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"Le socle commun ne doit pas être gravé dans le marbre" (Karine Texier, SE-UNSA Ille-et-Vilaine)

Paru dans Scolaire le jeudi 24 mai 2012.

Alors que le SE-UNSA réunit son "conseil national", et après que Christian Chevalier a défini les grandes lignes pour l'action du "Syndicat des enseignants" en conclusion du colloque sur "L'école pour tous" (voir ToutEduc, Le SE-UNSA mise sur la logique du socle commun pour une réforme non violente de l'Ecole), ToutEduc fait avec Karine Texier, secrétaire départementale d’Ille-et Vilaine du SE, un tour d'horizon des enjeux de "la refondation de l’Ecole" annoncée pendant la campagne.

ToutEduc : Le SE-UNSA, comme les autres syndicats, a été très prudent sur la question des rythmes scolaires. Comment répondre aux besoins des enfants et aux préoccupations d'une base, qui n'a pas forcément envie de revenir à la semaine de 9 demi-journées, d'autant que les enseignant(e)s de maternelle n'en faisaient, en réalité, souvent que 8 précédemment. Pensez-vous que le SE pourrait évoluer sur cette question, et comment?

Karine Texier : Je pense que le SE-UNSA porte, au contraire, des mandats assez clairs. Il est certain que pour nous, il est très réducteur de ne voir la question des rythmes scolaires que par le prisme de la question de la semaine à 4 jours ou à 5. Le SE était opposé au passage à 4 jours sous la forme qu'il a prise, dans la mesure où il réduisait considérablement le temps d'enseignement (qui est devenu le plus bas d'Europe) et mettait en difficulté les enseignants et des élèves en alourdissant leur journée. Nous ne nous battrons donc pas pour un maintien à 4 jours ! Pour autant, nous voudrions aller plus loin que cette simple question de rythme hebdomadaire ! Ce qu'il faut repenser, ce n'est pas seulement l'organisation de la semaine, mais l'organisation de tous les temps de l'enfant : temps de la journée, temps de l'année, temps scolaire / temps périscolaire / temps familial / temps personnel. Sans oublier de réfléchir à ce que l'élève va faire pendant ce temps scolaire.

L'Education nationale n'a jamais fait le bilan des différents dispositifs touchant aux rythmes scolaires. Il nous semble que ce serait un préalable à tout changement.
L'articulation rythmes scolaires / temps de l'enfant n'a encore été ni vraiment pensée, ni vraiment débattue dans notre pays. Sur ce sujet, il y a besoin de faire travailler ensemble différents spécialistes (médecins, psychologues, spécialistes du développement de l'enfant...), acteurs de l'éducation (personnels de l'éducation nationale, familles et acteurs de l'éducation populaire), collectivités et élèves pour trouver une proposition la plus consensuelle possible, qui réponde à des attentes multiples : il faut une école plus juste, plus efficace, et plus respectueuse des personnes (élèves, familles, personnels). C'est une question très complexe, qui demande qu'on y consacre du temps et à laquelle on ne trouvera pas de réponse aboutie pour la prochaine rentrée !

ToutEduc. Comment, vous qui êtes au contact quotidien des enseignants, sentez-vous "la base" sur ce sujet?

Karine Texier : Cette exigence qui est la nôtre, n'est pas une proposition "d'appareil syndical". Elle est portée par nos adhérents, puisqu'elle a été inscrite dans notre projet syndical après son adoption en congrès. Je ne crois pas qu'il y ait "par essence", une opposition entre nos propositions syndicales et les attentes de l'ensemble des enseignants. Les enseignants attendent un vrai projet fédérateur pour l'école, un projet qui mobilise l'ensemble de la communauté éducative et qui donne du sens à leur travail. Ils seront prêts à s'investir pour mettre en oeuvre cela, s'ils se sentent reconnus dans leur professionnalisme.

Cette reconnaissance pourra passer par le porte-monnaie (les enseignants du 1er degré sont encore loin d'avoir des revenus comparables à ceux des enseignants du 2nd degré, eux-mêmes très mal payés par rapport aux enseignants des autres pays européens) mais elle doit également passer par un travail de dialogue, d'écoute, de valorisation, de concertation, de formation qui a presque totalement disparu au sein de l'institution "Education nationale". A mon sens, négliger ce dernier volet, ce sera vouer toute nouvelle réforme à l'échec.

Les enseignants sont des professionnels qui ont été blessés dans leur estime professionnelle par des années de politique de harcèlement et de mépris institutionnels à leur égard. Pour rétablir leur confiance dans l'institution et leur estime de soi professionnelle, il faudra à la fois du temps, de la valorisation du travail enseignant, et beaucoup d'écoute.

ToutEduc. La DEPP a montré les faiblesses des élèves en compréhension des langues étrangères. L'inspection générale dit "oui, mais ils parlent davantage qu'avant". Qu'en pensez-vous ? Faut-il privilégier l'écoute ou la parole ? Comment sortir de cette alternative ?

Karine Texier. Le SE souhaite que la communication orale soit privilégiée. Mais une bonne communication, c'est à la fois comprendre ce que dit l'autre et être capable de lui répondre. On ne peut pas privilégier l'un au détriment de l'autre. Pour travailler ces 2 axes de façon équilibrée, le mieux est quand même de pouvoir baser l'enseignement sur des situations de communication véritable. Paradoxalement, de telles situations sont désormais de plus en plus accessibles techniquement (par l'utilisation des nouvelles technologies, notamment), mais sont difficiles à mettre en oeuvre, pour de multiples raisons : les équipements informatiques ne sont pas toujours utilisés par les professeurs de langue, soit à cause de problèmes de formation des enseignants à l'utilisation de ces équipements, soit parce que les équipements sont inadaptés ou connaissent des problèmes de maintenance ; les groupes classes de plus en plus chargés mettent également les professeurs de langue en vraie difficulté. Mais il reste que certains professeurs réussissent à mettre en oeuvre des projets innovants qui fonctionnent, souvent, sans véritable soutien de l'institution. Le ministère devrait, au contraire, encourager, aider ces initiatives et s'appuyer sur elles pour mener des actions de formation auprès des autres enseignants.

ToutEduc. Comment sauver le socle commun ? En laissant tomber le livret de compétences ?

Karine Texier. Il ne faut pas jeter le socle commun avec le LPC [livret personnel de compétences, ndlr], c'est certain. Compte tenu des défaillances de l'institution ces dernières années (en particulier, dans le domaine de la formation), le socle
commun a été raisonnablement bien intégré aux pratiques des enseignants du premier degré, même s'il y a des marges de progrès assez conséquentes ! Dans le second degré, les enseignants se sont, dans l'ensemble, moins bien approprié l'outil. Il me semble que c'est assez compréhensible, parce que la mise en oeuvre du socle prend tout son sens dans un travail en équipe, qui nécessite lui-même du temps de concertation : mettre en oeuvre le socle ça veut dire réfléchir à sa façon d'enseigner, sa façon d'évaluer... Il est difficile de prendre ce recul-là tout seul dans son coin. Or les enseignants du 2nd degré ne sont pas vraiment aidés par l'institution pour réussir ces concertations. Par exemple, le temps de concertation avec des collègues n'est pas comptabilisé dans leur temps de service.

Autre exemple, ils ne bénéficient pas d'actions de formation systématiques du type des animations pédagogiques dans le 1er degré. Ces temps là sont loin d'être parfaits, mais ils constituent néanmoins un temps de dialogue, d'échanges, de construction d'une culture professionnelle commune. De toute évidence, les premiers outils qu'il va donc falloir mettre en oeuvre pour faire vivre le socle commun seront une vraie formation professionnelle initiale des enseignants et une vraie formation continue.
Il est remarquable de constater que les enseignants du 2nd degré qui ont parfaitement bien intégré le socle dans leurs pratiques, sont souvent des enseignants qui ont pu s'appuyer sur des échanges avec d'autres collègues (souvent au sein d'associations de réflexion pédagogiques, par exemple le CRAP). Il faudrait que l'Education nationale elle-même offre à tous les enseignants les conditions de cette réflexion-là, les conditions de la construction de cette culture professionnelle du socle commun.

ToutEduc. Faut-il le réécrire ?

Karine Texier. Le socle commun, tel qu'il est écrit actuellement ne doit pas être gravé dans le marbre. Le monde évolue. Les attentes de la société vis-à-vis de l'Ecole évoluent. Il faudra se donner les moyens de faire évoluer le socle au fur et à mesure. Il y a d'ores et déjà des éléments qui demandent à être révisés, en prenant en compte l'expérience des enseignants qui se sont attachés à mettre en oeuvre le socle et l'enseignement par compétences (ce qui n'est pas la même chose que cocher des cases dans le LPC). 

ToutEduc. Faut-il et comment diversifier les parcours au collège ?

Karine Texier. Sur la possibilité de diversifier les parcours au collège, tout dépend de ce que l'on entend par "diversifier". Chaque élève a, de toute façon, son propre parcours d'apprentissage, avec ou sans l'aide de l'institution. L'Ecole ne peut pas faire semblant de ne pas s'en rendre compte. Je pense que c'est le rôle de l'Ecole d'accompagner chaque élève dans la construction de ce parcours d'apprentissage, au collège, certes, mais également tout au long de la vie. Les parcours des élèves doivent toujours se construire dans le but d'inclure chaque élève dans la société, non de les exclure. Le SE sera très vigilant sur ce sujet : les parcours proposés aux élèves doivent toujours l'être dans l'intérêt de l'élève, non pour éviter à l'institution de se poser la question de la place de chaque élève au sein du système scolaire. La construction de parcours diversifiés doit donc s'appuyer sur la recherche en sciences de l'éducation, sur la demande des élèves et de leurs familles mais aussi sur l'exigence républicaine de donner à chaque personne, enfant, adolescent ou adulte, la chance de pouvoir apprendre et se former.
 

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