La collation de 10h dans le collimateur de l'école (La Communale)
Paru dans Scolaire le dimanche 15 juillet 2012.
"La collation, institutionnalisée dans les écoles maternelles, participe au conditionnement des comportements alimentaires [...] c'est un contre-message nutritionnel d'autant plus problématique qu'il est diffusé par l'école, censée avoir un rôle éducatif auprès des enfants". L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) est formelle: la collation de 10h distribuée dans les écoles maternlles n'est pas justifiée. Dans son avis du 23 janvier 2004, l'AFSSA explique que la distribution systématique d'une collation matinale "perturbe le rythme alimentaire et favorise le grignotage". Cette analyse a convaincu le ministère de l'Education nationale, qui recommande aux enseignants de limiter les collations, accusées d'aboutir à "un déséquilibre de l'alimentation et la modification des rythmes alimentaires de l'enfant".
Pour autant, la lettre d'information La Communale rappelle que ces préconisations n'ont pas toujours été suivies d'effets. La collation de 10h "résiste à l'avis de l'AFSSA" dans de nombreuses écoles maternelles. Selon les équipes enseignantes, ce moment permet à l'école de compenser les mauvaises habitudes alimentaires des enfants qui ne prennent pas de petit-déjeuner le matin. Cette position est partagée par un groupe d'experts anglais, qui a récemment invité l'Education nationale britannique à distribuer des petits-déjeuners aux enfants des familles défavorisées. Par ailleurs, la collation de 10h serait aussi un "temps fort pédagogique" indispensable à l'éducation des élèves.
Aide sociale ou éducation alimentaire?
Pour les experts en nutrition, ces arguments ne tiennent pas. D'une part, offrir une collation à l'ensemble des élèves pour répondre aux besoins des "10% qui n'ont pas pris de petit-déjeuner" n'est pas une solution adaptée. D'autre part, l'école et la famille ne peuvent pas jouer le même rôle dans l'éducation alimentaire des enfants. "La famille est le lieu pour l'apprentissage alimentaire et nutritionnel, l'école un complément pour les situations particulières", estime l'AFSSA.
C'est pourquoi la distribution d'une collation ne doit pas être obligatoire, mais adaptée à la situation de chaque élève. Aussi, dans le cadre d'une "politique active d'éducation nutritionnelle", certaines communes ont décidé de limiter la distribution de lait aux écoles maternelles. A Cholet, la mairie a mis en place un groupe de réfléxion qui a décidé de supprimer le lait dans les écoles en conservant la possibilité d'effectuer une distribtion ciblée et individualisée. La décision a été largement acceptée par la communauté enseignante: après une année scolaire, seuls trois enseignants distribuent encore du lait, ce qui témoigne selon La Communale d'un changement de mentalités.
Déficit en calcium
Ces démarches "éducatives" rompent avec une pratique historiquement ancrée dans les écoles. La Communale rappelle que la distribution d'une collation a été instaurée en 1954 pour "pallier la malnutrition", puis renforcée en 1976 afin "d'assurer des débouchés aux excédents de la production laitière". L'inquiétude croissante liée à l'obésité des jeunes enfants a conduit à remettre en question ces pratiques. Néanmoins, comme le rappelle La Communale, le débat n'est pas clos. Moins de la moitié des Français âgés de 3 à 24 ans consomment suffisamment de produits laitiers. Plusieurs études notent "une baisse importante de consommation de lait, moins 16% chez les enfants et adolescents entre 1997 et 2007".
Le déficit en calcium augmente avec l'âge. "Les besoins en calcium sont généralement couverts chez les jeunes enfants qui consomment des produits laitiers à chaque repas. En revanche, la situation est préoccupante pour bon nombre d'adolescents", note La Communale.
Dès lors, si la distribution de lait en école maternelle a mauvaise presse auprès des experts, son introduction dans le secondaire pourrait être rediscuté. Le CREDOC a récemment salué l'impact des cantines scolaires sur le comportement alimentaire des jeunes (voir ToutEduc Restauration scolaire: aussi bien que les repas familiaux (CREDOC)). Dans ce cadre, elles pourraient avoir un rôle à jouer pour atteindre l'objectif du Programme National de Nutrition Santé (PNNS), "réduire de 25% la proportion de la population ayant des apports calciques inférieurs aux recommandations".