Favoriser les centres éduatifs ouverts pour sortir du "fantasme CEF" (C. Taubira)
Paru dans Scolaire, Justice le jeudi 09 août 2012.
"Il faut sortir du fantasme CEF. Il faut arrêter de se dire que c'est LA solution". Dans un entretien accordé mardi 7 août à Libération, Christiane Taubira, ministre de la justice, a remis en question l'engagement de F. Hollande de porter le nombre de centres éducatifs fermés (CEF) de 44 à 80 en cinq ans. Pour C. Taubira, les CEF, loin de favoriser la réinsertion des mineurs délinquants, apparaissent souvent comme un choix par défaut. "Aujourd'hui, on place en CEF ces jeunes car, parfois, il n'y a pas d'autres offres de placement." Constuire de nouveaux centres fermés reviendrait à "légitimer ce contresens". C'est pourquoi la garde des Sceaux avait déjà décidé d'arrêter la création de 18 CEF prévus par le gouvernement de Nicolas Sarkozy.
Pour Catherine Sultan, présidente de l'AFMJF (Association française des magistats de la jeunesse et de la famille), ces décisions sont légitimes. Les centres fermés, mis en place depuis 2002, n'ont jamais été évalués. Or "avant d'en construire d'autres, il convient déjà de savoir qui y envoyer exactement. On y place des jeunes qui, parfois, n'ont pas grand-chose à y faire". Les CEF ne parviendraient pas non plus à favoriser la réinsertion des véritables délinquants. Au contraire, ils auraient tendance à exacerber les tensions entre les jeunes et le personnel qui les encadre, si l'on suit Alain Drut, de la CGT PJJ. "Dans un CEF, la frontalité est totale entre la direction, les éducateurs et les jeunes. Au final, personne n'y gagne, et surtout pas les ados qui morflent et aggravent leur cas au lieu de s'en sortir".
C'est ce qu' illustre l'inquiétant état des lieux du CEF de Savigny. Comme le révèle Libération, la nouvelle directrice de ce centre, Malika Bendris, signalait en avril des problèmes récurrents de "vol", "de cannabis et d'alcool", ainsi que la "désorganisation" des éducateurs qui "met[tait] en péril la prise en charge des mineurs".
Vers le regroupement d'unités éducatives "ouvertes"
Pour autant, les positions de C. Taubira ont déclenché un tollé dans l'opposition. Des députés de l'UMP, du Parti radical et du Front national ont ainsi reproché à la ministre de privilégier la "permissivité à l’endroit des mineurs délinquants", pour reprendre les termes de Brice Hortefeux (UMP). Plus offensif, Eric Ciotti (UMP) a dénoncé "une vision idéologique, passéiste et naïve d’une justice qui refuse toute place à la sanction". Faisant écho à ces critiques, Y. Jégo (Parti radical) a appelé F. Hollande à "tenir ses engagements de campagne" et se démarquer des déclarations de sa ministre.
Hostile à la promotion des CEF, la garde des Sceaux a laissé entendre dans Libération qu'il fallait développer "d'autres offres de placement" pour créer une véritable alternative aux 42 centres éducatifs fermés que la France compte actuellement. "Je suis sensible au milieu ouvert pour une réalité simple: 80% de non-récidive", a-t-elle affirmé.
La mise en valeur des centres éducatifs ouverts passe, semble-t-il, par le regroupement des unités éducatives existantes afin de créer des pôles régionaux. De nombreux arrêtés parus cette semaine au Journal Officiel sont allés dans ce sens (voir toutEduc Au JO du 1er au 9 août 2012, spécial PJJ: établissements d'insertion, services territoriaux éducatifs de milieu ouvert...).