La "science de la lecture" dans la revue ANAE
Paru dans Scolaire le jeudi 06 avril 2023.
"La science de la lecture s'inscrit dans une approche fondée sur des preuves en éducation (en anglais, evidence-based education). Cette approche vise à faire reposer les politiques et les pratiques éducatives sur des données de recherche probantes et à contrer l'influence des orthodoxies, des modes passagères et des croyances sans fondements", estiment Alain Desrochers (U. d'Ottawa) et Johannes Ziegler (U. Aix-Marseille) dans le dernier numéro de la revue ANAE (Approche neuropsychologique des apprentissages chez l'enfant). Et ils s'interrogent aussitôt : "Quand les données sont-elles probantes ? (...) Peut-on identifier les modèles les plus efficaces pour l'apprentissage de la lecture ?"
Ils reconnaissent alors que cette question "est difficile" et ils ajoutent que "les chercheurs" ont élaboré trois modèles "pour comprendre l'apprentissage de la lecture". Le "modèle simple" prévoit que la compréhension de l'écrit "est le produit de l'identification des mots et de la compréhension de l'oral". Le second propose de décrire les processus cognitifs de l'apprenti lecteur comme ceux d'un ordinateur. Le troisième, notamment développé par Stanislas Dehaene, "vise à comprendre les structures neuroanatomiques du cerveau", et la façon dont la fonctionnalité pour la lecture d'une zone du cerveau "est déclenchée par l'apprentissage du décodage phonologique des mots". Les auteurs soulignent toutefois "la diversité et l'enchevêtrement des cibles d'apprentissage qui concernent l'encodage des sons de la parole et du sens dans l'écrit" et ils évoquent "l'étendue et la diversité (...) des écueils que les élèves doivent surmonter pour devenir des lecteurs compétents".
Dans un autre article, Johannes Ziegler et Liliane Sprenger-Charolles (CNRS) distinguent deux phases pour cet apprentissage, la première porte sur un apprentissage systématique, intensif, explicite des principales correspondances graphème-phonème et la seconde est celle de l'auto-apprentissage, puisque l'enfant va décoder "de façon autonome les mots qui lui sont proposés". Pour la première, "des outils numériques, tel que GraphoGame ou Kalulu peuvent être utiles pour travailler cette compétences".
A noter que, pour Kalulu, S. Dehaene a reconnu des résultats certes intéressants immédiatement, mais décevants à terme (voir ToutEduc ici). Pour GraphoGame, les auteurs citent en bibliographie un article de 2022 (Lassault et al., in Scientific Studies of Reading, ici) dans lequel ses effets sont évalués à l'issue de l'expérimentation. Ils sont limités (.27 pour l'orthographe, .23 pour la reconnaissance des phonèmes, .18 pour la 'fluence' en lecture de mots) et même pratiquement nuls (.11) pour la fluence en lecture de pseudo-mots.
ANAE, n° 182, "L'apprentissage de la lecture à l'école primaire : du décodage à la compréhension", dossier coordonné par A. Desrochers et J. C. Ziegler. Le site ici