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Le numérique au service de la créativité pédagogique : porrait d'un passionné, Ph. Mercier

Paru dans Scolaire le vendredi 07 septembre 2012.

Les enseignants auraient un rapport ambivalent aux outils numériques, privilégiant ceux qui sont "ouverts, modulables, interactifs, évolutifs" et délaissant "les  manuels numériques", selon un récent rapport des inspections générales (voir ToutEduc, Une critique sévère du plan Chatel de développement du numérique (Inspections générales)). Portrait d'un de ces enseignants, Philippe Mercier, professeur de collège qui a développé sur Internet un dispositif "ouvert, modulable, interactif et évolutif", "maths vidéos" sans espérer toucher de "droits d'auteur". Il se définit d'abord comme un enseignant, et évoque l'émotion qui naît de "ce moment précis où le message passe", où il perçoit "le déclic" chez ses élèves.

ToutEduc : Vous êtes dans le paradoxe. Vous évoquez cet instant de bonheur que connaît tout enseignant dans sa classe, lorsqu'il perçoit chez ses élèves cet éclair, et vous développez votre programme en direction d'internautes que vous ne verrez jamais...

Ph. Mercier : Vous avez raison. J'ai cependant fréquemment des traces de ce fameux "déclic" dans les commentaires, les mails, les messages. La rédaction du texte, très spontanée et enthousiaste, traduit alors le soulagement et le bonheur d'avoir réussi à vaincre ce qui faisait difficulté. Mais permettez-moi d' évoquer une des grandes sources de satisfaction que je connais avec maths-videos. Pendant que je fais cours à une vingtaine d'élèves à Château-Salins, je sais que des centaines d'autres, en France mais également au Sénégal, au Burkina Faso, au Vietnam..., se forment à l'aide des modules que je leur propose. Ils sont actuellement deux à trois mille chaque jour, issus de la francophonie, à fréquenter le site. Je fais souvent partager ce sentiment à mes élèves. Pendant que je leur parle, que je fais cours, physiquement présent devant eux, j'interviens aussi virtuellement auprès de centaines d'autres. C'est assez grisant. Encore davantage pour ma génération qui a vu naître le village global par l'universalité même d'internet.

ToutEduc : Mais peut-on parler d'interactivité avec des vidéos ?

Ph. Mercier : C'est une question que je me suis longtemps posée. Comment expliquer l'efficacité réelle du dispositif alors que l'interactivité paraît si réduite ? Parce qu'au fond, rien de très nouveau. Dans les années 70, on pouvait déjà voir à la télévision française des vidéos dans l'enseignement des langues par exemple. Il y a certes un avantage non négligeable à utiliser l'outil vidéo sur un ordinateur. On ne dépend plus d'un flux, on peut parcourir très aisément le film. L'essentiel n'est cependant pas là. Je pense avoir eu un jour la réponse dans un propos du chercheur en sciences de l'éducation Gérard Fath de l'université de Nancy II. Il défendait alors l'idée qu'un cours magistral pouvait très bien être interactif. Si le cours magistral est bien fait, s'il inventorie les obstacles à l'apprentissage et donne les clefs pour les surmonter, vous avez une situation d'interactivité entre le formateur et l'apprenant. Il faudra bien entendu que le formateur, par les variations de ton, par la mise en valeur des mots clefs parvienne à retenir l' attention de l'apprenant. On revient donc à l'essentiel : la pédagogie. Les vidéos sont conçues de manière à répondre aux différentes difficultés possibles sur telle ou telle question. Sans entrer dans les détails, la didactique, en l'occurrence celle des mathématiques, permet au pédagogue d'effectuer ce travail essentiel qui contribuera à l'efficacité de la vidéo. D'autre part, les vidéos font l'objet de multiples prises (100 pour une vidéo de 45 minutes environ) de manière à prononcer au bon moment les mots, les phrases qui vont éclairer tel ou tel point.

ToutEduc : Vous parlez de pédagogie mais ne pensez vous pas qu'on risque de consommer une vidéo comme on consommerait un documentaire ?

Ph. Mercier : Antoine de la Garanderie, qui nous a quittés il y a deux ans, est un des rares à s'être intéressé à ce qui se passe dans la "boite noire", dans le cerveau. Je résume grossièrement son idée. Il pensait que certains élèves avaient besoin d'activités manuelles pour comprendre une notion, d'autres se formaient plus efficacement s'ils recevaient le message sous forme orale, d'autres enfin avaient absolument besoin d'un support visuel. En clair, pour être un bon formateur, il faut être multimédia. Or, les progrès faits en informatique permettent aujourd'hui de concevoir des modules vidéos qui contiennent toutes ces dimensions. Pour répondre complètement à votre question, une vidéo pédagogique n'est pas un exposé mais bien un outil qui a été spécifiquement façonné pour un objectif précis. Il serait même insupportable de regarder une des vidéos pédagogiques, avec ses répétitions, ses mots clefs revenant de façon incessante comme un documentaire ou un film quelconque. C'est la grande différence avec le flux proposé par une chaîne de télévision. Pas de spectacle, mais un outil véritablement dédié à sa mission.

ToutEduc : Puisque la pédagogie vous passionne, pourquoi ne pas avoir carrément contribué à l'écriture d'un manuel ?

Ph. Mercier :  Aucun éditeur n'accepterait la façon dont j'introduis certaines notions. D'autre part, n'ayant pas le tampon "agrégé" ou "corps d'inspection", mes contributions partiraient directement au panier. Mais Internet a tout bouleversé... Avec internet, c'est aussi l'idée d'horizontalité que nous vivons. Un enseignant, en milieu rural, dans son coin, peut être à l'origine de vraies avancées pédagogiques. Le problème est qu'il échappe à l'institution et à toute forme de validation institutionnelle. Le système se défend (je suis bien placé pour le savoir) mais son combat est vain et déjà perdu.

ToutEduc : Depuis combien de temps vous tient cette passion de la pédagogie via les outils numériques ?

Ph. Mercier : Depuis les années 80. Je m' occupais alors d'une MJC [maison des jeunes et de la culture, ndlr], et sur un "commodore 64", j'ai eu un jour une copie de multiplan (l'ancêtre d'excel). J'ai compris que rien ne serait plus pareil. Je n'ai eu alors de cesse de trouver en quoi cet outil allait pouvoir servir en pédagogie. Cela m'a conduit à créer un premier logiciel, Mathoutor, qui, repéré par un universitaire, M Miezelys, m'a fait connaître. Les possibilités de l'informatique ont décuplé. Il était possible d'avoir le son, l'image animée, bref il était possible de faire de la pédagogie in vivo. J'ai tout de suite compris que s'ouvraient des perspectives formidables.

ToutEduc : Mais vous le faites gratuitement, sans espoir d'un "retour sur investissement" ?

Ph. Mercier : J'ai toujours pensé qu'un jour quelqu'un comprendrait l'intérêt de la plate-forme maths-videos et de cette démarche. L'année dernière, j'ai bénéficié du soutien d'un chef d'entreprise, venu spontanément après la lecture d'un article de Luc Cedelle qui m'était consacré dans "Le Monde de l'Education".  Il s'agit de M Vigneron d'adlpartner. Cela m'a permis de couvrir le programme de seconde. Je cherche maintenant une solution pour un détachement ou un aménagement pour mener à bien le projet jusqu'en Terminale. Mais, comme je vous le disais précédemment, l'institution résiste.. ...Qu'à cela ne tienne, la modernité est de mon côté.

Le site "Dispositif maths vidéos" (ici) couvre tout le programme de mathématiques, de la 6ème à la seconde (ici).

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