Et si la Finlande n'était pas un paradis éducatif ? (Revue de l'université de Nantes)
Paru dans Scolaire, Orientation le lundi 17 juin 2013.
Mots clés : Finlande, PISA, CREN, Dervin
Et si l'excellence du système éducatif finalndais était un mythe ? C'est du moins l‘hypothèse que travaille le dernier numéro de "Recherches en éducation", la revue du CREN (centre de recherche en éducation de l'université de Nantes) qui constate que "la Finlande est souvent très bien classée dans la plupart des classements médiatiques ou supranationaux", mais qui ajoute que le pays a développé un "marketing de l‘éducation", et qu'il vend son modèle à de nombreux acheteurs, dont l‘Arabie Saoudite, la Chine et les Emirats, et que les critiques qui s'expriment dans le pays soient peu relayées à l'extérieur.
Il semblerait d'abord que le "miracle finlandais" ne soit pas le résultat d'une politique réfléchie, mais qu'il soit lié "à la grave crise économique des années 90 et au néo-libéralisme afférent, l‘Etat ayant préféré alors laisser les municipalités gérer financièrement les établissements à l'époque par manque de fonds nationaux". Les résultats s'expliqueraient aussi par le fait que "le finnois a une orthographe régulière et un son correspond à une lettre, ce qui permettrait peut-être d‘apprendre à lire plus facilement". De plus, PISA ne traite que de l'éducation à quinze ans et ne dit rien sur le lycée, les études supérieures ou l'éducation des adultes: "Généraliser sur l‘éducation finlandaise à partir de PISA pose donc de gros problèmes méthodologiques et éthiques."
Il serait faux que tous les élèves finlandais soient bons. En 2009, à en juger par PISA, les filles avaient largement l‘avantage, et c'est la différence la plus marquée de tous les pays membres de l'OCDE. "Autre phénomène très peu mentionné" : les résultats discordants entre la minorité suédophone et la majorité finnophone qui s‘expliqueraient "par la pénurie d‘enseignants en éducation spécialisée dans les écoles suédophones du pays, voire une formation de moins bon niveau (...)".
L'égalité des chances serait également un mythe, "les enseignants finlandais sont recrutés localement" et "les meilleurs enseignants sont recrutés par les meilleurs établissements, qui se trouvent concentrés dans le sud du pays". D'ailleurs, "les écarts entre les établissements se creusent en Finlande" et "les enfants d‘immigrés ont trois fois plus de risque de quitter le système éducatif à la fin des études de base".
Quant à l'idée que les enfants finlandais serait heureux à l'école, elle est battue en brèche par quelques faits divers, comme ces meurtres commis dans les établissements.
Le numéro est coordonné par Fred Dervin, de l'université d'Helsinki et la revue espère mener "à davantage d‘analyses nuancées et réalistes sur le système éducatif finlandais mais aussi, indirectement, à s‘interroger de façon réflexive sur les autres systèmes".
Un numéro de "Pisa à la loupe" publié en février 2013 observait un "déclin" du modèle finlandais (voir ToutEduc ici)
Le numéro peut être consulté sur le site de la revue, ici.