la conséquence de l’empilement des lois sécuritaires, de l’état d’urgence […] et des politiques éminemment discriminatoires à l’égard des [MIE qui] sont plus rapidement et plus sévèrement sanctionnés". Les MIE sont aussi sur-représentés dans un grand nombre de quartiers pour mineurs et d’établissements pénitentiaires pour mineurs sur tout le territoire, selon les informations qui parviennent au syndicat. De son côté, la DPJJ a assuré mener des travaux pour prévenir l’augmentation des incarcérations. Or, s’étonne le SNPES-PJJ/FSU, ces travaux s’effectuent non pas avec les magistrats pour diminuer les mandats de dépôt mais avec l’administration pénitentiaire et portent sur l’élaboration d’une politique de transfèrement tenant compte des impératifs éducatifs, des liens familiaux ou encore de la situation particulière des MIE. Enfin, sur ce sujet, Madeleine Mathieu a confirmé à l’organisation syndicale l’ouverture d’un nouvel établissement pénitentiaire pour mineurs en Seine-et-Marne.

Par ailleurs, la DPJJ "dit avoir lancé" en avril 2017 un comité de pilotage sur l’évaluation du dispositif national de mise à l’abri des mineurs non accompagnés (autre appellation des MIE), avec la constitution de 4 groupes de travail sur les thèmes de l’évaluation de la minorité, la réévaluation, la représentation légale des mineurs, les fins de prise en charge à la majorité. Le colloque national qui devait avoir lieu sur la base de ces groupes de travail en janvier 2018 est reporté à une date ultérieure et, selon le syndicat, hypothétique. Parallèlement, une mission d’expertise bipartite nommée par le Premier ministre et le président de l’Assemblée des départements de France a été mandatée pour réfléchir sur le transfert de compétences entre les départements et l’État. Les conclusions de cette mission, initialement prévue pour le 16 décembre, devraient être rendues ces jours-ci. Des conclusions qui devraient avoir des incidences sur celles des groupes de travail, indique encore le SNPES-PJJ (voir aussi ToutEduc ici)

Enfin, Madeleine Mathieu n’aurait toujours pas reçu sa lettre de mission, ce qui n’empêche pas que "les expérimentations et mises au travail [soient] lancées sans consultation préalable des organisations syndicales", déplore le syndicat.

Lydia Laga

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →