La souffrance des professionnels de la protection de l'enfance trop souvent tue (Un livre à paraître)
Paru dans Petite enfance, Justice le lundi 29 octobre 2012.
Confrontés à des bébés et des enfants qui souffrent et à des parents défaillants ou en détresse, les professionnels de la protection de l'enfance aussi peuvent avoir besoin d'un soutien psychologique.
Lors d'un colloque sur la protection de l'enfance qui s'est tenu la semaine dernière, la pédosychiatre Matine Lamour a expliqué que ces professionnels peuvent être déstabilisés par les situations de souffrance qu'ils découvrent. Ils peuvent très rapidement se sentir impuissants ou se retrouver en conflit avec les autres professionnels qui n'auront pas le même ressenti face à la situation de la famille.
De plus, la pathologie familiale, dont les symptômes sont souvent une intolérance de la mère à "l'enfant réel" au profit d'un "enfant imaginaire", s'infiltre dans les relations entre l'enfant, les parents et les professionnels. "Les professionnels doivent être formés à ces problématiques. Et ils doivent bénéficier d'une écoute empathique et respectueuse de la part d'un psychologue qui a été confronté à des situations familiales défaillantes. Ces derniers ne doivent pas être impliqués dans la prise en charge. Ils doivent faciliter la mise en place d'un cadre rigoureux et durable, qui offre aux professionnels la possibilité d'exprimer leur ressenti. Ce dispositif doit permettre la formation d'une enveloppe partenariale autour de la famille et de garder l'enfant au coeur de leurs préoccupations", insiste Martine Lamour.
Une souffrance tue
Cette souffrance des professionnels de la protection de l'enfance n'est pas reconnue et souvent est tue. Pourtant "ces symptômes nous renseignent sur les familles et sur nous-mêmes". Comment s'exprime la souffrance des professionnels? "Ils se sentent dévalorisés, impuissants. Beaucoup ressentent de l'empathie en présence du bébé et ont envie de le ramener chez eux. Ils portent aussi le poids du signalement ou souffrent de découvrir des relations incestueuses dans des familles qu'ils suivent depuis longtemps. Cette violence des émotions et l'angoisse qui en découle provoque des conflits entre professionnels quand ils abordent la question des risques pour l'enfant. Et puis il y a ceux qui vont au domicile familial et n'ont pas le même avis que les autres membres de l'équipe, notamment autour de la question du placement. Chacun attend que ce soit l'autre qui prenne la décision, parfois dès l'arrivée du bébé à la maternité jusqu'à ce qu'il soit en crèche..."
Martine Lamour a exercé pendant 28 ans au Centre Myriam David, Fondation Rothschild. Dans cette unité de soins psychiatriques pour jeunes enfants et leurs parents, sa pratique s’est centrée plus particulièrement sur les nourrissons exposés à des troubles graves de la parentalité, souvent dans le contexte d’une psychopathologie familiale (psychoses chroniques, carences, etc.). Elle a été professeur associé de psychologie de l’enfant à l’université René Descartes (Paris-V) et poursuit actuellement son activité de formatrice dans le cadre de formations continues destinées aux professionnels.
Son nouveau livre, rédigé avec Marceline Gabel, paraîtra sous peu sous le titre "La souffrance des professionnels confrontés aux troubles graves de la parentalité".
Le COPES, centre de formation pour les professionnels de l'enfant, l'adolescent et la famile, a organisé ses Escales 2012, colloque annuel, sur le thème de "l'optimisme" dans la protection de l'enfance. ici