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V. Peillon marque encore une fois sa volonté de dépasser les "affrontements partisans" (Assemblée nationale)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le mercredi 13 mars 2013.

"Nous allons développer l’apprentissage sous statut scolaire, et je fixe un objectif de 40 000 élèves dans ce domaine". Hier 12 mars, en clôture des discussions générales de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de refondation de l'Ecole, Vincent Peillon a fait une proposition qui s'inscrit dans la continuité de ses dernières déclarations (lire ToutEduc ici) : éviter les "logiques partisanes" et se mettre au service d'une "cause nationale".

Pour montrer sa détermination, le ministre n'a pas hésité à se réapproprier plusieurs termes souvent entendus à la droite de l'Hémicycle, vers laquelle il s'est tourné pour prononcer son discours. Se défendant de toute "idéologie", il a affirmé vouloir conserver "le dispositif d'initiation aux métiers en alternance", pour développer "l'apprentissage sous statut scolaire". Quant à la suppression de l'apprentissage à 14 ans, il ne s'agit pas d' une mesure idéologique, mais pragmatique, a précisé le ministre : seuls "quelques centaines d'élèves" ont profité de ce système. "Lorsque les choses n’ont pas d’utilité, il vient un moment où il faut les supprimer".

Le 13 mars, devant la presse parlementaire, V. Peillon a confirmé avoir maintenu la possibilité d'entrer en apprentissage à 15 ans, même si "le dispositif ne concerne que 7 000 élèves". Selon lui, les débats sur ces points sont avant tout idéologiques.

Autonomie pédagogique

La question de l'autonomie des établissements l'est tout autant. Devant l'Hémicycle, V. Peillon a affirmé "croire à l’autonomie", avant de préciser qu'il s'agissait de "l’autonomie pédagogique des équipes enseignantes", et qu'elle ne devait pas "rompre avec le cadre national et accroître les inégalités".

Face à la presse parlementaire, V. Peillon a rappelé que les établissements connaissent déjà des "évolutions notables" en termes d'autonomie pédagogique pour les collèges, du fait que les contrats d'établissement sont à présent tri-partites, établissement-recteur-collectivité. Même si la loi ne modifie pas le statut des établissements ni celui des enseignants, la circulaire sur les obligations de service dans le premier degré et le référentiel métiers constituent aussi "des avancées importantes".

Le ministre annoncera "bientôt" d'autres mesures, à la suite de la "grande négociation" qu'il a lancée sur la question de l'autonomie.

Convergences

Le 12 mars, l'ancien professeur de philosophie a souligné d'autres points de convergence entre son projet et la vision de l'école défendue par la Droite. Il a affirmé rejoindre l'opposition sur l'importance qu'elle accorde au "socle commun" (lire ToutEduc ici) et à l'école primaire. Le député Jean-Frédéric Poisson (UMP) a reconnu "son accord à titre personnel" avec trois points de la réforme : "la priorité donnée à l'école primaire", la place accordée à l'enseignement numérique et "les relations qu'entretiennent l'éducation nationale et les collectivités locales".

En écho à son discours d'ouverture des débats (lire ToutEduc ici), Vincent Peillon a aussi rappelé qu'il s'inscrivait "dans la continuité des réformes éducatives" menées par les gouvernements Jospin et Fillon. Cependant, il les a cette fois-ci renvoyées dos à dos. "Nous avons constaté que Lionel Jospin avait introduit les cycles en 1989, que François Fillon avait défini le socle commun de connaissances et de compétences en 2005, mais que cela ne fonctionnait pas et n’avait pas encore été traduit dans la réalité de notre école". Selon lui, cette inefficacité est liée à la "logique purement discursive" qui a prévalu et empêché de "changer effectivement l'école".

Pour agir efficacement, le ministre n'a pas hésité à reconnaître qu'il fallait parfois "affronter sa propre majorité", évoquant le cas de la "réforme Chatel" du lycée, qu'il refuse de condamner avant son "évaluation".

La plupart des députés ont partagé cette volonté de mener des "débats constructifs". Face à la situation actuelle du système scolaire français, "l’affrontement partisan et les dérobades ne sont pas de mise", a ainsi affirmé Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP). "Le temps éducatif ne doit pas être le temps de la polémique", a abondé Françoise Dumas (SRC).

Selon les membres du gouvernement, les débats ont donc été constructifs : "le constat que nous avons fait sur la situation de l’école et sur la nécessité de réagir en urgence est unanimement partagé ", s'est félicitée G. Pau-Langevin, reprise en écho par Vincent Peillon. "J’ai entendu que nous partagions des valeurs, un diagnostic, des objectifs, et même une méthode", a-t-il déclaré à l'Hémicyle, sans provoquer de réaction de la part des députés de l'UMP.

Lignes de fracture

Les clivages politiques restent en revanche forts sur un certain nombre de sujets. En relevant "ce que la loi fait disparaître de manière regrettable, ce que la loi porte mais de façon bien trop générale et imprécise et ce que la loi ne contient pas", la députée Dominique Nachury (UMP) a résumé les principales lignes de fracture entre le projet de Vincent Peillon et celui de la Droite.

Les oppositions les plus fortes - "ce que la loi ne contient pas" - concernent "l'évolution du métier d'enseignant" et "l'articulation avec les collectivités locales". D. Nachury défend un "pilotage local" des réformes, ce qui implique de privilégier l'autonomie des établissements à un "pilotage centralisé", pour reprendre l'expression de Nathalie Kosciusko-Morizet . "Seule une part d’autonomie permettra de faire évoluer le système de l’intérieur, de traiter localement les situations spécifiques, d’expérimenter sous contrôle et de comparer méthodiquement, jusqu’à faire émerger des solutions nouvelles, de former dans les établissements des équipes soudées, volontaires, autour de véritables projets, et d’impliquer ainsi, concrètement, les familles et les élèves", a expliqué la députée de l'Essonne.

Cette autonomie garantirait la créativité des enseignants, dont le statut est devenu trop fragile. D. Nachury et N. Kosciusko-Morizet ont regretté que V. Peillon ait voulu augmenter le nombre de postes d'enseignants au détriment de leur rémunération. "Il faudrait, plutôt que d’augmenter le nombre d’enseignants, revaloriser leurs rémunérations, dans le cadre de la redéfinition devenue indispensable de leurs missions et de leurs services", a affirmé la députée de l'Essonne sous les applaudissements des bancs de l'UMP.

D. Nachury reproche aussi au projet de loi de "faire disparaître le dispositif d'initiation aux métiers en alternance". Par son attachement au collège unique, le ministre "affirmerait l'égalité mais créerait l'inégalité". "Écrire que tout élève 'en vaut' un autre, comme d’ailleurs tout enseignant en vaut un autre ou tout établissement en vaut un autre, affirme l’égalité mais crée l’inégalité".

Selon la députée du Rhône, la loi n'insiste pas non plus suffisamment sur la maîtrise du socle commun de connaissances et de compétences. "Si l’on ne peut garantir une obligation de résultat dans ce domaine, il serait au moins nécessaire de lier moyens et évaluation de leur mise en œuvre".

La scolarisation des enfants de moins de 3 ans risque quant à elle de destabiliser les structures existantes. Pour D. Nachury, il faudrait au contraire financer des "structures de transition" entre l'accueil du jeune enfant et l'école maternelle. Or, selon Dino Cinieri (UMP), "la généralisation de la scolarisation précoce laisse à penser que le Gouvernement va renoncer à augmenter le nombre de places en crèche et limiter les aides aux familles pour la garde des petits enfants."

Valeurs familiales

Pour les députés UMP, le projet de loi de V. Peillon menace la stabilité de la famille. Il risque de destituer les parents de leur rôle éducatif, alors que l'Ecole ne peut "agir en lieu et place de la famille, ou parallèlement à elle, ou même contre elle, pour arracher l’élève à ses déterminismes", comme l'a soutenu Annie Genevard (UMP) en écho aux propos de Xavier Breton (lire ToutEduc ici).

La "morale laïque" laisse aussi cette députée sceptique. Si le retour de la morale à l'école est central, son enseignement "ne peut se réduire à la laïcité". Il "doit se faire dans le respect des valeurs de la famille", confirme Dino Cinieri. Faudrait-il négliger certaines de ces valeurs sous prétexte qu'elles sont tirées de textes religieux ?

Comme Vincent Peillon pour les questions de l'autonomie et de l'apprentissage, George-Pau Langevin a repris à son compte les "valeurs familiales" défendues par la Droite. Affirmant "partager entièrement les propos" des députés qui ont relevé l'importance de la famille, la ministre a souligné "que le rôle de la famille est tout à fait important dans la réussite et le parcours scolaire des élèves". Selon elle, la loi ne menace ni l'autorité parentale, ni les "programmes personnalisés de réussite éducative", auxquels la Droite est attachée. Si "un article du projet de loi prévoit bien un assouplissement de la procédure de ces programmes" afin "d’éviter les blocages", cela ne signifie pas que la place des parents serait sous-estimée. "Un autre article du texte affirme leur place, notamment en rétablissant les conseils d’école, où ils sont particulièrement présents".

Le projet de loi respecterait même davantage les familles que le gouvernement précédent. "Au cours de la législature précédente, on a eu droit à un discours assez stigmatisant contre les parents" a rappelé la ministre déléguée à la réussite éducative, en donnant comme exemple la menace de suppression des allocations familiales aux "parents des milieux populaires". "C'est une tout autre logique que nous défendons", a-t-elle ajouté.

"L'autonomie, c'est nous !"

La recherche de consensus n'a pas empêché les députés de la majorité de marquer la rupture de leur projet avec le gouvernement précédent. "S’il y a bien un domaine dans lequel le bilan du précédent gouvernement est accablant, dans lequel les promesses n’ont pas été tenues, dans lequel les convictions et les valeurs se sont délitées un peu plus chaque jour et envers lequel la société tout entière est en perte de confiance, c’est l’éducation ", a lancé Sylvie Tolmont (SRC) en ouverture de la séance. A sa suite, les députés ont condamné le "bilan catastrophique de la mastérisation" (Martine Martinel, SRC), et affirmé que la loi allait "d’abord permettre de réparer ce qui a été démantelé par la précédente majorité" (Mathieu Hanotin, SRC).

"Nous avons une conception de l’éducation bien différente de celle de la majorité précédente, une conception où les mots de confiance, solidarité, laïcité ont un sens", a résumé Stéphane Travert (SRC).

Malgré sa volonté d'apaisement, Vincent Peillon lui-même a distingué l'action des gouvernements de Droite et Gauche en matière d'autonomie des établissements. "Vous parlez beaucoup d’autonomie, mais le projet d’autonomie des établissements, c’est d’abord Alain Savary, puis Lionel Jospin et, enfin, nous. Vous, vous n’avez jamais rien fait en la matière !", a-t-il lancé aux députés de l'UMP, sous les applaudissements des bancs du groupe socialiste et les exclamations de la droite de l'Hémicycle.

Celles-ci ont d'ailleurs couvert une partie du discours du ministre. Alors que le début de son discours était prononcé dans un silence attentif, une altercation avec le député Patrick Hetzel (UMP) a agité les bancs du groupe UMP, qui ont reproché à Vincent Peillon sa "suffisance" et son "mépris". "C’est vous qui êtes méprisants, en n’écoutant pas. Vous n’avez pas écouté hier et vous n’écoutez pas aujourd’hui !", a rétorqué le ministre de l'Education.

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