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Financement de l'Education : l'exception française (OCDE)

Paru dans Scolaire le mardi 25 juin 2013.
Mots clés : OCDE, PISA, économie, décentralisation

"La crise économique et financière qui a frappé l’économie mondiale à la fin de l’année 2008 a eu des répercussions sur la plupart des systèmes éducatifs de l’OCDE." Dans l’édition 2013 de Regards sur l’éducation, qui donne les chiffres clés des systèmes éducatifs des pays membres, l'OCDE fait un constat paradoxal. Alors que la crise de 2008 a renforcé la valeur de l'éducation en creusant les écarts de niveau de vie entre les diplômés et les "décrocheurs" précoces, elle a aussi freiné le mouvement général d’investissement dans l’éducation entrepris par les pays de l'OCDE (1).

Entre 2005 et 2010, la plupart des pays de l’OCDE ont vu leurs dépenses éducatives augmenter. En moyenne, les dépenses par élève ont augmenté de 17%. En Corée, qui s’est progressivement hissée en tête des classements PISA, ces dépenses ont même augmenté de 40%. Avec une croissance des dépenses de 5%, la France fait partie des six pays où l’augmentation a été la plus mesurée.

Ce mouvement d’expansion s’est ralenti après 2008. En moyenne, entre 2009 et 2010, l’augmentation des dépenses publiques liées à l’éducation a été quatre fois moins rapide qu’entre 2008 et 2009 (1% contre 4%). "Entre 2009 et 2010, les dépenses publiques éducatives ont diminué dans un tiers des pays de l’OCDE, et cette contraction a été de plus de 2% dans 7 des 23 pays de l’organisation (Autriche, Espagne, États-Unis, Irlande, Norvège, Nouvelle-Zélande, Portugal)", notent les analystes de Regards sur l’éducation. La rémunération des fonctionnaires et des travailleurs du secteur public s’en est ressentie. Entre 2009 et 2011, les salaires des professeurs du 1er degré ont baissé dans 17 des 25 pays de l’OCDE, ceux du second degré dans 16 de ces pays. Leurs rémunérations se sont notamment contractées de plus de 16 % en Grèce et en Hongrie.

Exceptions françaises

La France fait exception. Dans l’Hexagone, les salaires des enseignants n’ont pas été affectés par la crise. Ils sont restés stables entre 2009 et 2011, et ont même très légèrement augmenté dans le second degré. Il faut nuancer cette particularité au regard de la seconde exception Française, qui concerne le niveau de salaire des enseignants. La France fait partie des 4 pays de l’OCDE où le pouvoir d’achat des enseignants a diminué entre 2000 et 2011 (lire ToutEduc ici). Ces dix dernières années, le salaire statutaire (qui n’inclut pas les primes ni le paiement d’heures supplémentaires) des enseignants ayant au moins 15 ans d’exercice à leur actif a augmenté de 18 à 20% en moyenne dans l’OCDE, alors qu’il s’est contracté de 9% en France.

Cette exception française est liée à une stratégie de financement particulière. Après la Grande-Bretagne, la France est le pays de l’OCDE qui insiste le plus sur les "services éducatifs auxiliaires" (cantine, médecine scolaire, transports) par rapport aux "services de base" (salaires des enseignants, entretien des bâtiments, achat de livres, gestion des établissements). En moyenne, dans l’OCDE, les services de base couvrent 94% des coûts dans le primaire et le secondaire. Les services auxiliaires concentrent plus de 10% des coûts dans 7 pays seulement, dont la France (13,6%), mais aussi la Finlande (10,5%) et la Corée (12,2%).

La France est aussi l’un des pays de l’OCDE où la répartition des dépenses entre le primaire et le secondaire est la plus inégale. Dans l’OCDE, en moyenne, les dépenses affectées au primaire sont 10% inférieures aux dépenses consacrées au secondaire. Cet écart est six fois plus important en France (60%). "La France présente une structure atypique : il y a peu de pays où les écarts de financement sont aussi importants", note Eric Charbonnier, pour qui la France pourrait suivre l’exemple du Luxembourg et d’Israël, "qui ont pris des mesures pour améliorer en priorité le salaire des enseignants du primaire". En Finlande ou en Corée, dont les systèmes éducatifs obtiennent les meilleurs scolaires PISA, l'écart de financement entre le primaire et le secondaire atteint 20%. 

Des pays "modèles" à la trajectoire opposée

Même si la plupart des pays de l’OCDE ont augmenté leurs dépenses par élève ces dernières années, la crise a freiné leurs désirs d’investissement dans l’éducation. Alors qu’entre 2000 et 2010, les dépenses publiques liées à l’éducation ont crû plus vite que le PIB dans tous les pays de l’OCDE, la part du PIB consacrée à l’éducation a diminué entre 2008 et 2010 dans 23 des 34 pays observés par  Regards sur l’éducation. Dans l'OCDE, elle s’est contractée de 2% en moyenne.

Les pays "modèles", la Finlande et la Corée, ont connu des trajectoires opposées : les Finlandais ont diminué la part de leur PIB consacrée à l’éducation quand les Coréens l’ont augmentée.

En France, cette part restait en 2010 légèrement supérieure à la moyenne de l’OCDE (5,9% contre 5,8%). Ces crédits sont-ils concentrés sur l’université, comme on l’a souvent reproché aux pouvoirs publics français ? Pas vraiment, puisque la France consacre 4,1% de son PIB aux dépenses liées au primaire et au secondaire, soit davantage que la moyenne de l’OCDE (3,9%) et autant que la Finlande (4,1%) et la Corée (4,2%).

L’éducation, priorité des Etats libéraux ?

En revanche, les politiques publiques mettent moins l’accent sur l’éducation en France que dans l’OCDE. En 2010, en moyenne, les pays de l’OCDE consacraient 13% de leurs dépenses publiques à ce domaine, contre 1O,4 % en France. L’Hexagone fait partie des 6 pays dans lesquels la proportion des dépenses publiques consacrées à l’éducation n’a pas augmenté entre 1995 et 2005 (avec le Canada, Israël, le Japon, la Nouvelle-Zélande et le Portugal). Cette proportion a diminué de 10% entre 2000 et 2010, alors qu’elle était en légère augmentation dans l’OCDE sur la même période.

Entre 2008 et 2010, beaucoup de pays de l'OCDE ont cependant suivi la tendance française. "En compressant les budgets publics, la crise financière a incité les Etats à effectuer des arbitrages entre certains services publics clé, comme l’éducation, la santé et la sécurité sociale", expliquent les analystes de l'OCDE. Dans plus de la moitié des pays (16 sur 30), le budget consacré à l’ éducation a augmenté moins vite que le niveau général des dépenses publiques.

En revanche, six Etats ont fait de l’éducation une priorité en augmentant de plus de 5% la part de leurs dépenses publiques consacrées à ce domaine, malgré la crise : l’Australie (où ce taux a augmenté de 14 % entre 2008 et 2010), l’Islande (augmentation de 13%), la Grande-Bretagne (9%), la Suisse (6%), la Nouvelle-Zélande (5%) et Israël (5%).

Actuellement, les pays consacrant la plus grande part de leurs dépenses publiques à l’éducation sont concentrés en Amérique du Sud : trois des cinq premiers appartiennent à cette zone (le Mexique, le Brésil et le Chili), la Nouvelle-Zélande et la Corée complétant le classement. Les pays où l’Etat intervient peu dans l’économie ont aussi tendance à faire de l’éducation une priorité. "Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les pays où l’éducation occupe la plus grande part des dépenses publiques (le Brésil, la Corée, la Nouvelle-Zélande et la Suisse) sont aussi ceux qui ont le plus faible taux de dépenses publiques relativement au PIB", note l’OCDE. La Corée, qui est le troisième pays de l’OCDE où le taux de dépenses publiques est le plus faible, consacre ainsi 16,2% de ses dépenses publiques à l’éducation, un taux 20% supérieur à la moyenne de l’OCDE.

A l’opposé, seuls cinq pays consacrent moins de 10% de leurs dépenses publiques à l’éducation (Italie, Japon, République Tchèque, Irlande, Hongrie), la France se situant juste devant ce peloton de queue. Cependant, comme le rappelle l’OCDE, de fortes dépenses n’impliquent pas toujours de bons résultats. "Il ne suffit pas de dépenser plus pour améliorer un système éducatif : le qualitatif importe davantage que le quantitatif", a rappelé Eric Charbonnier, analyste de l’OCDE, en présentant les résultats de Regards sur l’éduction.

Décentralisation et performances

D’importantes dépenses au niveau national peuvent ainsi être inadaptées aux contextes locaux. C’est pourquoi les pays de l’OCDE effectuent d’importants transferts de crédits entre l’Etat centralisateur, les collectivités (à l’échelle "régionale") et les villes (à l’échelle "locale"). En moyenne, dans l’OCDE, l’Etat reste le principal bâilleur de fonds, puisqu’il assure 53,8% des dépenses publiques en éducation. Mais près d’un tiers de ces crédits sont ensuite transférés aux échelons inférieurs, principalement les villes. Après transferts, dans l’OCDE, l’Etat n’assure plus en moyenne que 37% des financements, les collectivités 18,2% et les villes 44,2%. En Finlande et en Corée, dont les systèmes éducatifs sont souvent cité parmi les plus performants, l’Etat assure respectivement 10% et…0,9% des financements de l’éducation après transferts.

En France, le taux de financements publics assurés par l’Etat après transferts est presque deux fois supérieur à la moyenne de l’OCDE (69,3% contre 37,1%). Si le rôle joué par les régions est sensiblement équivalent en France (18,3%) et dans l’OCDE (22,4%), la part des financements locaux (assurés par les collectivités) est plus de trois fois inférieur dans l’Hexagone (12,4% contre 44,2%).

Même si la plupart des pays de l'OCDE adoptent un fonctionnement décentralisé, le transfert de crédits n'est pas toujours nécessaire au bon fonctionnement d'un système éducatif. La Nouvelle-Zélande, où le système scolaire est totalement centralisé (l’Etat y assure 100% des financements), et le Canada, largement décentralisé (l’Etat prend en charge moins de 5% des financements après transferts), ont un niveau de performance équivalent pour des sources de financement opposés. Au classement PISA 2009, le Canada était 3e, la Nouvelle-Zélande 4e.

(1) Les données de Regards sur l’éducation permettent d’évaluer les premiers effets de la crise économique sur les investissements en éducation, "même si les données disponibles ne permettent pas de rendre compte de l’impact réel de la crise qui a débuté en 2008". Dans ce domaine, trois indicateurs sont à retenir : le niveau des dépenses par élève indique si l’éducation a pu servir de variable d’ajustement en période de restriction budgétaire ; la part du PIB consacrée à l’éducation correspond au niveau "réel" d’investissement d’un pays dans l’éducation (il prend en compte l’évolution de la "richesse d’un pays"); enfin, la proportion des dépenses publiques consacrées à l’éducation indique l’importance relative de ce domaine par rapport aux autres secteurs bénéficiant de l’intervention de l’Etat.

L'édition 2013 des Regards sur l'éducation peut être consultée sur le site de l'OCDE, ici

Raphaël Groulez

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